Parallèlement au succès transmédiatique des codes du space opera, ceux-ci trouvèrent leur aboutissement ultime dans l’œuvre d’un auteur qui passe souvent pour le fondateur du genre, bien qu’il y soit venu une décennie après ses premières moutures.
Poussant le gigantisme déjà introduit par Campbell et Hamilton jusqu’aux extrêmes limites, la vision intergalactique d’E. E. Smith radicalise la poétique du voyage cosmique occidental tel qu’elle s’était consolidée depuis ses premiers balbutiements dans le Somnium de Kepler (1608). Ses personnages, non contents d’explorer une nouvelle Frontière dans d’autres planètes (Barsoom ou Mongo), déplaçaient celle-ci jusqu’aux confins des galaxies les plus reculées, immergées dans des véritables « guerres des étoiles ».
Inaugurée en 1934 avec Triplanetary, sa série des « Lensmen » (Fulgurs dans la traduction française) était entièrement hantée par le fantasme de la prochaine guerre mondiale, transposant dans l’espace la riche tradition des « guerres futures » inaugurée par G. T. Chesney en 1871 et en magnifiant jusqu’au délire la démesure technologique. L’über-gigantisme d’E. E. Smith peut d’ailleurs prêter à sourire : la Grand Flotte de la Patrouille Galactique qui totalise plus de 50.000 “vaisseaux capitaux” dans Galactic Patrol, 1937, en atteindra des millions 10 ans plus tard dans Children of the Lens, 80 selon certains calculs, pour défendre le million de planètes qui configurent la “Civilisation”, assaillie par les dizaines de millions de vaisseaux de l’ennemi Boskon (cette antonomase qui essentialise et singularise « LA Civilisation » face à ses multiples ennemis montre, si l’on pouvait en douter, la prégnance du modèle impérialiste dans l’imaginaire du space opera [1]).
Des centaines de milliers de vaisseaux sont détruits au fil de combats ininterrompus, toujours renouvelés de plus belle dans une sorte de solipsisme guerrier où, face à l’impossibilité de la victoire (différée jusqu’à l’affrontement qui mettra fin à la série), triomphe la « guerre pour la guerre » (ou plutôt le massacre pour le massacre, par épaves interposées). Transposant le traumatisme du gâchis colossal de la Première guerre (avec ses tueries systématiques sans réel effet stratégique) sur celle qui se dessinait à l’horizon des années 30, cette hypertrophie entre maniaque et enfantine des effectifs et des combats (que partagera, dans ses derniers délires mégalomanes, le Führer lui-même, tandis que le Reich s’effondrera) recevrait une confirmation sinistre dans les dimensions totalement inouïes du nouveau conflit mondial (la version de 1948 de Triplanetary, non contente d’évoquer les deux guerres mondiales, en ajoutera une troisième, nucléaire). L’on ne peut que penser à la célèbre analyse foucaultienne de l’extension biopolitique des guerres modernes, faites désormais « au nom de l’existence de tous ; on dresse des populations entières à s’entretuer réciproquement au nom de la nécessité pour elles de vivre. Les massacres sont devenus vitaux (…) Si le génocide est bien le rêve des pouvoirs modernes, ce n’est pas par un retour aujourd’hui du vieux droit de tuer ; c’est parce que le pouvoir se situe et s’exerce au niveau de la vie, de l’espèce, de la race et des phénomènes massifs de population » [2].
E. E. Smith pousse cette logique à l’échelle du cosmos dans son entier, dès le début de son oeuvre au cœur de la Grande Dépression : « I’ll bet my shirt that the clorins are wiping out the civilization of that planet –probably folks more or less like us (…) Humanity uber alles- homo sapiens against all the vermin of the universe!” (Skylark of Valeron, Astounding, 1935 [3]). Opposant sur des billions de planètes les Arisiens et les Eddoriens et entraînant des milliers d’espèces (dont l’humaine) dans leur conflit, on suit l’expansion galactique du fantasme du Lebensraum théorisé par Friedrich Ratzel qui hante le space opera dès ses origines (telle la nouvelle « Crashing Suns » d’Hamilton en 1928, auteur qu’à bien des égards E. E. Smith vise à dépasser en démesure destructrice et cosmique).
Smith extrémise la bipartition de l’imaginaire extraterrestre déjà évoquée, qui devient ici véritablement manichéenne : « alien allies and enemies became straightforwardly symbolic of Good and Evil: The Arisians and Eddorians of Smith‘s Lensman series are secular equivalents of angels and demons; the universal benevolence and near-omniscience of the Arisians and the insatiable lust for conquest that drives the Eddorians exude a sense of the metaphysical, and the vast, almost godlike power of both races – who rarely appear on stage, instead acting through human and alien proxies – enhances their likeness to spiritual entities. (At least one writer has noted that the Arisian-Eddorian conflict bears more than a passing resemblance to the struggle between Ahura Mazda and Angra Mainyu in Zoroastrian Mythology” (art. “Aliens”, SF Encyclopedia).
S’ensuit une véritable orgie techno-militariste où s’affrontent des forteresses de la taille de planètes, des « sunbeams » capables de concentrer les rayons du soleil (telle la future Starkiller Base), des vaisseaux en forme de lunes et de sphères entourés de « champs de force » (planes of force) et capables de capturer des nefs ennemies au moyen de leurs “tractor beams” et autres engins de destruction massive dont Star Wars héritera directement. Plus inquiétant, mais tout aussi révélateur de l’influence de la saga et de ses connivences avec les fantasmes qui animent le complexe militaro-industriel américain (plusieurs de ses lecteurs y travailleront), est le fait que plusieurs de ses idées aient pu inspirer celui-ci [4].
Authentique pilier et véritable raison d’être des récits, la poétique des batailles combine l’hybris über-homérique avec une obsession compulsive pour les technologies meurtrières [5] :
Again the ravening green macro-beams tore at the flying cruiser, again the mighty frames of the two space-ships shuddered sickeningly as Cleveland clamped on his tractor rod, again the highly dirigible torpedoes dashed out with their freights of death and destruction. And again the Nevian shear-plane of force slashed at the Boise’s tractor beam; but this time the mighty puller did not give way. Sparkling and spitting high-tension sparks, the plane bit deeply into the stubborn rod of energy. Brighter, thicker, and longer grew the discharges as the gnawing plane drew more and more power; but in direct ratio to that power the rod grew larger, denser, and ever harder to cut. More and more vivid became the pyrotechnic display, until suddenly the entire tractor rod disappeared. At the same instant a blast of intolerable flame erupted from the Boise’s flank and the whole enormous fabric of her shook and quivered under the force of a terrific detonation… (Triplanetary)
Et cela continue pendant des dizaines de pages, illustrant la connivence ultime entre technologie et « instinct de mort » que Marcuse théorisa après le traumatisme du « passage à l’acte » de la Deuxième Guerre Mondiale [6]. L’Étoile de la Mort, dont le nom rappelle les « soleils noirs » chers à la poétique cosmique Fin de Siècle, sera toute entière issue de cette vision smithienne : au-delà du motif lui-même, c’est tout l’imaginaire et la dynamique pulsionnelle sous-jacente qui seront repris par Lucas, hanté, comme sa génération, par le spectre de la Bombe.
On peut par ailleurs comprendre comment l’œuvre d’E. E. « Doc » Smith, sorte de revers ténébreux de la Techné telle que théorisée au même moment par Spengler (L’Homme et la Technique, 1931 [7]), trouva une deuxième vie au cœur de la Guerre Froide, articulée autour de la menace nucléaire. Dans sa célèbre analyse sur « l’imagination du désastre » parue l’année même de la réedition des romans de Smith en paperback, Susan Sontag évoque la spécificité historique de ce Zeitgeist qui marqua durablement la generation de Lucas: « there is a historically specifiable twist which intensifies the anxiety, or better, the trauma suffered by everyone in the middle of the 20th century when it became clear that from now on to the end of human history, every person would spend his individual life not only under the threat of individual death, which is certain, but of something almost unsupportable psychologically-collective incineration and extinction which could come any time, virtually without warning” (1965, p. 48). Dès lors, les désastres colossaux imagines par la science-fiction “témoignent de ce traumatisme, et, dans un sens, tentent de l’exorciser » (id, p. 46).
Analysant spécifiquement les films du genre, qu’elle juge plus efficaces que les romans dont souvent ils s’inspirent [8], Sontag considère que leur principal attrait réside dans cette esthétisation de la destruction :“the science fiction film (like a very different contemporary genre, the Happening) is concerned with the aesthetics of destruction, with the peculiar beauties to be found in wreaking havoc, making a mess. And it is in the imagery of destruction that the core of a good science fiction film lies. (…) Science fiction films invite a dispassionate, aesthetic view of destruction and violence-a technological view” (id, p.44-5).
Si, comme on l’a vu, Flash Gordon informe l’hétérotopie et la frénésie de Star Wars, c’est la folie intergalactique d’E. E. Smith (et ses divers émules transmédiatiques tels que Jack Kirby, dont la saga du Fourth World influencera à son tour Georges Lucas) qui lui imprime son dynamisme cosmique et son revers obscur, la fascination du désastre (la destruction d’Alderaan étant purement smithienne). Mais, parallèlement, un autre élément tout aussi essentiel de la saga aura ses origines dans l’univers des Fulgurs.
Ceux-ci constituent l’élite de la Patrouille Galactique, combinaison quasi-fasciste de police intergalactique et d’armée, chargée de la défense de la “Civilisation” contre l’anarchie criminelle des Bosons (selon un schéma hérité du célèbre Culture and Anarchy de Mathew Arnold). Cette élite détient par ailleurs le monopole du Conseil galactique, ayant le pouvoir de veto sur quantité d’organisations subordonnées (dont la Presse!). Fondée par les Arisiens, Maîtres secrets de l’humanité inspirés sans doute de la tradition théosophique, cette aristocratie fait partie d’un vaste plan (multi)millénaire pour créer une « race » capable de vaincre leurs ennemis éternels, les Eddoriens, qui se cachent derrière les criminels Bosons. Illustrant le double versant de la biopolitique moderne, E. E. Smith juxtapose au pouvoir destructeur des guerres un programme délibérément eugénique (corrélat de l’impérialisme, l’eugénisme constitue une autre idée-force du space opera dès ses origines) qui refonde l’ancienne idéologie aristocratique (le « sang bleu ») en pur fantasme génétique.
On apprend ainsi dans First Lensman (1950) que Virgil Samms de « Tellus » (soit, évidemment, la Terre) fut le premier de la lignée crée par ce « breeding program » extraterrestre (thème promis à une grande postérité dans l’extension soucoupiste de l’imaginaire science-fictionnel) à obtenir le premier « joyau de Civilisation » (« Lens of Civilisation ») de la main des Arisiens. Il aura à sa charge de recruter à travers les planètes les candidats des différentes espèces les plus dignes de recevoir les joyaux qui feront d’eux des Fulgurs ou Lensmen.
Le « sublime technologique » [9] qui caractérise la saga reçoit ainsi son « supplément d’âme » avec ces sortes de bracelets-talismans empreints de mysticisme théosophique (dont l’apport à la science-fiction des origines, ainsi qu’à ses extensions cultistes ultérieures, fut majeur et reste encore largement à explorer). L’on retrouve là l’ambivalence caractéristique du space opera, superposant science fiction et Fantasy (voire faisant jouer malicieusement l’une contre l’autre). Ce joyaux quasi-magiques confèrent quantité d’habilités mentales, dont la lecture de la pensée, la communication avec les différentes formes de vie ou la télépathie, mais il faut s’entraîner durement pour les développer. Au « deuxième niveau » de l’entraînement, l’on devient capable de tuer par le seul pouvoir de la force mentale, ainsi que de percevoir sans l’utilisation de la vue (pour cela il faut s’être longuement exercé avec un casque en guise de bandeau), manipuler les volontés et altérer les mémoires sans laisser des traces, se concentrer également sur différentes tâches à la fois et intégrer les pensées pour atteindre un niveau supérieur de conscience, en connexion avec le « Tout Cosmique » (« Cosmic All »).
On reconnaît là l’obsession de la science-fiction des années 20 et 30 pour la figure du surhomme, voire plus concrètement pour sa version technocratique (différente du culte du surhomme « naturel » ou naturalisé dans d’autres genres des pulps tels que le récit d’aventures ou le roman policier de Justiciers masqués)[10]. Celle-ci nourrira dans les années 50 le fantasme des pouvoirs « psioniques ». Formé du croisement entre la force « psi » (avancée en 1942 par le biologiste Berthold P. Wiesner et le psychologue Robert Thouless) et le suffixe « onique » obsessionnellement repris sur le modèle dominant de l’électronique (paradigme du « electronic age » baptisé par McLuhan comme successeur à la Galaxie Gutenberg), la « psionique » (« psionics ») en vint à désigner dans la S.F. la discipline consacrée à l’étude et à la manipulation des phénomènes dits psychiques. Il s’agissait, dans la lignée des multiples pseudosciences de l’ésotérisme moderne, d’opérer une nouvelle synthèse entre la tradition occultiste et le paradigme scientiste qui permette de contrer le vaste « désenchantement du monde » que celui-ci avait opéré depuis la Révolution scientifique. Il est significatif que le fantasme de réenchantement opère par un retour à la notion qui, selon la vulgate anthropologique de l’époque, était à la source du phénomène religieux, celle du « mana »[11].
Joseph Cambell Jr., qui était passé de pionnier du space opera à être l’éditeur le plus influent de l’époque (qui l’était à la fois de Smith et d’Astounding) prit un intérêt tout personnel dans la promotion de cette notion, provoquant à la fois un véritable « psionic boom » dans le genre (à partir de la première utilisation fictionnelle dans la novella de Jack Williamson The Greatest Invention, parue en 1951) et une étrange extension dans le « milieu cultiste », selon l’expression avancée par un autre Campbell (Colin, sociologue): la « Dianétique ». Créée par Campbell et un des principaux écrivains de son écurie, Ron Hubbard, celle-ci deviendrait comme l’on sait la base d’une des principales sectes du monde contemporain, l’Église de la Scientologie[12].
Le parachèvement du programme eugénique des Arisiens advient lorsque les deux lignées complémentaires d’ « élus » terrestres s’unissent dans les enfants de Kimball Kinnison (personnage principal de la saga) et Clarissa MacDougall. Ces « Enfants du Joyau » qui donnent titre au dernier volet de la série (1947), un garçon et deux paires de jumelles, constituent la véritable surhumanité, dépouillés de pratiquement toutes les failles humaines; ils sont les seuls à pouvoir percevoir les Arisiens tels qu’ils sont véritablement (et non comme les avatars qu’ils incarnent auprès des différentes espèces) et à atteindre un niveau de conscience supérieur à celui des Maîtres secrets eux-mêmes. La clé ultime de leur pouvoir sera leur capacité à fusionner leurs consciences pour former une entité mentale nommée « l’Unité », « la création la plus proche de la perfection jamais vue dans l’univers » qui est aussitôt instrumentalisée dans la « mobilisation totale” qui régit ces fictions et mise à contribution pour démolir les boucliers cosmiques Eddoriens et détruire leur Haut Conseil, mettant ainsi fin à la guerre multimillénaire. Suite à cette victoire finale, les Arisiens se retirent de notre galaxie confiant aux Enfants du Joyeau la garde de « la Civilisation ».
On aura reconnu tout ce que les Jedis devront à ces Fulgurs, à la fois au niveau des motifs (l’entraînement masqué, que Dune reprendra aussi, l’hypnose, la télépathie, le « Tout cosmique », etc.) et de l’idéologie de cette aristocratie surhumaine à la fois guerrière et dotée d’une perception extra-sensorielle. D’où la profonde ambiguïté idéologique qui les traverse, défenseurs aristocratiques de la République puis de la Rébellion mais aussi d’une lignée élue quasi-monarchique qui semble contredire la rhétorique émancipatrice et l’apologie du demos affichées par la saga. L’on ne peut aisément concilier le myhe superhéroïque, qu’il soit smithien ou autre, et démocratisme, comme nous l’apprennent Umberto Eco ou Alan Moore. Il n’est jusqu’à la querelle des midi-chloriens qui ne porte l’héritage (qui est aussi une tentation) de ce que l’on pourrait nommer le « fulgurisme ».
Mais l’on voit aussi tout ce qui séparera la Force des simples joyaux Fulgurs (syncrétisme spirituel, dialectique du « côté obscur », éclipse de la gadgétisation au profit de la croissance personnelle, etc.). C’est qu’entre les deux tout un nouvel imaginaire s’était crée qui allait de la « psionique » au New Age.
[1] V. notamment l’ouvrage de P. Kerslake, Science Fiction and Empire, Liverpool University Press, 2011
[2] M. Foucault, Histoire de la sexualité. La volonté de Savoir, Gallimard, 1976, p. 180.
[3] Cit. in T. Dish, The Dreams our Stuff is Made of. How science fiction conquered the world, Touchstone, 2000, p. 183
[4] Wikipédia cite ainsi l’Initiative de Défense Stratégique (Triplanétaire), les technologies furtives et les techniques OODA (Observation, orientation, décision et action) et C3 (Commande, contrôle et communications) ou le système AWACS (Airborne Warning and Control System) (Le Fulgur gris). Cette influence est attestée dès 1947, dans une lettre de l’éditeur John W. Campbell qui fait part à Smith de l’utilisation qu’a faite la marine américaine de sa « Directrix » imaginaire, sur le conseil d’un de ses lecteurs (le capitaine Cal Laning), pour organiser les Centres d’Information de Combat.
[5] Il s’agit là d’une constante qui passe du genre des « guerres futures » au « space opera » et dont héritera tout particulièrement la science-fiction nipponne, des films tels que The Mysterians (1959), décrit par Don Talbot comme un « non-stop holocaust », aux mangas et animes « mecha », souvent proches du degré compulsif auquel E. E. Smith pousse la fascination du désastre (toutefois l’adaptation anime de Lensman, en 1984, restera assez terne). Je me permets de renvoyer à mes analyses de la violence « mecha » dans dans “Les voies douloureuses du posthumain dans les mangas et animes nippons”, in J. F. Chassay et M. E. Tremblay-Cléroux, Les frontières de l’humain et le posthumain, Montréal, Cahiers Figura, 2014
[6] “The development of technics and technological rationality absorbs to a great extent the “modified” destructive instinct (…) If they are the derivatives of the death instinct, then they cannot accept as final any “substitutes.” Then, through constructive technological destruction, through the constructive violation of nature, the instincts would still operate toward the annihilation of life. The radical hypothesis of Beyond the Pleasure Principle would stand: the instincts of self-preservation, self-assertion, and mastery, in so far as they have absorbed this destructiveness, would have the function of assuring the organism’s “own path to death.” Freud retracted this hypothesis as soon as he had advanced it, but his formulations in Civilization and Its Discontents seem to restore its essential content. And the fact that the destruction of life (human and animal) has progressed with the progress of civilization, that cruelty and hatred and the scientific extermination of men have increased in relation to the real possibility of the elimination of oppression-this feature of late industrial civilization would have instinctual roots which perpetuate destructiveness beyond all rationality” (H. Marcuse, 1966 [1955], 85-87).
[7] L’essence “faustienne” de l’Occident, (“A will-to-power which laughs at all bounds of time and space, which indeed regards the boundless and endless as its specific target, subjects whole continents to itself, eventually embraces the world in the network of its forms of communication and intercourse, and transforms it by the force of its practical energy and the gigantic power of its technical processes” (O. Spengler, 1932,p. 77) ne peut que mener désormais à la catastrophe technologique : “It is out of the power either of heads or of hands to alter in any way the destiny of machine-technics, for this has developed out of inward spiritual necessities and is now correspondingly maturing towards its fulfilment and end. Today we stand on the summit, at the point when the fifth act is beginning. The last decisions are taking place, the tragedy is closing” (id, p. 99). Heidegger reprendra en grande partie ces analyses dans sa célèbre « Question de la technique » (1954).
[8] “Compared with the science fiction novels, their film counterparts have unique strengths, one of which is the immediate representation of the extraordinary: physical deformity and mutation, missile and rocket combat, toppling skyscrapers. The movies are, naturally, weak just where the science fiction novels (some of them), are strong-on science. But in place of an intellectual workout, they can supply something the novels can never provide-sensuous elaboration. In the films it is by means of images and sounds, not words that have to be translated by the imagination, that one can participate in the fantasy of living through one’s own death and more, the death of cities, the destruction of humanity itself” (Sontag, 1965, p. 43-4). Lucas, qui déteste écrire des scenarios et qui s’avoue moins inspiré par les sources littéraires qu’iconographiques du « space opera », poussera les barrières de cette « représentation immédiate de l’extraordinaire », en en faisant le facteur principal du succès de sa saga.
[9] Le terme, introduit par Perry Miller dans The Life of the Mind in America (posth., 1965), fut développé par Leo Marx dans son célèbre essai The Machine in the garden pour caractériser “an intoxicated feeling of unlimited possibility” où les machines, et la technologie en général, ouvrent la voie au Progrès de l’humanité (L.Marx, The Machine in the Garden: Technology and the Pastoral Ideal in America, New York: Oxford University Press, 1964, p. 198)
[10] Citons notamment le Gladiator de Philip Wylie (1929), mélodrame allégorique qui se veut social et qui sera surtout connu par le recyclage totalement pop (et « over the top ») qu’en feront Joe Shuster et Jerry Siegel dans leur Superman (1938). « [Wilye] wanted to show how a truly superior man would be loathed and destroyed by our mediocre society (…) HIs plot was a scientific conceit : A biologist turns his son into a « a super-child, an invulnerable man”, who grows into a being of incomparable strength and vitality and innate moral superiority. (..) He tries to use his strength to uplift eh world, but mankind is too small for him” (G. Jones, 2005, p.79). G. Jones rappelle par ailleurs que “the “superman” was scarcely a new idea and was in fact a common motif of both high and low culture by the early Thirties, the inevitable product of those doctrines of perfectability promoted by everyone from Bernarr MacFadden to Leon Trotsky. The word had descended from Nietzsche’s Ubermensch through Bernard Shaw’s Man and Superman, but it was easily wedded to ideas neigher Nietzschean nor Shavian” (id, p. 80)
[11]R. H. Codrington est le premier à avoir essayé d’universalier la notion, d’origine mélanesienne et polynésienne, de mana qu’il traduit par « pouvoir surnaturel »; M. Mauss en fait une étude très poussée dans son article essentiel « Esquisse d’une théorie de la magie » (L’année sociologique, 1904). Elle deviendra par la suite « Pouvoir magique », « force psychique » (R. R. Marett) « force religieuse impersonnelle » (E. Durkheim) « force divine » (E. S. C. Handy), etc. v. notamment Nicolas Meylan, Mana: A History of a Western Category, Brill, 2017
[12] Alec Nevala-Lee, Astounding: John W. Campbell, Isaac Asimov, Robert A. Heinlein, L. Ron Hubbard, and the Golden Age of Science Fiction, Dey Street Books, 2018
G. Jones, Men of Tomorrow. Geeks, Gangsters and the Birth of the Comic Book, Basic Books, 2005
H. Marcuse, Eros and Civilization, Boston, Beacon Press, 1966 [1955]
S. Sontag, “The Imagination of Disaster”, Commentary, octobre 1965
O. Spengler, Man and Technics, NY, A. A. Knopf, 1932
Leiva, Antonio (2020). « Star Wars et la refondation du space opera (4) ». Pop-en-stock, URL : [https://popenstock.uqam.ca/articles/star-wars-et-la-refondation-du-space-opera-4-a-lombre-des-fulgurs], consulté le 2024-12-21.