Alors que la rumeur court qu’à la faveur du grand confinement du printemps 2020 un quatrième épisode de la saga Cloverfield aurait été tourné en catimini dans un Paris dépeuplé, il nous semble utile de questionner les enjeux de cette série telle que nous la connaissons aujourd’hui. On pourra notamment s’attacher à la manière dont y sont traitées les notions d’événement, d’espaces emboîtés et de dimensions parallèles, de peur et d’angoisse, voire d’horreur et de révulsion ; aux easter eggs qui, d’un épisode à l’autre, assurent le plaisir du spectateur, aux relations complexes entre les personnages, non seulement principaux (Rob et Beth, Michelle et Howard, Ava et Mina, etc.) mais aussi apparemment secondaires (Hud, Lily, Marlena, Emmet, Jensen, Volkov ou Schmidt), à la monstruosité (Que doivent les monstres des trois épisodes non seulement à la tradition du Cthulhu ou de Godzilla mais aussi aux fameux « craignos monsters » du cinéma de genre, de série B, voire Z à la façon de The Giant Claw [1957] ou d’Inframan [1975] ?), aux multivers (concept qui est au cœur de nos post- et hypermodernités « néo-baroques »), aux anomalies temporelles, à l’amour sacrificiel, au deuil, à la nostalgie ou à la déception thématisée à l’intérieur même de chaque épisode. On pourra même s’intéresser à Overlord (2018), qui fut un temps présenté comme le quatrième film de la franchise et qui, bien qu’à part, reprend bien des thèmes et manières de la trilogie (la conspiration, les dangers d’une science non-maîtrisée, l’expérimentation mortifère, la reprise et la superposition des stéréotypes du cinéma d’exploitation, l’immersion du spectateur dans un univers où règne une peur « primale » au sens freudien du terme).
Il serait également intéressant de s’interroger sur ce que cette saga doit à l’esthétique et à aux thématiques vidéo-ludiques de la survival horror, du Doom-like ou du first person shooter. On pourra aussi s’intéresser à la manière dont les Cloverfield sont reliés, explicitement ou implicitement, non seulement entre eux, mais aussi à l’imaginaire global de J.J. Abrams (Lost, Fringe, Revolution, Alias, Super 8, etc.). Bien entendu, on se penchera aussi avec profit sur l’importance de motifs apparemment anodins comme le Slusho, cette boisson énergétique de la compagnie Tagruato, qui semble jouer un rôle majeur, bien que souterrain, dans l’univers des Cloverfield. Ce dernier – le fameux Cloververse – sera ainsi abordé dans une approche transdisciplinaire associant la sémiotique, la psychanalyse, la sociologie, la philosophie politique, l’anthropologie culturelle ou encore la psychologie des médias pour tenter de répondre à ces deux questions intimement liées : d’où viennent les monstres ? Peut-on leur échapper ?
Ce dossier est issu de la journée d’étude Nom de code : Cloverfield (avril 2021) dont les archives sont disponible sur YouTube.
Le film d’horreur découlerait du cinéma fantastique et se serait longtemps parqué derrière lui dans un souci de légitimité et de notoriété.
L’univers Cloverfield ou Cloververse a la particularité de nous offrir des représentations spectaculaires d’une Amérique transformée ou en voie de transformation.
« Still filming? » Au mitan de Cloverfield (2008) et en pleine catastrophe, c’est la question que Rob Hawkins (Michael Stahl-David) pose à son ami Hud (J.J. Miller) qui s’empresse de lui répondre : « Yeah, people are gonna want to know… how it all went down […]. People need to see this, you know? It’s gonna be important. People are going to watch this ».