Le dragon «est omniprésent dans toutes les œuvres de J.R.R Tolkien à l’exception du Seigneur des Anneaux», affirme Vincent Ferré. «Sa présence la plus marquée est dans le Hobbit, le seul récit du Légendaire où toute l’histoire est structurée autour du dragon Smaug» (Ferré: 142). Ce dernier est considéré comme «l’un des dragons les plus influents du début du XXe siècle» (Cheetham: 25) jusqu’à devenir un modèle pour les auteurs futurs. L’influence de Tolkien dans la littérature de fantasy et jeunesse est «ancienne et féconde» (Ferré: 559). Il est donc tout naturel que son dragon Smaug ait influencé et servi de modèle pour ses contemporains et les générations futures. Il existe depuis la fin du XXe siècle un «phénomène de mode “dragonesque”» (Herbreteau: 129) avec l’apparition de plus en plus de dragon dans la littérature jeunesse et les films d’animation. Le dragon est une créature rattachée à l’enfance qui occupe «une place de premier plan» (Marty-Dufaut: 139) dans les œuvres jeunesse comme peut en témoigner le film How to Train Your Dragon [1]. Le film d’animation comporte un florilège de dragons parmi lesquels se distingue Toothless, le dernier représentant de son espèce et co-protagoniste du film. Nous verrons ici quelle est l’affiliation de ce dragon à son aïeul Smaug. Que reste-t-il des traits aussi bien physiques que caractériels de celui-ci dans son héritier contemporain ? Nous commencerons par faire un détour dans l’antre historique de Smaug pour, par la suite, comparer les deux dragons afin de dresser un portrait des ressemblances et des éventuelles dissonances entre les deux créatures.
Smaug est un dragon âgé, mâle, qui renvoie à la tradition où « la représentation par défaut du dragon de fiction est mâle [avec] une force très masculine. […] Smaug, sans doute le plus important dragon actuel, est toujours traité comme un mâle» (Sheridan: 147). Tolkien, pour concevoir son dragon, s’inspire de la tradition littéraire du dragon médiéval, ainsi que des dragons de la mythologie nordique Fáfnir et le dragon de Goth de Beowulf. Ces deux derniers lui permirent notamment de construire son arc Bilbo-Smaug dans The Hobbit. Vincent Ferré écrit que
le dragon de Tolkien est d’abord celui de la Bible et des textes médiévaux d’inspiration chrétienne : infernal et parfaitement maléfique. Il n’est pas, toutefois, la personnification du diable, mais une créature élaborée par un être encore plus sinistre. Plus que le catholicisme de Tolkien, c’est ici l’amour du Moyen-Âge qui transparaît : son travail sur Beowulf porte en grande partie sur le dragon dont Tolkien prend la défense contre la critique de l’époque dans sa célèbre conférence. (Ferré: 142-143)
Le physique de Smaug marque une continuité avec celui des dragons médiévaux. Il possède quatre pattes – bien que représenté comme une wyverne [2] dans The Hobbit : The Desolotion of Smaug – des épines dorsales, des crocs pointus, deux oreilles et deux ailes. Hérodote dans son livre II de son Histoire écrit que les ailes des serpents volants «ne sont point garnies de plumes, elles sont entièrement semblables à celles de la chauve-souris». Cette description fera office de modèle au Moyen-Âge et sera reprise par les naturalistes et Tolkien. «Le dragon ailé deviendra le prototype du dragon proprement dit» (Delmas: 33) comme l’attestent les œuvres contemporaines Inheritance, A Song of Ice and Fire ou How to Train Your Dragon. Smaug possède des écailles rouge dorée qui renvoient à sa nature de gardien de trésor. L’or est son vice. Tolkien écrit que « les dragons n’ont peut-être pas un réel usage de leurs richesses, mais ils en connaissent chaque composant, surtout après une longue possession; et Smaug ne [fait] pas exception» (Tolkien, 1973: 154). Le lien que l’auteur construit entre le trésor des nains et l’obsession de Smaug pour ce dernier popularise « l’idée des dragons et des trésors au XXe siècle» (Sheridan: 55). Smaug connaît chaque élément qui constitue le trésor qu’il couve. Dans le bestiaire de Tolkien, le dragon «ressemble à un grand serpent rampant, ses caractéristiques sont plutôt variées [mais] une particularité commune à tous les dragons [de l’auteur] est la volubilité qui constitue, à part la force physique, leur plus grand et redoutable attribut» (Ferré: 142). Smaug est un dragon sournois, vaniteux, arrogant, qui se sent supérieur aux humains. Il est intelligent, rusé et parle la langue des hommes. Brendan Daniel Sheridan écrit que
Within The Hobbit, Tolkien presents the dragon Smaug as a phenomenal example of how the non-human speaking our own language is eerily uncanny. They illustrate the point that whatever similarity these dragons have towards mortals, they are in no way predisposed towards them. (Sheridan: 50)
L’intelligence et la moralité de Smaug sont les principaux éléments de rupture avec le dragon médiéval. En effet, le dragon dominant jusqu’alors dans la littérature est un «monstre relativement simple, trouvé d’abord dans les romans médiévaux, qui étaient les antécédents directs du dragon de St George. […]. Ils existent simplement pour montrer la force et la vertu du héros» (Cheetham: 19). Il s’agit d’un dragon stupide qui agit par simple instinct destructeur. Smaug est différent avec un caractère basé sur les dragons Fáfnir et de Goth. Tolkien retient de ces derniers leur «grande longévité, [..] leur capacité à parler, leur magie, […] la conception de motivations qui ne repose pas sur un simple mal maléfique, et avec cela une plus grande complexité de la moralité et de l’éthique» (Cheetham: 24). L’intelligence de Smaug est souvent soulignée et il possède la «langue trompeuse» en référence au dragon Fáfnir. C’est-à-dire que Smaug aime converser et semer le trouble dans l’esprit du héros afin qu’il se retourne contre ses alliés. Cette intelligence place Smaug non plus comme un être inférieur aux hommes, mais à l’inverse comme un être supérieurement intelligent ou égal à celui-ci. Son opposition au héros témoigne d’une continuité dans l’usage symbolique du dragon comme «épreuve» à surmonter par le héros. L’intelligence est l’une des «caractéristiques mentales du dragon [qui est] importante pour démontrer à quel point les dragons et les humains sont éloignés les uns des autres» (Sheridan: 52). Toutefois, Smaug n’appartient pas au même plan que les hommes. Le dragon, selon J.R.R Tolkien, est une créature qui à «la marque du pays de Faërie» (Tolkien, 2006: 169). Il provient d’un temps ancien et perçoit le monde différemment des hommes.
De par son lien à la Faërie il possède également des compétences magiques. Smaug crache du feu, il sait voler et a une vision accrue. Le rapport entre la magie et les dragons provient du fait que son existence même « enfreint un certain nombre de lois naturelles, il n’est donc pas surprenant qu’une force magique défiant la réalité soit utilisée comme explication» (Sheridan: 80) de ses compétences et de sa réalité. Parmi les principales particularités attribuées au dragon médiéval sur lequel Tolkien prend modèle, nous retrouvons «un venin mortel [et] une haleine pestilentielle […] qui est parfois accompagnée de flammes. Cette propriété traversera le temps et deviendra l’une des caractéristiques du dragon» (Delmas: 35). Smaug reproduit donc cette tradition du dragon cracheur de feu. Le feu est indissociable du dragon comme Smaug le dit lui-même : «I’m the fire. I’m the death» (Jackson, 2013). Le vol et le feu constituent les standards des compétences magiques du dragon à partir de la fin des années 1930.
Avec Smaug, Tolkien se place dans l’héritage du dragon médiéval tout en le transposant dans un univers plus complexe où le dragon à ses propres intentions et une moralité. Il n’est plus simplement une créature nuisible à abattre pour démontrer la force du héros ou éradiquer le mal d’une contrée. La mort de Smaug ne va pas apporter la paix, mais la discorde entre les nains. Tolkien introduit au dragon médiéval une complexité narrative avec l’idée du dragon intelligent qui peut interagir avec le héros devenant ainsi la «fondation d’où émerge le dragon moderne, formant un lien entre la tradition et l’innovation» (Sheridan: 123). Son ouvrage The Hobbit «a conduit à l’avènement du dragon omniprésent, cracheur de feu, ailé et intelligent, qui, bien que parfois dévié, reste l’archétype du dragon dans la fantasy moderne» (Sheridan: 17).
Tout comme son aïeul, Toothless est un dragon mâle, perpétuant la tradition genrée de la créature. Le film s’inscrit dans une réécriture de «l’époque des Vikings en y ajoutant des dragons» (Herbreteau: 131) ce qui perdure l’usage de la créature dans une imagerie médiévale. En effet, le dragon est, selon J. Marty-Dufaut (2013), rattaché majoritairement à un imaginaire du Moyen-Âge.
Au début du film, les dragons sont introduits comme des animaux «terrifiants [qui] apparaissent la nuit, lorsque les humains sont endormis, et détruisent leur village» (Laprée et al., 2023). Le dragon est perçu par les Vikings comme une créature du mal, destructrice et sauvage tout comme l’est Smaug pour les villageois. La première chose que l’on apprend sur Toothless est qu’il est «l’enfant unique du tonnerre et de la mort en personne» (Deblois et al., 2010). Pour le village, il faut abattre les dragons, car ce sont des nuisibles. Ils rentrent au premier abord, comme Smaug, dans la catégorie des dragons «prédateurs [3]». Cependant, une fois apprivoisé, Toothless se révèle être intelligent comme Smaug, mais également joueur, curieux et protecteur de son ami Harold. En réalité, Toothless et Smaug sont des dragons qui rentrent dans la catégorie des «autres». Ils sont rusés, intelligents et possèdent un moyen de dialoguer et de se faire comprendre des humains. B.D. Sheridan écrit que ce qui est perceptible dans les récits modernes sur les dragons est l’éloignement «d’une perception du dragon comme un pur monstre pour mettre l’accent sur le dragon comme un autre inconnaissable, une créature avec une histoire et une vision très différentes de celles des humains» (Sheridan: 48). Cette catégorie interroge la limite de la notion «d’être humain», car les dragons de ce type ne sont pas de simples animaux. Smaug comme Toothless sont anthropomorphisés, les rapprochant «davantage de la figure du dragon moderne […] qui parle et se comporte comme un humain» (Bédard, 2019). Toothless dessine et marche parfois sur ses deux pattes arrière. Cette désignation de « l’autre » permet à l’homme une introspection sur son «arrachement aux ténèbres et [son] entrée fulgurante dans la clairière de l’être-au-monde» (Resweber: 179). Le dragon, inhumain, est dans ce sens le «miroir grimaçant de notre identité» (Resweber: 180). Même si les deux dragons appartiennent à la catégorie des « autres », la nature profonde de Toothless est différente de celle du dragon de Tolkien. Cette différence peut s’expliquer par le rôle narratif de Toothless. À contrario de Smaug, il est bienveillant et l’un des deux protagonistes du film. Il n’est pas un ennemi à combattre comme les dragons mythologiques ou médiévaux, mais bien un héros à part entière qui met sa vie en jeu pour protéger son entourage. C’est ce changement de statut narratif répandu dans les séries télévisées jeunesse qui amène «la modernité du dragon télévisée» (Herbreteau: 133) comme c’est le cas dans le film How to Train Your Dragon. Les méchants sont ainsi les humains amenant une inversion des rôles traditionnels médiévaux. Le dragon devient un moyen «d’enseigner différentes leçons aux enfants» (Laprée et al., 2023). Son utilité principale est d’enseigner qu’il «faut aller au-delà des apparences et accepter l’autre, avec ses qualités, ses défauts et surtout ses différences. C’est le propos de Dragons, où le jeune Harold doit renverser une tradition centenaire de chasse aux dragons» (Herbreteau: 138). Avant Tolkien,
for over six hundred years the behaviour patterns, the cognitive abilities, and the physical attributes of dragons […] were remarkably fixed, until the period of great change, starting at the end of the nineteenth century. […] The basic role of the dragon remained the same. Dragons were slain by Christian knights as evidence of their power, their faith, or their nobility. Dragons were evil, powerful monsters whose main narrative role was as something to be killed. (Cheetham: 20)
C’est dans une partie de cette tradition que Tolkien a puisé son inspiration pour établir le caractère de Smaug. Le dragon, qui était auparavant perçu comme un être hostile, devient un allié du héros au cours du XIXe siècle à la suite d’un rajeunissement du public cible. Les histoires chevaleresques ont été adaptées pour coïncider avec ce nouveau lectorat. La distinction à partir des années 1930 de la littérature jeunesse vis-à-vis de celle pour adulte s’accompagne de réflexions sur la nécessité ou non d’une teneur éducative et morale. L’enfant est perçu à la fois comme une personne «dès son plus jeune âge, doué de compétences et d’un savoir immémorable» (Ben Soussan: 141) et «un innocent héros lunaire, confronté à la bêtise et à la méchanceté du monde humain» (Ben Soussan: 144). Les œuvres jeunesse sont la source d’un conflit entre les intentions éducatives, enchanteresses et divertissantes des adultes et des psychologues envers les enfants. C’est dans les années 1970, selon Nathalie Prince (2021), que la littérature jeunesse prend un tournant et devient un lieu d’expérimentation. C’est au fil de toutes ces réflexions que la nature même de la littérature jeunesse provoque la modification de la figure du dragon dans les œuvres à destination de ce public. Le dragon littéraire est associé à l’enfant. D. Cheetham écrit à ce propos que « ce changement a eu pour effet de donner l’impression que les histoires de dragons semblaient être d’une manière ou d’une autre naturelles et appropriées pour les enfants » (34). Les histoires ont été « simplifier et stéréotyper [et rendu] encore plus clairement didactiques et moralisantes qu’auparavant» (Cheetham : 34). L’élaboration de Toothless a été réalisée dans une réécriture contemporaine de la figure du dragon. Il est donc logique que sa nature et son comportement soient différents de celui de son aïeul. Le dragon est «devenu, en un siècle, le meilleur ami de l’enfant, bien souvent seul capable de comprendre ces créatures» (Georgelin et al.: 185). Il est le protecteur de l’enfance et «cette transformation du dragon méchant en dragon gentil va même plus loin lorsqu’il devient lui-même héros» (Herbreteau: 133). C’est le cas avec Toothless qui est le co-protagoniste du film et de la franchise. Le dragon dans la littérature jeunesse contemporaine «est souvent le reflet de la personnalité du héros, mettant en relief son bon ou mauvais côté, il est du côté du personnage, de l’actant» (Marty-Dufaut: 139).
Ce changement de statut narratif dans la littérature jeunesse va avoir des conséquences sur la représentation physique des dragons, car «puisque le dragon devient ami, sa représentation doit être polie puisque l’aspect physique du dragon médiéval, sombre et menaçant, ne convient pas à son nouveau rôle» (Herbreteau: 133). Le physique de Toothless est donc plus amical que celui de Smaug tout en étant «un dragon hybride inhabituel» (Sheridan: 44). Il possède quatre pattes ; deux paires d’ailes (une paire principale et une paire plus petite près de la base de la queue) ; deux «nageoires» caudales sur le bout de la queue ; deux oreilles ; deux cornes ; des dents arrondies et rétractables ; trois séries d’oreilles sur la mâchoire ; des épines dorsales qui peuvent se dédoubler. Physiquement, il reproduit le corps de médiéval de Smaug, mais possède des rajouts par rapport à son aïeul. Ces rajouts n’entachent pas son image de dragon, mais participent à l’élaboration de son image de dragon unique. Josy Marty-Dufaut écrit que les auteurs de littérature jeunesse peuvent «présenter leurs dragons de manières classiques comme dans le Hobbit ou des versions à l’apparence hybride, polymorphique, médiévale» (Marty-Dufaut: 140). Quoiqu’il en soit, le dragon «dans ses métamorphoses […] a beau être multiforme, on le reconnait toujours» (Ronecker: 17). Tout le corps de Toothless est conçu pour la rapidité et les manœuvres en vol. Son apparence témoigne de son statut «d’ultime dragon» (Sheridan: 44). Il possède la capacité physique de dédoubler son épine dorsale. Dès lors qu’il devient un alpha (Dragons 2) il a des marques bleues scintillantes qui apparaissent sur le dos, les nageoires, les épines et le front, à cause du plasma qu’il peut cracher. Ses narines et l’intérieur de sa gorge brillent. Cet élément renvoie à la description qui est faite de Smaug «quand [il] crache du feu, son ventre brille et il libère un énorme jeu de flammes» (Sheridan: 36). Le corps de Toothless est recouvert d’écailles noires pour mieux le camoufler dans la nuit. C’est le seul dragon de la franchise à posséder cette couleur sombre qui le distingue des autres dragons qui sont représentés dans des couleurs plus vives. La couleur rouge dorée de Smaug servait à illustrer son avidité de l’or, tandis que celle de Toothless permet de mettre en avant ses capacités de dissimulation. Brendan Daniel Sheridan écrit à propos de la couleur des dragons que
recent adaptations have incorporated more bright and friendly colours, such as pink, purple and yellow. […] Dragons like are aimed towards a young audience and their colours give them an inoffensive quality, a domesticated and child-friendly demeanour (Sheridan: 31-32).
Il est donc surprenant de voir un dragon aux écailles noires devenir le héros d’un film d’animation, car le noir est communément associé à la mort et au deuil. Cependant, les auteurs du dragon ont précisé qu’ils ont pensé aux «panthères noires, aux grands félins et pas tellement aux reptiliens, mais plutôt aux mammifères» (Sheridan: 44) pour produire Toothless. Ce choix renvoie aussi à la volonté de polir l’image de la créature comme mentionné précédemment tout en conservant l’imaginaire du dragon reptilien. Du point de vue des habilités, Toothless comme Smaug peuvent cracher du feu et voler. À cela s’ajoute la possibilité d’un jet de plasma et de canaliser la foudre. Cette dernière compétence lui permet de disparaître momentanément. Toothless reprend les caractéristiques magiques de Smaug tout en rajoutant des éléments qui renvoient aux dragons orientaux qui sont de plus en plus représentés dans les productions d’animation jeunesse telle que Raya and the Last Dragon du studio Walt Disney sortit en 2021.
Une nouveauté de Toothless par rapport à Smaug est que le dragon sert de monture à son ami Harold. Avec cet élément, nous sommes dans un autre volet du passage du dragon ennemi au dragon ami. Il s’agit d’un thème courant dans la littérature moderne depuis la parution du livre Dragonflight d’Anne McCaffrey’s en 1960. Les points communs dans les histoires relatant des chevaucheurs de dragon est l’âge des cavaliers qui est compris entre 15 et 20 ans. Pour B.D. Sheridan cela est dû au fait que les
dragonriders often being seen as against the norm and often innovative in their formation, hence the need to show young people as presenting these new ideas. As Hiccup, from the film How to Train Your Dragon, tells his companion Astrid: «In all of history I’m the first Viking that wouldn’t kill a dragon» to which Astrid replies: «First to ride one though» (Sheridan: 130).
L’apogée de la relation entre le chevaucheur et son dragon est la révélation au monde de l’union hors du commun qu’ils forment. Cette image permet de véhiculer des valeurs de tolérance et d’acceptation d’autrui qui renvoient aux nouveaux rôles pédagogiques que porte le dragon. La chevauchée des dragons permet de protéger le village. Ainsi le caractère destructeur du dragon est mis au service du bien. Il reste «un combattant, mais pas pour la même cause ni avec les mêmes armes. Il est devenu le porte-bannière des plus faibles et combat les discriminations et les injustices en faisant preuve de compréhension, de tolérance et de gentillesse» (Herbreteau: 138-139). Il y a un retournement avec Toothless de la nature destructrice de Smaug, bien qu’il existe dans le film des dragons au service du mal. Chaque Viking se lie donc ainsi d’amitié avec un dragon, devenant son cavalier. Pour autant, le dragon n’est pas une simple monture, il reste un être à libre à part entière.
En somme, Toothless reprend plusieurs éléments mis en place par Smaug. Il tire de son aïeul la base de sa forme physique, ses compétences magiques ainsi que son intelligence. Tous deux sont des dragons qui interagissent avec les humains, mais Toothless se distingue du dragon de Tolkien par sa bienveillance. Il n’est plus sauvage, ni gardien de trésor, mais le compagnon et la monture de l’humain qu’il a choisi. Ce changement de comportement correspond à une évolution de la figure du dragon qui devient un allié des enfants à partir de la fin du XXe siècle. La créature incarne de nouvelles valeurs tout en conservant un imaginaire médiéval. Le dragon des «séries télévisées pour la jeunesse semble donc bien loin de son ancêtre médiéval et folklorique» (Herbreteau: 140). Toothless possède de nouvelles compétences magiques et un physique adouci relevant plus du chat que du reptile. Avec How to Train Your Dragon, nous avons un exemple de recréation du dragon Smaug dans laquelle la «Fury Nocturne [Toothless] témoigne de l’ampleur des variations qui peuvent être apportées au dragon tout en restant identifiable» (Sheridan: 44).
[1] Le film How to Train Your Dragon (Dragons en français) est produit en 2010 par le studio d’animation DreamWorks sous la direction de Chris Sanders et Dean Deblois. Il est le premier opus d’une trilogie et de la franchise.
[2] Il s’agit d’une créature s’apparentant au dragon, mais qui ne possède que deux pattes au lieu de quatre. Excepté cela, ils ont les mêmes caractéristiques que les dragons, bien qu’ils soient considérés par Tamora Pierce comme une variété inférieure aux dragons à quatre pattes, plus petites et moins effrayantes individuellement.
[3] L’auteur Brendan Daniel Sheridan a établi, dans The Modern Dragon: Contemporary Representations from Tolkien to Present, qu’il y a quatre catégories de dragon en fonction de leur nature : le prédateur; l’autre; l’élémentaire et le cosmique. Cette catégorisation marque une progression dans le statut du dragon qui passe d’un simple animal dangereux à un être cosmogonique.
BEN SOUSSAN, Patrick. 2014. Qu’apporte la littérature jeunesse aux enfants ? Et à ceux qui ne le sont plus. Toulouse, Érès, coll. «1001 et +», 328p.
CHEETHAM, Dominic. 2014. «Dragons in English : The Great Change of the Late Nineteenth Century». Children’s Literature in Education: An International Quarterly. Vol. 45, no 1, p. 17‑32.
DEBLOIS, Dean et Chris Sanders. 2010. How to Train Your Dragon. DreamWorks Animation, Mad Hatter Entertainment, Vertigo Entertainment, 1h38m.
DELMAS, Marie-Charlotte. 2010. Le légendaire des dragons. Paris, Fetjaine, 143 p.
FERRÉ, Vincent (dir.). 2012. Dictionnaire Tolkien. Paris, CNRS Éditions, 669 p.
GEORGELIN, Mélanie et Bertrand Naivin. 2021. «Dragon ! Du monstrueux à l’œuvre», Enfances & Psy. Vol. 89, no 1, p. 181‑191. En ligne, <doi: 10.3917/ep.089.0181>.
HERBRETEAU, Lucie. 2020. «Ami, ennemi, héros – Redéfinir le dragon médiéval pour les séries jeunesse» Médiévales. Langues, Textes, Histoire. Vol. 78, Presses universitaires de Vincennes, p. 129‑142. En ligne, <doi: 10.4000/medievales.10843>.
JACKSON, Peter. 2013. The Hobbit: The Desolation of Smaug. Metro-Goldwyn-Mayer (MGM), New Line Cinema, WingNut Films, 2h41m.
LAPRÉE, Raymond, Jacques Cherblanc et Christiane Bergeron-Leclerc. 2022. « Le thème du dragon chez les enfants au regard des structures anthropologiques de l’imaginaire chez Gilbert Durand » IRIS, no 42. En ligne, <http://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=3114>.
MARTY-DUFAUT, Josy. 2013. Les dragons entrer dans le mythe et la légende, accompagner les héros tueurs de dragons, retrouver et suivre leurs traces. Gémenos, Autres Temps Médiéval, coll. «Tout savoir sur le Moyen Âge», 159 p.
PRINCE, Nathalie. 2021. «La littérature de jeunesse aujourd’hui : il était une fois un livre… (1970-2020)» In Nathalie Prince (dir.), La littérature de jeunesse, 3e éd., Paris, Armand Colin, coll. « Hors collection », 316p.
RESWEBER, Jean-Paul. 2006. «Brider ou hybrider les dragons ?» In Jean-Marie Privat (dir.), Dragons : entre sciences et fictions, Paris, CNRS Éditions, 203p.
RONECKER, Jean-Paul. 2004. Le Dragon. Puiseaux, Pardès, coll. «Bibliothèque des symboles», 128 p.
SAINT-PIERRE, Charlotte et Sylvie VARTIAN. 2019. «Du monstre aux joyaux: les dragons chez J.R.R. Tolkien et G.R.R Martin», Pop en stock. En ligne, <https://popenstock.ca/du-monstre-aux-joyaux-les-dragons-chez-jrr-tolkien-et-grr-martin>.
SHERIDAN, Brendan Daniel. 2015. The Modern Dragon : Contemporary Representations from Tolkein to Present. Mémoire de maîtrise, Master en Arts, Université de Waikato, Hamilton, Nouvelle-Zélande, 190 f.
TOLKIEN, John Ronald Reuel. 1973. The Hobbit, the Enchanting Prelude to the Lord of the Rings. New York, Ballantine Books, 215 p.
TOLKIEN, John Ronald Reuel et Christopher Tolkien. 2006. Les monstres et les critiques et autres essais. Paris, C. Bourgois, 294 p.
Mateus, Priscillia (2024). « Que reste-t-il de Smaug dans Toothless? ». Pop-en-stock, URL : [https://popenstock.uqam.ca/articles/que-reste-t-il-de-smaug-dans-toothless], consulté le 2024-10-12.