L’émergence de roman policier en tant que genre et symptôme de la modernité se situe à la croisée des principales mouvances de celle-ci : industrialisation et urbanisation, positivisme et rationalisme, apparition des corps policiers au sein des sociétés disciplinaires, développement des médias de masses, formation d’un paradigme « indiciel » dans la pensée occidentale, tension entre modernisation et archaïsme, désenchantement du monde et tentatives de réenchantement, etc. L’on passe ainsi des premiers romans populaires « d’aventures policières » aux romans de détection classique ou whodunits puis à leur contestation radicale au sein du roman noir américain qui se déclinera en quantité de différents sous-genres (police procedural, romans du gangster, romans du détective « dur à cuire », etc.). Parallèlement émergent les catégories liminaires et instables du roman à suspense puis du thriller, le tout constituant ce que l’on peut bien appeler, de par son importance dans le champ des fictions populaires de genre, une véritable « planète polar » qui se décline sur un mode résolumment transmédiatique. Nous nous intéresserons ici à l’analyse de ses configurations et évolutions, interrogeant les caractéristiques formelles et idéologiques de différents cas exemplaires de fiction policière au sens large, ce qui englobe les transfigurations du modèle romanesque accomplies dans divers autres médias, notamment le cinéma (gangster films, film noir, néo-noir, polizziotesco, giallo, thriller, etc), mais aussi la bande dessinée ou la télévision (des premiers « police procedurals » à l’âge d’or des fictions criminelles sérielles).
Nada, roman néo-noir de Jean-Patrick Manchette paru en 1972, relate les tribulations d’un groupe homonyme d’anarchistes lors de l’enlèvement de Richard Pointdexter, diplomate américain à Paris.
Dragon rouge (1981), néo-polar états-unien écrit par Thomas Harris et second volet de la tétralogie mettant en scène le personnage d’Hannibal Lecter, s’ouvre sur deux extraits du recueil Chants d’innocence et d’expérience de William Blake.
« Sous les pavés, la plage ». Malgré la reprise de ce célèbre slogan de mai 68, Inherent vice (Thomas Pynchon, 2009) affirme que tout, par défaut, est vicié.
Le commissaire Maigret, héros de la série du même nom de l’auteur Georges Simenon, semble se retrouver à l’orée du roman noir, en conservant toutefois plusieurs éléments du roman à énigme et en laissant entrevoir la naissance du sous-genre « police procedural ».
Le facteur sonne toujours deux fois, un roman de James M. Cain publié en 1934, se positionne incontestablement dans le genre du roman noir.