Tantôt crainte pour cause du pouvoir qu’elle incarne, tantôt admirée pour son aplomb, la femme irrévérencieuse hante les imaginaires collectifs et la culture populaire en s’incarnant sous une pluralité de visages. Pour Kathleen Rowe, la “Unruly Woman” (que nous traduisons librement par «femme ingouvernable») est cette figure archétypale qui perturbe l’image traditionnelle de la féminité, notamment en manifestant des comportements en décalage avec ce que l’on attend du féminin. Selon Rowe, la femme ingouvernable peut présenter une forte corpulence, adopter des comportements dérangeants tels que de parler trop fort, de faire preuve d’un humour salace et assumé, ou encore d’exprimer sa colère en public et de faire preuve d’agressivité; à notre sens, elle peut aussi jouer la carte de la classe, de l’auto promotion et de l’hyperféminité assumée.
Si la figure féminine est habituellement celle qui se fait regarder, qui fait parler d’elle ou est la cible des blagues, la femme ingouvernable est celle qui regarde, parle et s’impose d’elle-même en spectacle. Laissant entendre haut et fort ses désirs comme sa rage, elle incarne l’archétype de femme en tant que sujet. Par cette attitude irrévérencieuse, elle se positionne elle-même au centre du discours et clame son droit à l’expression, mais aussi à son pouvoir dans l’espace public. Ce qui devient provocant chez la femme ingouvernable n’est pas tant son rejet de la féminité, qu’elle tend souvent, au contraire, à conserver sous plusieurs traits, que sa propension à faire cohabiter sans gêne des éléments féminins et masculins, car “elle ébranle l’une des distinctions fondamentales –celle entre le masculin et le féminin.” (Rowe, p. 31, notre traduction) L’une des incarnations de la femme ingouvernable serait la figure de la Virago, cette «femme d’allure masculine, autoritaire et criarde». Il est intéressant d’observer que chez la femme, l’attitude colérique et la violence ont de tout temps été perçues comme des marques de virilité –d’où l’origine du terme Virago, constitué du latin vir, désignant l’homme. En raison de sa reconfiguration libre des genres, elle laisse rarement indifférent; si elle se voit parfois s’attirer le mépris, elle n’en inspire pas moins l’admiration, et même l’identification auprès des auditoires. Quelle apparaisse sous une apparence androgyne ou hyperféminine, on la dénigre ou on l’admire en même temps et parce que l’on reconnaît chez elle le pouvoir féminin, et donc le renversement qu’elle initie, car la femme ingouvernable refuse massivement le rôle de victime et d’oppressée qu’on veut lui faire endosser. Ce faisant, celle-ci peut questionner les attentes que l’on cultive envers le féminin et proposer un décalage en utilisant ce qu’on attend d’elle (telles que le culte de l’apparence et la séduction) comme d’une arme, à ses propres fins.
Ce dossier se propose de réfléchir sur la multiplicité des figurations de femmes ingouvernables au sein de la culture populaire contemporaine. Qu’elle soit guerrière (Xena, Hit Girl), sorcière (Maleficient, Melisandre), superhéroïne (Black Widow), détective (Jessica Jones), travailleuse du sexe (Ovidie), femme artiste (Gaga, Cyrus), lutteuse (Ronda, Chyna) ou encore criminelle (Aileen Wuornos), l’irrévérencieuse infiltre à l’heure actuelle tous les médiums et médias populaires; littérature, cinéma, télévision, bande dessinée, jeu vidéo, arts du spectacle et visuels. C’est donc à travers un prisme multidisciplinaire que nous avons invités nos collaboratrices et collaborateurs à réfléchir aux implications idéologiques, aux questionnements et aux problématiques que soulèvent les représentations de femmes ingouvernables aujourd’hui. Par conséquent, les pistes de réflexion que nous vous proposons à titre de muses intellectuelles ne représentent qu’une infime parcelle des innombrables possibilités.
Selon le bédéiste britannique Alan Moore, la prise de risques fait partie intégrante du processus créatif chez l’artiste.
Dans l’art contemporain, notamment le Body Art, le corps devient la matière première du geste esthétique, car on y repousse les limites de son exploitation.
Si les productions Disney sont au cœur de nombreux débats sur les représentations du genre et des rapports entre les sexes, proposant en effet un type d’héroïne se devant d’être «obéissant[e], passi[ve] et s’adonner gentiment aux joies domestiques en attendant la venue de leur prince charmant» (Lurie, 1991, 32), on observe depuis quelques années une tendance progressiste chez Disney (Auger, 2014), qui propose des films d’animation avec des personnages principaux féminins forts et actifs, qui refusent le mariage et qui repensent positivement les stéréotypes traditionnels associés à la féminité.
Depuis la parution des premières fictions post-apocalyptiques, qui anticipent la vie après une catastrophe ayant détruit la majeure partie de la civilisation, les causes de la fin du monde se sont grandement diversifiées (catastrophe nucléaire, naturelle, biologique, sociale, technologique, etc.).
Dans le cadre du colloque Femmes ingouvernables: Repenser l’irrévérence féminine, Vicky Bertrand, Marie-Anick Blais, Catherine Chabot, Sarah Laurendeau et Marie-Noëlle Voisin ont présenté un extrait de la pièce Table rase.
On a souvent une vision archétypale de la bande dessinée lorsqu’il s’agit d’illustrer l’héroïsme et ses manifestations.
Après une présentation que j’ai faite dans un colloque il y a quelques années, on m’a critiquée en me disant que mes propos revenaient à chercher des poux dans la tête de quelqu’un, c’est-à-dire, grosso modo, à voir des problèmes là où il n’y en a pas. J’aurais eu envie de répondre qu’au contraire, des «poux», il y en a partout, tout le temps, de toutes les sortes.
Le succès du film Tournée (Amalric, 2010), mais aussi des films Too Much Pussy! (Jouvet, 2010) ou encore, dans un registre plus hollywoodien, Burlesque (Antin, 2010) ont participé au regain d’intérêt actuel du grand public pour le néo-burlesque en France et au Québec.
Dans le cadre de mon parcours à la maîtrise en études littéraires, j’étudie les figures de la Sad Girl (Wollen), la Sick Woman (Hedva) et la femme postblessée (Jamison) comme femmes ingouvernables en littérature.
Il y a une croyance tenace selon laquelle il existerait un «sens de l’humour», une essence de l’humour plus ou moins universelle, plus ou moins reconnaissable.
Qu’on se le dise, les femmes en science-fiction ont souvent été comparées à deux catégories différentes relativement semblables.
L’industrie de la musique demeure très typée en ce qui concerne les rôles genrés. On place traditionnellement les femmes du côté de la pop, alors que l’on considère le rock et les autres genres alternatifs comme une chasse gardée masculine.
Il y a de ça environ cinq ans, j’ai vécu une épiphanie cinématographique.
Dans le cadre de cette réflexion sur la figure de la «femme ingouvernable», il me paraît fort pertinent d’analyser la série télévisée britannique créée par Allan Cubitt The Fall, dans laquelle Gillian Anderson incarne l’équivalent d’une inspectrice en chef qui, tout en adoptant les codes de la féminité conventionnelle, parvient néanmoins à asseoir progressivement une véritable autorité au sein d’une hiérarchie policière, par définition essentiellement masculine, et à défier les relations de pouvoir et de domination qui la structurent.