Il y a un siècle, au moment même où l’âge des explorations qui avait inauguré les Temps modernes touche à sa fin (le 16 décembre 1911 Amundsen plante son drapeau au Pôle Sud, dernier point resté en blanc sur le planisphère), Arthur Conan Doyle se détourne de l’univers de la modernité holmésienne pour nous plonger dans son Monde Perdu (The Lost World). Le titre était en soi l’acte de naissance officiel d’un genre qui l’avait toutefois précédé, annoncé notamment par le Voyage au centre de la Terre de Jules Verne (1864). Mais c’est véritablement au moment où «le temps du monde fini commence» (Paul Valéry) que les mondes perdus peuvent éclore, dernier espace du rêve d’un Ailleurs absolu, qui est aussi un Autrefois mythique.
Dans cette «Terre rincée de son exotisme» (Michaux), où «tout est submergé par ce nouveau déluge, le Progrès» (H. de Monfreid) et où «il n’est plus de mystère» (Saint-Exupéry), voici que d’autres mondes émergent où l’horizontalité des espaces que l’on croyait clos ouvrent sur la verticalité du temps. Propulsées par l’engouement pour l’archéologie et les découvertes de la paléontologie, les fictions des mondes perdus ouvrent sur tout un imaginaire post-darwinien qui confine à la fois à la cosmogonie et la tératologie. Depuis, ces Mondes Perdus et leurs fantastiques créatures antédiluviennes ne nous ont plus quitté, de Pellucidar au roman homonyme de Michael Crichton qui prolonge sa fiction «jurassique», en passant par les mangas (Cage of Eden), les comic books (de Turok ou Rahan au cycle de Skartaris dans le DC Universe, qui a aussi sa propre Dinosaur Island), les jeux vidéos (la saga Ultima) ou les romans pour la jeunesse (la série Tunnels ou le cycle des Dinotopia), mais aussi les discours ésotériques, ufologiques ou créationnistes et, plus récemment, le sous-genre étonnant du «dinosaur porn».
On retrouve l’idée des soucoupes volantes venant de la Terre Creuse sous l’Antarctique dans un étrange document ésotérique contemporain de cette illustration, le « Hefferlin Manuscript » (composé entre 1947 et 1948).
Pour les néonazis nostalgiques des années 1980, les ovnis nazis de l’Antarctique formaient un mythe compensatoire de la revanche germanique contre l’hégémonie des nouvelles superpuissances.
La cristallisation du mythe des ovnis nazis de l’Antarctique, alliée à la survie du Führer s’opère dans le pamphlet du ex-nazi négationniste émigré au Canada Ernst Zündel UFOs: Nazi Secret Weapon? (1975).
Durant l’ère victorienne se développent les « nouvelles sciences » et l’exploration d’un monde qui s’ouvre à la colonisation, tandis qu’apparaît un nouveau genre littéraire attaché à la conquête de l’ailleurs.
Durant l’ère victorienne se développent les « nouvelles sciences » et l’exploration d’un monde qui s’ouvre à la colonisation, tandis qu’apparaît un nouveau genre littéraire attaché à la conquête de l’ailleurs.
Le roman d’aventures est un genre littéraire vaste se déclinant en types et sous-genres de toutes sortes, tributaires du contexte social dans lequel ils sont nés.
Les Pôles sont devenus, au fil du temps, des pages blanches où l’imaginaire, cette autre écriture en suspension, n’a eu de cesse de projeter angoisses et espoirs.
«L’aventure introduit dans la lecture, donc dans la vie, la part du rêve, parce que le possible s’y distingue mal de l’impossible.»
Il y a 100 ans Arthur Conan Doyle se détournait de l’univers de la modernité qu’il avait réussi à réenchanter à travers la saga de son mythique Sherlock Holmes pour nous plonger à jamais dans son Monde Perdu (The Lost World).