Nous sommes envahis par les reptiliens. Non pas, comme le prétendent les conspiranoïaques depuis trois décennies, par des créatures de l´ombre qui nous manipulent depuis les plus hautes instances qui régissent le Nouvel Ordre Mondial, mais par le nombre croissant de ceux qui y croient (selon un article paru en 2013 dans The Atlantic 12 million d´états-uniens étaient déjà convaincus que des lézards dirigent leur pays) et par la figure fictionnelle des hommes-lézards dont les premiers s´inspirent, voulant à tout prix lui donner vie.
Popularisée par les pulps états-uniens des premières décennies du XXe siècle, cette figure étonnante est passée de la fiction à “l´occulture” (Maurice Doreal, R. E. Dickhoff, etc.) avant de proliférer dans les représentations de la poposphère contemporaine, que ce soit dans la bande dessinée (des Skrulls au Lézard de Marvel), les séries télé (Doctor Who, Star Trek, Les Maîtres de l´Univers, V, etc.) ou les jeux vidéo (Warcraft, Warhammer, etc.). À la croisée de ces diverses traditions, les best-sellers de David Icke marquent au tournant du nouveau millénaire la cristallisation du paradigme complotiste autour des reptiliens (à commencer par The Biggest Secret de 1999). Le triomphe d´Internet ne fera que renforcer, paradoxalement, ce paradigme, faisant de ces créatures l´emblème même de la nouvelle culture du complot qui s´étend désormais à l´échelle planétaire.
Tous les aspects de ces créatures seront étudiés, de leurs embrigadements idéologiques à leurs parcours transmédiatiques et transculturels, en passant par leurs mutations iconologiques et leurs rapports avec d´autres monstres connexes (hommes-serpents, lamies, dragonides, etc.).
La Seconde Guerre mondiale n’est pas tendre avec les reptiliens, qui disparaissent pour ainsi dire de la surface de la Terre.
Parallèlement aux mondes perdus, les extrapolations extraterrestres trouvent dans les reptiles une figure de l’altérité.
Ironiquement, la première invasion reptilienne ne vint pas de l’espace extérieur mais de celui, on ne peut plus intérieur, le microcosme sub-atomique d’un grain de sable.
Si nous avons pu exhumer des représentations des reptiliens bien antérieures, Robert E. Howard est souvent crédité comme l’initiateur du type qui triomphera dans le complotisme contemporain.
À la croisée d’E. R. Burroughs et de Lovecraft, le célèbre The Face in the Abyss d’Abraham Merritt, paru initialement sous forme de nouvelle dans l’Argosy All-Story Weekly (Vol 154, 8 Sept. 1923) présente deux variations majeures du thème reptilien.
Bien qu’il soit très difficile de se prononcer de façon définitive sur l’immense jungle de la production industrielle des pulps, autant de par l’ampleur colossale du corpus que par la difficulté d’y accéder, la première variation significative que nous trouvons sur les reptiliens provient d’un classique des mondes perdus, At the Earth’s Core du célèbre créateur de Tarzan, E. R. Burroughs.
Nous sommes envahis par les reptiliens.