Le sol nord-américain regorge d’ossements de dinosaures. Si l’on connaît aujourd’hui assez bien l’intérêt des premiers colons et explorateurs européens suscité par les multiples découvertes d’ossements, souvent avec l’aide des tribus locales d’Indiens, on connaît encore peu, en revanche, ce que ces tribus pouvaient en penser et ce qu’elles en faisaient. Comme le paléontologue américain David Weishampel l’a remarqué:
Les Indiens, qui possèdent une telle harmonie avec la Terre, le ciel et l’eau, avaient immanquablement dû remarquer les os gigantesques qui s’érodaient au sol et les empreintes qui semblaient appartenir à des oiseaux démesurés préservés dans des blocs de pierre. Mais leurs découvertes ont été perdues à la science moderne; seules leurs légendes survivent. (51)
Aujourd’hui encore, nous n’en savons que trop peu sur les interprétations traditionnelles que ces peuples attribuèrent aux vestiges qui tapissaient leur sol avant que les colons blancs n’y donnent le nom de dinosaure. Certaines histoires ont disparu avec le temps, d’autres sont gardées précieusement comme un dernier secret d’âme à protéger de l’homme blanc vorace, tandis que d’autres encore attendent simplement que quelqu’un demande à les entendre. Mais, ainsi que Neeake, conteur de la tribu Shawnee, l’a déclaré lors d’une interview en 2002: «Si on ne connaît pas la bonne question, ni comment la poser correctement, on n’a pas besoin de connaître la réponse.» (Mayor: xxxiv) Alors, avant de commencer à conter, quelles questions devrions-nous nous poser?
Tout d’abord, à quelles fins étaient utilisés les os et fossiles découverts? Quels récits, croyances ou peurs ont-ils engendrés? Et à quand peut-on les faire remonter? Mais aussi qu’est-ce que le folklore des tribus indiennes d’Amérique peut nous apprendre sur la façon dont ces peuples, qui avançaient eux-mêmes vers une sorte d’extinction, appréhendaient les créatures disparues que sont les dinosaures?
Il existe un folklore des os et fossiles chez les premières nations qui est étroitement lié à leurs mythes de la création et regorge de créatures géantes, terrifiantes ou protectrices, qui ressemblent fortement à l’imagerie moderne du dinosaure. De médicaments à armes, en passant par objets mystiques et témoins d’un passé lointain, les os et fossiles qui jonchent les États-Unis ont connu de multiples usages au sein des tribus indiennes. Leur présence mystérieuse dans la terre a donné naissance à de nombreux récits explicatifs à la fois rudimentaires et étonnement recherchés.
Dans cet article trois exemples seront étudiés: celui des Pawnees dont les guérisseurs se lançaient à la quête du nahurac– que l’on peut traduire par ‘esprit animal’– et recueillaient les os fossilisés pour soigner leurs malades à coup de tisanes légèrement corsées. Celui de la tribu Piegan Blackfoot, qui vénérait les os de dinosaures comme les restes du ‘grand-père bison’, selon l’explorateur français Jean L’Heureux, qui avait vécu parmi eux au milieu du 19e siècle. Et enfin celui des Sioux Lakota dont les histoires de batailles entre le Thunderbird, rapace énorme à la tête longue comme un crocodile qui n’est pas sans rappeler le ptéranodon, et son ennemi le monstre d’eau Unktehi, sorte de serpent à cornes probablement inspiré par des ossements de mosasaures, font non seulement écho au mythe tribal de la création, mais aussi aux sciences de l’évolution.
Dirigeons-nous d’abord au cœur des Grandes Plaines au début du 20e siècle. Sur l’ancien territoire Pawnee1, Young Bull, dernier docteur en os et fossiles de sa tribu, confie les histoires de son peuple et de sa médecine à Young Eagle, lui aussi Pawnee, qui les collecte pour l’ethnographe américain George Amos Dorsey2. Young Bull raconte que lorsqu’il n’était qu’un très jeune garçon, dans les années 1840, sa grand-mère a commencé à lui parler des êtres géants qui s’étaient noyés il y a très longtemps, bien avant que l’homme n’habite la terre. Il y a des années, a raconté sa grand-mère à Young Bull, quand les Pawnees vivaient sur la rivière Republican3, ils avaient pour habitude d’aller chasser à l’ouest de leurs terres et de s’arrêter en chemin près d’une grande butte appelée Swimming Mound. Mais un jour, un des chasseurs Pawnee décida d’explorer la butte où il s’égara puis fini par s’assoupir. C’est alors qu’en rêve vint à lui une vision. Un homme gigantesque lui dit:
Mon fils, je suis venu jusqu’à toi. Bien des miens se sont noyés en ce lieu et nos os s’y reposent. Le peuple s’éclaire de nos os quand il les trouve. Je vais maintenant te dire que lorsque tu trouveras certains de ces vieux os ils auront des pouvoirs curatifs. Sur le flanc sud de cette colline tu trouveras l’os d’une de mes cuisses. Prends-le, enveloppe-le, et mon esprit sera avec cet os et je serai à tes côtés et te donnerai un immense pouvoir. (Dorsey: 294)
La légende veut qu’à son réveil le chasseur découvrît l’os fossilisé au sud de la butte, suivi les consignes du géant et devint un grand guerrier et grand médecin, grattant la surface de l’os pour en infuser le thé médicinal d’une fine poussière lorsque la maladie frappait son peuple. Le fait que Young Bull ait appris cette histoire de sa grand-mère permet de faire remonter la découverte d’os géants fossilisés par les Pawnees au moins à la seconde moitié du 18e siècle, quand elle était elle-même enfant, si ce n’est avant. Young Bull a également expliqué que la médecine de l’os avait été abondamment pratiquée juste avant sa naissance, lorsque des épidémies de variole ont frappé la tribu en 1800 et 18324: «Il y a bien des années, le peuple a été visité par une maladie du nom de variole. C’était très mauvais. Tous ceux qui sont allés [voir le medicine-man] et ont touché le fémur ne sont pas tombés malades. Tous ceux qui étaient affectés et ont bu le thé de fémur ont guéri.» (Dorsey: 295) Selon ses dires, ceux qui avaient touché l’os n’étaient pas tombés malades et ceux qui l’étaient déjà avaient guéri en buvant le thé de fossile. L’os fut rebaptisé ‘pierre merveilleuse’ et Young Bull, nourri des récits de ses bienfaits depuis sa plus tendre enfance, décida de devenir guérisseur, malgré la disparation du fossile originel. Interrogé sur le pourquoi de la disparition des hommes géants dont provenait l’os, Buffalo, un autre Pawnee du groupe Skidi, a expliqué que, selon les croyances Pawnee, le manque de foi des géants en Tirawa, le Créateur, les avait menés à leur perte quand celui-ci, pris de colère, avait fait monter les eaux, rendant la terre boueuse et noyant les anciens hommes, leurs squelettes à jamais emprisonnés dans le sol5
Puis Tirawa envoya la pluie sur la terre. […] Les eaux surgirent et tout fut recouvert d’eau. Il sembla y avoir plus de tonnerre et de foudre des cieux. Là où l’eau se précipita sur les terres les peuples [géants] furent emportés. […] Là où ils n’étaient pas détruits ils se tinrent debout sur la terre et celle-ci sembla devenir molle et ces hommes s’enfoncèrent. Ceux qui furent emportés par les eaux ne se transformèrent pas en racines, mais leur corps fut déposé sur les berges et à d’autres endroits. Tirawa promit que lorsque le petit peuple serait sur la terre il trouverait ces os du peuple géant et que les os contiendraient un pouvoir curatif pour les malades. (Dorsey: 296)
Loin d’être des détails anodins servant à contextualiser et dramatiser la légende, les images Pawnee d’inondation et d’hommes gigantesques sombrant dans une terre boueuse sont en réalité une vision relativement juste de la vaste mer de l’ère Crétacé, et des énormes créatures qu’elle a piégées dans ses rivages.
Depuis la toute première parution de ce mythe dans le recueil de Dorsey en 1906, bien des anthropologues et historiens se sont interrogés sur le genre d’animal auquel aurait pu appartenir l’os miraculeux. Tout dépend de l’emplacement exact du Swimming Mound mais il n’est malheureusement plus connu aujourd’hui, ne reste donc que des spéculations, à mi-chemin entre découvertes scientifiques et histoires tribales6. Il a longtemps été supposé que les squelettes de mosasaures, présents en grand nombre sur le territoire Pawnee, avaient donné naissance à la légende. Néanmoins, si l’on suit cette hypothèse, deux éléments posent problème. Le premier est que le fossile sacré était censé être unique au sein d’un lieu mystique où reposaient bien d’autres os gigantesques. Or, les ossements de mosasaures abondent dans la région, comme l’attestent les découvertes du paléontologue américain Othniel Marsh et de ses étudiants à la fin du 19e siècle. Comment le chasseur Pawnee de la légende aurait-il donc pu en distinguer un en particulier si tous étaient semblables? Le second élément qui vient contester la thèse du mosasaure est le fait que le géant des récits, similaire en tout point sauf la taille à un homme, décrit l’os magique comme faisant partie de sa jambe. La ‘pierre merveilleuse’ devait donc vraisemblablement ressembler à un fémur ou un tibia humain. Or, cela ne coïncide en rien avec l’ossature du mosasaure qui fait davantage penser à celle d’un lézard avec ses pattes très courtes et sa longue queue. Il faudra attendre 1955 et la découverte du Silvisaurus dans le Kansas, à quelques kilomètres au sud de la fameuse rivière Republican où était censé se trouver le Swimming Mound, pour voir naître une théorie plausible. Le dinosaure, long d’environ 4 mètres, remonte au Crétacé supérieur et la moitié de son fémur droit qui a été recouverte peut effectivement faire penser à celui d’un homme gigantesque7. La ressemblance de l’os à celui d’un homme, ajouté au fait que le dinosaure découvert demeure aujourd’hui l’unique spécimen de son espèce, et qu’il lui manque le fémur gauche, a bien sûr nourri l’imaginaire et des chercheurs et des amateurs de folklore. Si déterminer le vrai du fictif reste difficile, le fait que les Indiens Pawnee étaient conscients depuis des siècles de ces êtres disparus et leur avaient donné vie par leurs récits et croyances, avant même de savoir ce qu’ils étaient vraiment, demeure néanmoins indéniable. Par leurs légendes, ils ont essentiellement opéré une véritable reconstitution de ces mondes éteints.
Les Pawnees ne sont pas les seuls à avoir vu des semblables dans les dépouilles de dinosaures. Le paléontologue américain John Willis Stovall a notamment rapporté qu’alors que son équipe et lui procédaient à l’excavation d’un Pentaceratops en 1941 au Nouveau-Mexique, la tribu Navajo locale avait pris l’habitude d’observer quotidiennement, mais à distance le processus. Lorsqu’un des Indiens, piqué de curiosité, osa s’approcher davantage, Stovall lui demanda quel était le nom donné aux fossiles de ces créatures en Navajo. L’homme répondit qu’ils étaient «les dépouilles des vénérables anciens» (Mayor: 117). En vérité, l’idée d’hommes géants arpentant la terre avant notre ère est relativement récurrente dans le folklore des nations indiennes. Et si l’on suit ce fil de pensée, qui dit homme gigantesque dit gibier de taille conséquente, ce qui explique pourquoi de nombreuses tribus croyaient qu’il avait un jour existé un ancêtre colossal du bison. Jean L’Heureux, un explorateur français qui a vécu parmi les Piegan Blackfoot8de 1860 à 1890, a raconté dans ses manuscrits avoir à plusieurs reprises accompagné ses amis indiens jusqu’au lit d’un ancien lac bordé d’un ravin d’une centaine de mètres, près de la rivière Red Deer, où la tribu se rassemblait pour honorer les esprits de la terre. Parmi l’amas de pierres, ils lui montrèrent plusieurs os d’un animal puissant dont les énormes vertèbres mesuraient dans les 50 centimètres de diamètre. Ce gisement de fossiles était couvert d’offrandes d’étoffes et de tabac, et les Blackfeet expliquèrent à L’Heureux qu’il s’agissait de l’endroit où «gi[sait] le grand-père du bison» (L’Heureux: 12). Comme les Shawnees du Kentucky et Lenapes du Delaware, qui appelaient les squelettes de mastodontes le ‘grand-père du bison’, les Blackfeet avaient naturellement associé les étranges os à l’animal le plus large dont ils avaient connaissance. Selon le paléontologue canadien David Spalding, leur intérêt était essentiellement spirituel, mais leur raisonnement en partie scientifique dans le fait qu’ils reconnaissaient l’ancienneté des dépouilles et leur «possible relation à un descendant vivant» (Spalding: 22-3). Si le rapprochement du bison au mastodonte n’a rien de surprenant, les os auxquels les Blackfeet associaient l’ancêtre de leur proie le sont bien plus. En effet le canyon de la rivière Red Deer décrit par L’Heureux a depuis été renommé Dinosaur Provincial Park, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979, et abritant les fossiles de plus de 60 espèces de dinosaures9. Sur les hauteurs du ravin, surplombant les vestiges de cératopsiens et d’ankylosaures les archéologues ont découvert, vers la fin du 19e siècle, un dream bed, lit des rêves, lieu utilisé par les Blackfeet en quête de visions, accompagné d’une effigie rupestre (Mayor: 291-2). Si l’effigie a aujourd’hui disparu, ce qui reste du demi-cercle des rêves peut toujours s’apercevoir sur un des sommets du parc.
Un peu plus au sud, sur la terre des Sioux Lakota10, les histoires de Thunderbird, l’oiseau tonnerre, et d’Unktehi, le monstre des eaux, qui rythmaient les longues nuits d’hiver, sont elles aussi nées d’une quête de vision, ou hembleciya, qui signifie ‘pleurer pour un rêve’ en Lakota. Selon la légende, les premiers êtres à peupler la terre étaient des insectes et reptiles géants, répondant à Unktehi, maître des eaux, et qui correspondent tout à fait, dans l’imagerie, au terme de dinosauria (du grec deinos, terrible, puissant, et sauros, lézard) inventé par le biologiste et paléontologue britannique Richard Owen en 1841. Ces créatures, qui revêtaient de multiples formes, étaient des monstres voraces et sans pitié, dévorant tout ce qui vivait sur la terre comme dans les eaux, au point que les esprits virent bon de les détruire pour rétablir l’équilibre naturel. C’est ainsi qu’à l’âge de Tunka, la Pierre– première des quatre grandes ères de la création selon les Lakotas,– les éclairs lancés par Thunderbird et sa volée d’êtres tonnerre transformèrent Unktehi et ses disciples en fragments rocheux. La foudre consuma tout sur son passage, transformant le paysage en véritables Badlands où les dépouilles de ptérosaures qui côtoient celles de mosasaures, de tyrannosaures et d’edmontosaurus n’ont fait que renforcer la croyance des Lakotas en cette hostilité légendaire. Les fossiles de bélemnites, ancêtres des calamars, qui abondent dans les Badlands, étaient également perçus comme des preuves de ces épiques batailles puisque les Lakotas voyaient en eux les vestiges des flèches de foudre lancées par les yeux des êtres tonnerre. Néanmoins, le mythe ne s’arrête pas à ce passé lointain, puisqu’une autre légende veut que Gnaski, descendant malveillant d’Unktehi, ait un jour pris forme humaine pour croiser le chemin des premiers Lakotas sur les collines de Carnegie Hill (depuis renommées Agate Fossil Beds)11. Gnaski utilisa la magie pour projeter un fragment d’os fossilisé d’Unktehi dans le corps d’un jeune indien, lui donnant par la même occasion une vision qui lui apprit une médecine fossile puissante. De retour parmi les siens le jeune indien fut pris de violentes convulsions, comme un bison fou. Wata, le tout premier guérisseur Lakota, parvint à le soigner en retirant l’écharde de fossile, suite à quoi il mit son peuple en garde contre la médecine de Gnaski, qui ensorcelle et provoque la maladie (LeBeau, 2002). C’est cette légende qui a poussé les Lakotas à éviter le territoire d’Agate au cours des siècles puisqu’ils considèrent les fossiles comme wakan sica, mauvaise médecine, et s’en tiennent à l’écart par prudence, mais aussi par respect pour la puissance qu’ils renferment. C’est pourquoi lorsque les hommes blancs sont arrivés et ont commencé à remuer la terre pour en extraire ces os dangereux et sacrés– dans un but que la tribu a jugé n’être que la folle obsession de collectionneurs– les Lakotas les virent non pas comme de simples imprudents, mais bien comme des êtres au dessein malveillant, à l’instar du légendaire Gnaski. Est-il alors possible qu’en voyant les tout premiers étrangers assoiffés de dépouilles les Lakotas aient pu entrevoir le présage d’une quasi-extinction similaire à venir, de maladies qu’ils associaient à l’approche des fossiles et que les blancs allaient leur causer, intentionnellement ou non? C’est d’autant plus difficile à savoir qu’il n’existe aujourd’hui quasiment aucun témoignage direct. On sait simplement que les Lakotas voyaient la nature et la vie comme une multitude de cercles entrelacés, et aimaient à refléter leur existence dans celle d’autres êtres ou choses, alors sans doute ressentaient-ils au moins une certaine empathie envers ces créatures anciennes que l’on arrachait à leur terre. Le chef Lakota Luther Standing Bear (1868-1939), avait rétrospectivement écrit en 1933, au sujet des changements apportés par l’envahisseur aux terres et aux croyances Lakota, que «la nature n’était sauvage que pour l’homme blanc. Pour lui seul la terre était infestée d’animaux sauvages et d’hommes sauvages. Pour nous, elle était docile, la terre était généreuse et nous étions entourés par les bienfaits du Grand Mystère» (38). L’idée que l’homme blanc ait pu détruire ce Grand Mystère est particulièrement intéressante lorsque l’on se penche sur le mot original en Lakota: wakan, qui désigne un esprit puissant et mystérieux, souvent incompréhensible. Wakan que l’on retrouve justement dans l’expression wakan sica qui indique la médecine nuisible des fossiles, mais aussi dans wakan tanka qui signifie le grand sacré.
Si le Grand Mystère a indéniablement été affecté par l’arrivée des hommes blancs, l’histoire de la Terre, dans laquelle s’inscrivent les conflits mythiques des fossiles, ne s’est pour autant pas perdue complètement. On la retrouve notamment aujourd’hui dans les arts tribaux, comme celui de la Native American Hoop Dance, qui se pratique avec des cerceaux de bois ou de roseaux. À l’origine utilisée à la fois pour soigner en rétablissant l’équilibre et l’harmonie dans le monde, et pour raconter des histoires, elle sert aujourd’hui uniquement cet aspect narratif. Il s’agit d’une dance qui se veut récit, symbole du cercle de la vie et du lien entre les êtres et la nature. Nakotah Larance, d’origine Hopi et Sioux Assiniboine, détient aujourd’hui le titre de champion du monde de la discipline et est notamment connu pour sa création de formes rappelant Unktehi, Thundebird, et la Terre où ils reposent, avec ses cerceaux. C’est en l’honneur de cette même légende que le paléontologue américain Othniel Marsh avait décidé de nommer sa découverte d’une nouvelle subdivision sauropode dans le Wyoming en 1879: brontosaure, soit lézard tonnerre. Curieusement, le brontosaure– d’après une théorie du paléontologue canadien Philip Currie, en partenariat avec Nathan Myhrvold (ancien directeur technologique de Microsoft), intitulée «Sauropodes supersoniques»– a peut-être littéralement été capable de créer de tonitruants bangs soniques rappelant le tonnerre avec sa queue. Alors, les légendes des indiens d’Amérique, peut-être pas si purement chimériques que ça? La vérité est que les indiens ont observé et tenté d’expliquer les vestiges de ces étranges espèces disparues depuis bien avant leur premier contact avec les colons européens, et leur connexion culturelle avec les fossiles continue aujourd’hui. Leurs explications, sous forme de mythes et peut-être nées d’un désir de combler l’absence visiblement laissée par les traces et vestiges osseux, sont basées sur de multiples et soigneuses observations d’indices géologiques sur des générations entières. Et bien que la reconnaissance en ait été on ne peut plus tardive et tumultueuse, il est cependant irréfutable que les connaissances et guides tribaux ont contribué activement au développement de la science paléontologique telle qu’on la connaît aujourd’hui.
1. Le territoire Pawnee recouvre les parties centre et nord du Kansas, le nord-ouest du Colorado, ainsi que le sud et le centre du Nebraska.
2. Young Bull (1835-1916) a été interviewé en 1902 par Young Eagle (également connu sous le nom de James R. Murie), un Pawnee qui recueillait les histoires de son peuple au profit de l’ethnographe américain George Amos Dorsey. L’histoire ici narrée est la 81e dans l’œuvre de Dorsey, intitulée «The Fossil Giant Medicine-Lodge.» (294-5)
3. La rivière Republican traverse les trois états du territoire Pawnee, serpentant la frontière qui les sépare
4. La variole fait partie de ces «maladies de l’homme blanc» qui ont décimé les tribus d’Indiens des Plaines, au sein desquelles on retrouve les Pawnees. Parmi la pléthore de ces maladies qui comprenait également la rougeole, le typhus, la diphtérie, le choléra, la varicelle, la typhoïde, la scarlatine et la dysenterie, la variole aura été la plus mortelle.
5. .Il s’agit de «The Squash Medicine,» l’histoire 82 du recueil de Dorsey qui explique l’origine de certaines médecines des os et racines issues des géants.
6. La théorie la plus plausible à l’heure actuelle demeure celle de l’historienne américaine Adrienne Mayor qui place Swimming Mound sur une falaise à l’endroit où le ruisseau Massacre Canyon se jette dans la rivière Republican, dans le comté d’Hitchcock au Nebraska. (Mayor: 180).
7. Pour une description plus détaillée du Silvisaurus et de sa découverte, consulter le rapport du professeur et conservateur américain Theodore H. Eaton, paru en 1960.
8. Le territoire Piegan Blackfoot s’étend sur le centre et le nord du Montana, ainsi que sur une partie des provinces d’Alberta et de la Saskatchewan, au Canada.
9. Il se situe au sud de la province d’Alberta, au Canada, qui faisait partie du territoire Blackfeet.
10. Le territoire des Sioux Lakota englobe le sud-ouest du Montana, le sud-est du Dakota du Nord, l’est du Wyoming, la moitié ouest du Dakota du Sud et presque l’entièreté du Nebraska.
11. Agate Fossil Beds, situé dans le comté de Sioux du Nebraska, est aujourd’hui monument national américain et abrite un grand nombre de fossiles.
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