Vivant l’un pour (et par) l’autre, le couple en cavale ne se dirige pas vers un but, mais s’inscrit contre un mode de vie, celui incarnant l’idéal américain. À l’inverse des grandes figures solitaires (cowboy, détective, criminel) de genres qui ont contribué à l’élaboration des codes du road fiction, l’archétype du couple en cavale présente une union fusionnelle. Alliés dans la marginalité, les héros avancent à toute allure, envers et contre tous, vers leur fatale destinée.
Le couple s’érige contre les valeurs de sa société, prônant une contre-culture propre à l’idée de contestation de la modernité telle que représentée dans Bonnie and Clyde, Thelma & Louise, Natural Born Killer, etc. Dans ces fictions, les couples incarnent à la fois la révolte et la libération. La postmodernité voit se déplacer les motifs des héros nomades qui perdent leurs repères et dérivent sans ancrage pour finalement s’adonner davantage à une errance qu’à une progression: «L’Amérique n’est ni un rêve, ni une réalité, c’est une hyperréalité. C’est une hyperréalité parce que c’est une utopie qui dès le début s’est vécue comme réalisée.» (Jean Baudrillard). Fondé sur l’utopie d’un nouveau territoire miraculeux, le mythe américain de l’accession au bonheur par la route motive les actions des personnages désirant se rendre «over the rainbow» (Wizard of Oz). Mais alors que Dorothy voyage dans un univers onirique pour mieux retrouver la quiétude de son monde réel («There’s no place like home!»), le couple en cavale vit une crise existentielle, condamné à errer sur une frontière floue entre l’illusion et la réalité où le nouveau monde utopique s’avère être un Wonderland inversé.
N’étant plus l’incarnation des valeurs puritaines de la famille, le couple est défini simplement par un «ensemble de deux personnes liées par un sentiment, un intérêt quelconque». Il peut donc être d’ordre amical, fraternel, circonstanciel, etc.
Le couple carbure ainsi au déplacement et n’existe pas sans la route qui se termine inévitablement. Êtres aliénés par la société et motivés par la passion, ils fuient leur passé sans pouvoir entrevoir d’avenir et s’octroient tous les plaisirs du présent dans une célébration de la liberté éphémère rendue possible par le déplacement.
Incarnation du possible affront au système, le couple de Bonnie et Clyde se fait rapidement élever au statut de mythe national dans les années 1930. L’œuvre cinématographique d’Arthur Penn (1967) repopularise les deux gangsters américains qui deviennent les héros d’une jeunesse…
Le roman Wild at Heart, The Story of Sailor & Lula (1989) de Barry Gifford, premier d’une saga de sept tomes et adapté à l’écran sous le titre de Wild at Heart (1990) par David Lynch, présente une Amérique sauvage et déshumanisée au sein de laquelle brûle l’amour passionnel des deux jeunes héros.
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