Ce dossier trouve sa source dans le contexte paradoxal d’une édition particulièrement fructueuse et stimulante d’un cours sur la chanson, à l’hiver 2021, et de la suspension brutale du temps survenu aux premières semaines d’une pandémie dont personne n’avait alors soupçonné l’ampleur. Les travaux qu’il rassemble, très variés, ont néanmoins en commun d’avoir proposé des analyses qui mettaient en valeur l’apport des théories littéraires et de l’analyse de discours pour aborder l’étude des chansons contemporaines. Concevant la chanson comme un tout (texte, musique et performance), la considérant à la fois comme un genre et comme un discours, les textes qui forment ce dossier ont en commun de se situer au plus près d’une poétique de la chanson enregistrée : orale, performée mais fixée par les procédés d’enregistrement, brève mais complète, façonnée par des rythmes et des alternances. Que des littéraires y voient un « texte maigre » qui provoque une sorte d’ « illusion acoustique » (Duneton) ou qu’on la décrive comme un « art du temps compté » (Hirschi), la chanson se déborde sans cesse elle-même et repousse les limites du langage ordinaire, au point où Catherine Dutheil Pessin affirme qu’elle « cristallise les affects et ritualise des significations ». Les chansons sélectionnées présentaient toutes cette sorte de simplicité qui semble résister à l’analyse et qui est propre à cette forme dense, concentrée malgré sa brièveté et qui fait dire à Paul Zumthor que son sens « émerge d’un non-lieu, d’un non-dit, dans l’esprit de l’auditeur, à chaque performance modifiable, ici et maintenant ». Les principaux outils mobilisés touchent l’analyse de la chanson comme récit (Chamberland), l’articulation du récit phonographique (Lacasse), l’analyse de l’image de soi et de l’autre dans le discours (Amossy) de même que l’autoréférentialité (Julien).
L’écoute des chansons est fortement recommandée, avant, pendant et après la lecture!
L’album Aimer les monstres (Émile Proulx-Cloutier, 2013) s’inscrit dans un projet plutôt éclectique dans son contenu musical, mais qui converge toujours vers le même désir : celui d’écrire l’humanité autant dans sa beauté et que dans sa laideur.
En janvier 2014, juste à temps pour nous aider à passer au travers des grands froids, Philémon Cimon lance son deuxième album L’été, trois ans après Les sessions cubaines (Philémon Chante, 2011).
Au moment de la parution de l’album Effets spéciaux du groupe Avec pas d’casque en 2016, l’un de ses membres, le guitariste Nicolas Moussette souligne le fait que «À Ulverton, où nous avons enregistré l’album, l’hiver a aussi rendu l’album plus relax» (Côté, 2016).
Amossy, Ruth (dir. publ.), Images de soi dans le discours. La construction de l’ethos, Lausanne-Paris, Delachaux et Niestlé, 1999.
Duneton, Claude, Histoire de la chanson française – Des origines à nos jours, Paris, Seuil, 1998.
Dutheil-Pessin, Catherine, La chanson réalise. Sociologie d’un genre, Paris, L’Harmattan, 2004.
Chamberland, Roger, « ″Tu m’aimes-tu″ : le récit en creux d’une passion », Études littéraires, Poétiques de la chanson, 27, 3, hiver 1995, p. 41-50.
Hirschi, Stéphane, Chanson. L’art de fixer l’air du temps : de Bérenger à Mano Solo, Paris, Belles Lettres, 2008.
Julien, Jacques « Quand la chanson parle d’elle-même », En avant la chanson!, sous la dir. de Robert Giroux, Montréal, Triptyque, 1993, p. 177-207.
Lacasse, Serge, « La musique populaire comme discours phonographique : Fondements d’une démarche d’analyse », Musicologies, n°2, p. 23-39.
Zumthor, Paul, Introduction à la poésie orale, Paris, Seuil, 1983.