On peut difficilement être plus clair que Mark Herstgaard: «Reagan was certainly the most important president of the past thirty years and arguably the most important since Franklin Roosevelt. Just as Roosevelt inaugurated a new era in American history in the 1930s with New Deal programs that established a limited welfare state, so brought that era to a close by attacking the welfare state and putting the market back in charge. He began by crippling specific programs with spending cuts, but his larger achievement was ideological: he discredited the very idea that government should intervene in the economy to assist the poor and disadvantaged, regulate corporate conduct, or otherwise pursue a vision of the public interest that diverged from unrestrained private enterprise. Reagan championed a version of capitalism where the government’s role in smoothing over the market’s rough edges—by providing food stamps, protecting the right of workers to organize for better treatment, preventing corporations from cheating customers and investors or polluting the environment—was sharply reduced. He insisted that government is the cause of society’s ills and markets the solution; leave the market alone, and everyone will end up better off. Although this view began to face fresh questioning thanks to the Enron scandal, it continues to dominate public discussion and policymaking in the United States. The man himself may be gone, but we still live in the Reagan era».
De fait, le cinéma reaganien (qui excède de beaucoup la période 1981-1989) a fixé les règles qui, pour beaucoup, sont encore celles qui régissent les blockbusters d’aujourd’hui. Il n’en faudrait pas pour autant oublier tout ce qu’il doit aux films hollywoodiens antérieurs: une stricte volonté de renforcer le plus possible l’illusion de réalité, la réduction des personnages, des situations et des tons à des canons génériques, le raffermissement de l’identification aux personnages et le désir de susciter chez le spectateur une totale adhésion aux héros et une répulsion sans mélange à l’égard des méchants, lesquels couvrent toute la gamme du communiste au gangster en passant par le marginal. De ce point de vue, il reste étroitement lié au rôle éminent que Hollywood a toujours cherché à jouer dans l’élaboration et la diffusion des mythes fondateurs de l’idéologie américaine – idéologie qui considère, en retour, que «le cinéma assume l’essentiel de la constitution de l’image de la nation américaine, pour elle-même et pour le reste de la planète». On pourra ainsi s’intéresser aux précurseurs du cinéma reaganien, films appartenant à la période Johnson (Green Berets [1968]) ou à un Nouvel Hollywood plus tardif et crépusculaire (Death Wish [1974]).
On pourra, en aval, s’attacher à des films néo-conservateurs –ou prétendus tels– postérieurs (The Siege [1998], World Trade Center [2005]) ou examiner les parodies des canons du cinéma d’action des années 1980, de Team America. World Police (2004) à The Expandables (2010). On pourra également se pencher sur tout ce que le cinéma reaganien valorise, explicitement ou implicitement, comme codes sociaux, règles culturelles, schèmes historiques et politiques. On s’attachera, par exemple, à la représentation des femmes, dans le thriller –de Body Heat (1981) à Presumed Innocent (1990) en passant par Fatal Attraction (1987)– dans la comédie romantique –de Sixteen Candles (1984) à Pretty Woman (1990)– ou encore dans la science-fiction d’Alien (1979) à Terminator (1984). On pourra également considérer comment des films d’action portent des messages politiques, de façon directe (par l’invasion fantasmée des USA par l’Armée Rouge dans Red Dawn [1984], par exemple) ou informulée (par la mise en scène de corps bodybuildés qui incarnent la suprématie américaine et le retour en grâce de valeurs qui semblaient momenténament périmées). On pourra aussi montrer comment les films reaganiens cherchent à conjurer la peur du déclin axiologique et géopolitique de l’Amérique, cherchant à mettre en place, dans le cinéma de masse, une logique de rédemption (Rambo [1982-2008], Rocky [1976-2006], etc.) Enfin, on pourra analyser la nature et les fonctions du héros reaganien, solitaire, hostile aux mégapoles, insensible aux charmes de la modernité, écœuré tout à la fois par la bureaucratie, l’administration fédérale, une armée hésitante, une police affaiblie et une justice corrompue. Toutefois, on sera probablement amené aussi à montrer que le cinéma de l’ère Reagan n’est pas réductible à une propagande –fût-ce cette «propagande noire» théorisée par Vladimir Volkoff et Guy Durandin. Sans doute, en effet, ces films sont-ils plus compliqués et ambigus qu’on ne le croit et beaucoup d’entre eux semblent illustrer la notion d’«incoherent text» forgée par Robin Wood pour décrire les productions du Nouvel Hollywood (Martin Scorsese, Richard Brooks, William Friedkin). Ce ne sont là, bien entendu, que quelques pistes de réflexion et toutes les propositions envisageant sous d’autres angles le cinéma reaganien seront bienvenues.
La vie passe vite. Si vous ne vous arrêtez pas et ne regardez pas autour de vous de temps en temps, vous pourriez la manquer. — Ferris Bueller
Au début de Back to the Future (Robert Zemeckis, 1985) nous découvrons, au crépuscule, la maison du héros, Marty McFly, lycéen et punk en devenir, avec ses autres occupants: son père, geek asocial, soumis à son patron abusif et tyrannique; sa mère housewife dépressive et alcoolique; son frère, looser employé de fast-food; sa sœur, frustrée, qu’on devine future housewife alcoolique elle-aussi.
«Abandon all hope ye who enter here» (Ellis, 1991: 3) déchiffre Patrick Bateman, héros-narrateur d’American Psycho, à partir d’un graffiti barbouillé sur la façade d’un immeuble new-yorkais.
La saga consacrée au boxeur Rocky Balboa vient de connaître un spin–off avec Creed, le nouveau film de Ryan Coogler, réalisateur de Fruitvale Station en 2013.
«Some dreams come true, some don’t. Keep on dreaming.»
On utilise souvent le terme de «populisme» de manière hasardeuse en Europe. L’épithète «populiste» peut être attribuée à des personnalités très différentes comme Jean-Luc Mélenchon, Pierre Poujade, Silvio Berlusconi ou encore Jean-Marie Le Pen.
Moins un outsider déchu comme le vétéran de Vietnam John Rambo ou un pur underdog comme Rocky, McClane porte en lui une fêlure qui est, comme chez Leland, avant tout domestique (mais l’on sait l’analogie qu’imposa le cinéma reaganien entre la domesticité et le macrocosme impérial)…
Il fut un temps où John McClane n’était pas encore John McClane, mais Joe Leland. Celui-ci était le héros de Nothing Lasts Forever (1979), le roman de Roderick Thorp que John McTiernan allait adapter au cinéma sous le titre de Die Hard (1988). Leland constitue un jalon significatif dans la genèse de l’Action Hero que l’on connaît…
De même que la contre-révolution culturelle de Reagan présentait la régression comme Révolution, le nouveau genre hégémonique du blockbuster action film était –et reste- surtout marqué par la nostalgie d’une forme perdue.
Symptôme de la rétromanie qui envahit la culture populaire contemporaine, entièrement tournée vers son propre passé, fut-il le plus récent, le retour sur nos grands écrans des figures déjà sexagénaires des Action Heroes de la Révolution reaganienne prend des allures de véritable catalogue.
C’est précisément parce que les années Reagan réhabilitent le modèle masculin (Reagan lui-même est «le père perdu, l’homme retrouvé», «l’archétype masculin primordial des années 1980») que les femmes sont, en retour, présentées comme corrompues, maléfiques, voire mortifères —en tout cas violentes.
Dès novembre 1984, quelques jours avant la facile réélection de Ronald Reagan à la présidence des États-Unis d’Amérique, le journaliste radical Andrew Kopkind le mettait en avant dans un long article de The Nation, le plus ancien hebdomadaire américain.
C’est sur cette esthétique que s’appuieront ensuite blockbusters et action movies, films reaganiens par excellence.