Dans son ouvrage Le complexe du loup-garou. La fascination de la violence dans la culture américaine, Denis Duclos fait de la «mise en scène collective» des serial killers (terme forgé au sein de la crise des seventies par l’agent Robert Ressler), l’emblème d’une bivalence constitutive du sociétal postmoderne, «comme si l’idéal de société parfaite et l’extrême sauvagerie des instincts meurtriers entretenaient un lien mutuel caché, une connivence secrète et naturelle». Si la société n’est, dans la lignée de Hobbes, «qu’un rempart précaire contre l’animal tapi en nous», ces «personnages représentant la violence et la mort» s’érigent en fantasme de retour panique et paradoxalement salvateur aux «guerriers fous» en une sorte de «sadomasochisme de fiction».
Héritier de l’homme criminel lombrosien et de la manie homicide, rêve ultime du dispositif médico-disciplinaire en ce qu’il incarne un crime qui est une folie et une folie qui n’a pour autre symptôme que le crime lui-même, le serial killer s’est substitué aux monstres surnaturels pour dire notre «malaise dans la civilisation». Suprême avatar du Thanatos (auquel l’Éros est symptomatiquement asservi) il rend visible (voire obscène) le «devenir-monstre» de notre culte contemporain de l’extrême, pendant thanatique du «corps absolu, corps d’absolu» du recordman, du gourou et de la star (Paul Ardenne). Type idéal, au sens wéberien, il constitue à la fois l’apothéose et l’anomie de l’individu incertain hypermoderne (Alain Ehrenberg), miroir tendu à l’«hypocrite lecteur, [son] semblable, [son] frère» qui y projette toutes ses contradictions pour les voir, en lui, extrémisées.
Stakhanoviste de la «part maudite» et la dépense sacrificielle, sériel lui-même, il appelle à la réduplication obsessionnelle sur tous les supports, entraînant une véritable surexposition romanesque et cinématographique (mais aussi télévisuelle ou bédéique) qui ne connaît plus de limites (d’où son intrusion dans les genres qui a priori auraient dû lui résister tels que la comédie musicale, le porno ou les fictions du «coming of age»). C’est donc à une chasse à l’homme que ce dossier nous invite, plongeant dans le maelstrom de nos «paranofictions» (fussent-elles placées sous le signe du «true crime») les plus meurtrières.
La postmodernité est «l’expression momentanée d’une crise de la modernité qui frappe la société occidentale», à la fin du XXe siècle, et elle se caractérise par une contestation de ce qui est venu avant elle: c’est le rejet les idées modernes d’universalité et de vérité essentielle.
L’époque victorienne est généralement apparue, dans l’histoire britannique, comme une période très positive, tant en progrès techniques qu’en avancées sociales.
Afin d’effectuer le rapprochement entre la série télévisuelle Dexter et la figure du tueur en série, il est nécessaire de comprendre globalement la place de la violence dans la culture américaine.