In me didst thou exist—and, in my death, see by this image, which is thine own, how utterly thou hast murdered thyself. (Edgar Allan Poe, William Wilson, 1839)
I am he as you are he as you are me and we are all together. (The Beatles, I Am the Walrus, 1967)
Note: afin de simplifier la lecture de l’article, les références entre crochets indiquent le numéro de la saison puis le numéro de l’épisode de la série. Pour des raisons de compréhension, l’article suit le déroulement chronologique de chaque saison.
Créée par J. J. Abrams, Alex Kurtzman et Roberto Orci et diffusée sur la chaîne américaine Fox de 2008 à 20131, la série Fringe suit un groupe d’enquêteurs du FBI confronté à des actes de terrorisme hors du commun. Virus inconnus, créatures monstrueuses ou armes futuristes: la cellule terroriste baptisée ZFT2 semble maîtriser une technologie qui échappe aux spécialistes de la police comme à la communauté scientifique; elle démontre également, au fil des épisodes, disposer d’agents infiltrés au sein même du Homeland Office comme du gouvernement. Les motivations de ZFT ne sont jamais éclaircies, pas même lorsque les héros en découvrent le manifeste avec son scénario eschatologique qui annonce une guerre imminente contre un «autre» sans dénomination propre.
Parmi les enquêteurs chargés de lutter contre cette menace, l’agent Olivia Dunham (Anna Torv) prend la tête d’une équipe d’agents du FBI dépendant du Homeland Office et de consultants civils dont l’expertise scientifique et l’ouverture d’esprit aux «pseudosciences» – les fringe sciences auxquelles le titre de la série fait référence – les rend à même de démêler le modus operandi des agents de ZFT3. Olivia recrute ainsi le Dr Walter Bishop (John Noble), enfermé dans une institution psychiatrique depuis dix-sept ans, figure stéréotypique du savant fou, ainsi que son fils Peter (Joshua Jackson), ancien étudiant du MIT devenu escroc professionnel.
L’équipe obtient l’assistance technique de la toute-puissante multinationale Massive Dynamic, qui maintient un contact privilégié avec le Ministère de la Défense et influe le pouvoir politique, mais dont le spectateur ne sait, encore, si ses responsables, dont son président et ancien collaborateur de Walter, William Bell (Leonard Nimoy), comptent appuyer ou, au contraire, contrarier l’enquête du FBI. Ici les grandes corporations occupent la place attribuée au gouvernement dépeint couramment au cinéma et la télévision jusque dans les années 1980 comme le siège de toutes les manipulations – de manière significative dans X-Files. La place ambiguë qu’occupe Massive Dynamic dans la série rappelle dans un même temps au public américain la mise en garde du président Dwight Eisenhower au cours du discours prononcé le 17 janvier 1961, au moment où il s’apprête à laisser son siège à John F. Kennedy, discours où il évoque les assauts invisibles d’un «complexe militaro-industriel» décidé à saper les fondements de la démocratie, à confisquer les lieux de décision et à privilégier ses intérêts financiers au détriment du législateur4.
De plus, les enquêtes de la division Fringe se déroulent sous les yeux de personnages baptisés du nom d’«observateurs» ou observers, d’origine et d’allégeance inconnue jusqu’à la fin de la saison 4, présents à chaque moment clef de notre histoire et inspirés de comic books5. Tout juste peut-on constater que ces «observateurs» portent le même costume dont la coupe rappelle les années 1940, un clin d’œil «retrofutur» caractéristique du mouvement cyberpunk6.
Des thèmes récurrents émaillent la série, qui multiplient les clins d’oeil aux classiques de la science-fiction7: la perte d’un enfant, le coût moral de choisir de sacrifier de nombreuses vies afin de sauver la personne aimée, le thème de la rédemption, enfin celui d’une «science sans conscience» et ses conséquences sur l’humanité dans son ensemble, confirmant l’axiome du romancier et psychothérapeute américain Paul Goodman pour qui la technologie est une «branche de la philosophie morale, et non pas de la science8». Ainsi sont surreprésentés des scientifiques, docteurs, médecins, psychiatres, incapables de donner du sens à un monde qu’ils estiment, à tort, saisir9.
Le pilote de la série, écrit par Abrams, Kurtzman et Orci, est diffusé presque sept ans jour pour jour après les attentats du 11 Septembre – le 9 septembre 2008. Le spectateur y suit l’investigation ouverte sur le décès de l’équipage et des passagers d’un avion de ligne à la suite d’une attaque chimique, référence non seulement aux Attentats, mais également à la paranoïa qui saisit l’Amérique après la découverte de lettres piégées à l’anthrax une semaine après et attribuées – à tort – à des terroristes d’Al Qaïda. Rappelons que c’est cet «Amerithrax», comme on l’appellera rapidement en Amérique, qui servira de prétexte au Secrétaire d’État Colin Powell pour justifier une intervention américaine en Irak auprès des Nations unies lors d’une séquence télévisée désormais passée à la postérité comme, pour citer une représentante démocrate de Californie, «la plus grande manœuvre d’intoxication de tous les temps» (Harman citée dans Ramonet, 200310), mais également de story telling, autrement dit de transformation de faits en récit susceptible de réécritures successives en vue d’une manipulation de l’opinion.
Il ne s’agit pas, de la part des scénaristes, d’un simple renvoi à une période traumatique, tout comme le fait que la première rencontre entre Olivia et Peter ait lieu à Bagdad avant que l’enquêtrice lui demande d’intégrer son équipe plutôt que de «partir le plus loin possible [de Boston], en Irak ou en Afghanistan» [s1e1]: c’est cette première investigation qui aboutira à la création de la division Fringe basée sur le campus d’Harvard – confirmant que les attentats, et plus largement la situation au Proche-Orient, ont un statut volontairement ambivalent dans la diégèse: à la fois fausse piste et Ur-text incontournable.
La fin du premier épisode de Fringe voit le responsable de l’attaque sur le vol 627 inculpé d’«acte de terrorisme» et d’avoir employé des «armes de destruction massive», autant de charges désormais familières au public, mais qui ne renvoient plus au terrorisme islamique, qualifié ici de «simple terrorisme» [s1e1]. À partir de cette exposition des personnages, les scénaristes feront intervenir régulièrement le Homeland Office ou la NSA sans jamais les relier à la menace des islamistes radicaux, à un moment où ceux-ci sont surreprésentés sur les écrans américains par le biais des mass medias – dont Fox News, filiale de Fox Entertainment Group, connue pour ses commentaires largement biaisés en faveur du camp républicain va-t-en-guerre – comme dans les séries télévisées ou au cinéma. Les ellipses, tant des noms propres, savamment évacués de la narration11, que de la situation de crise que vit l’Amérique alors que les événements décrits, comme les renvois incessants à la menace terroriste, collent à l’actualité. Ce parti pris est d’autant plus déroutant que, comme le rappelle Neli Dobreva, la chute du World Trade Center à New York a été retransmise en direct «sur les écrans du monde entier, via la webcam de CNN fixée à l’horizon de Manhattan» (Dobreva, 2009: 197). Les images omniprésentes du désastre, images rediffusées quotidiennement par les mass medias, sont d’autant plus déstabilisantes qu’elle mettent en scène un débordement de documents audiovisuels qui rejouent une catastrophe filmée sous tous les angles, avec ses détails, ses témoignages pris sur le vif, ses images montées, censurées ou livrées telles quelles au téléspectateur, qui n’apportent finalement aucune véritable réponse, aucune «solution» à la sauvagerie des événements. Tout comme pour le film que tourne Abraham Zapruder de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy le 22 novembre 1963 à Dallas, l’image ne parvient plus à «rendre compte», mais épaissit le mystère qui devient «comme une fiction de plus, une fiction dépassant la réalité» (Baudrillard cité dans Thoret, 2003: 188), tout en interrogeant le spectateur sur son propre rapport à l’image, entre écœurement et pulsion scopique.
Ne pas faire mention des Attentats ne rend pas ceux-ci moins présents puisqu’ils sont ancrés dans la mémoire collective, et Fringe est bel et bien un portrait en creux d’une Amérique post-11 Septembre qui a analysé, questionné ces images horrifiques depuis des années par le biais des informations, de documentaires plus ou moins approfondis ou partiaux12, mais également par le truchement de leur assimilation par la culture «officielle» et «populaire» 13.
La menace réelle, avec laquelle la communauté internationale a désormais appris à vivre, est finalement secondaire ici puisque «familière14» à la différence de celle brandie par ZFT, en tous points inintelligible puisque sans revendication ou sommation.
L’accueil fait par la critique à la première saison est mitigé. De nombreux critiques, dont Gillian Flynn, Misha Davenport ou Ellen Gray15, mettent en parallèle son intrigue et celle de X-Files, série également diffusée sur la Fox de 1993 à 2002. En somme, Fringe ne serait rien d’autre qu’une pâle copie ou remake d’une série déjà culte, et se contenterait de recycler non seulement une intrigue générale, mais également des stéréotypes, des situations ou séquences types. Glenn Garvin, du Miami Herald, note, quant à lui, la nouveauté d’une fiction post 11-Septembre. X-Files s’était arrêté en 2002 et n’avait pu intégrer les Attentats à sa mythologie; son spin-off The Lone Gunmen avait créé la polémique en mars 2001 en anticipant, par un malheureux hasard, la destruction des Tours par des avions de ligne, laissant craindre, un temps, au scénariste Frank Spotnitz, que son script ait pu influencer les terroristes16.
Les premiers épisodes de Fringe n’offrent, il est vrai, que peu de surprises. Le téléspectateur suit des trames narratives déjà connues, voire épuisées. Il n’est pas difficile de deviner la tournure que prendront les événements: au fil des épisodes, Walter prendra la place du père absent d’Olivia, ses travaux dans le domaine des «pseudo-sciences» l’amèneront à devenir un pilier de l’équipe, l’éloignant progressivement du stéréotype traditionnellement négatif du savant fou tout en faisant de son inadaptation à la vie quotidienne et de son attitude par moments puérile un ressort comique. La relation entre Peter et Walter s’apaisera, Peter cherchant à rattraper le temps perdu avec un père trop absorbé par la science pour le voir grandir [s2e2]. Olivia apprendra à surmonter la mort de John Scott (Mark Valley), son ancien partenaire et amant, comme les traumatismes de son enfance, en particulier la violence de son beau-père, et tombera éperdument amoureuse de Peter. En outre, chaque personnage verra ses liens familiaux développés, avec l’apparition de personnages secondaires soit à l’écran, ce qui permettra de mettre en lumière de nouvelles interactions entre les personnages – les liens entre Olivia, sa sœur Rachel et sa nièce Ella étoffés sur plusieurs épisodes [s1e11 à 13; 15 à 18] –, soit par le biais du dialogue – les références à la mort de l’assistante de Walter avant son placement, le renvoi à la mère absente de Peter que le spectateur devine relever d’un lourd secret. Autant d’éléments qui ajoutent encore à la profondeur psychologique des personnages réunis par des souffrances que les scénaristes dévoileront progressivement.
Ce schéma est classique: il s’agit, du moins en apparence, du modèle aristotélicien tel que rappelé par Umberto Eco. Ici, «l’histoire, en résolvant ses propres nœuds, se console et nous console», la fin étant «celle que l’on attendait» (Eco, 1978: 17). Olivia, Peter et Walter forment une famille davantage qu’une équipe («So this thing that we have, you, me, Walter, this… this… uh, little family unit that we’ve got going… I don’t want to do anything to jeopardize that.» [s2e17]). Les scénaristes s’attacheront à développer le passé de chacun des personnages, leurs antécédents familiaux, mais également les secrets et les parts d’ombre qui participent à l’établissement d’un premier lien empathique et d’une continuité narrative, à l’attachement du spectateur aux personnages plus complexes qu’il apprend à connaître et à comprendre. Les personnages secondaires, dont Astrid Farnsworth (Jasika Nicole) ou l’agent Charlie Francis (Kirk Acevedo), passent davantage de temps à l’écran et gagnent en épaisseur, et la narration se résoudra, des années plus tard, avec la naissance de l’enfant de Peter et Olivia qui vient confirmer un nouveau départ, une naissance à la fois littérale et allégorique. Chaque personnage finira par trouver sa place sur l’échiquier social et les scénaristes se garderont bien de bousculer un cadre traditionnel d’autant plus exempt de surprise que de très nombreuses séries, poursuivant une longue tradition de romans populaires, ont déjà emprunté cette voie, dont Felicity (The WB Television Network, 1998-2002), Alias (ABC, 2001-2006) et Lost (ABC, 2004- 2010), également conçues ou co-développées par J. J. Abrams.
À l’inverse, les membres de ZFT, dont David Robert Jones (Jared Harris), qui qualifie son personnage de «sociopathe17» ou Thomas Jerome Newton (Sebastian Roché), apparaissent sous les traits de personnages manipulateurs, de tueurs de sang-froid prêts à tous les sacrifices pour atteindre leur objectif: semer le chaos tout autour du globe. Les scénaristes construisent ces antagonistes en éludant toute espèce de détail qui pourrait provoquer un lien empathique avec le téléspectateur. Sans histoire personnelle, ni amours, ni famille, ceux-ci embrassent le rôle d’agents dormants ou de cinquième colonne qui dissimulent leurs véritables motivations. Ces personnages sont eux-mêmes des stéréotypes issus de la littérature populaire et évoquent le personnage classique du génie du mal qui perpètre ses crimes avec un plaisir évident tout en jouant avec les forces de l’ordre. Nous retrouvons ici les personnages du Professeur Moriarty ou de Fantômas, dont la fonction narrative est autant de justifier l’intrigue que de faire apparaître une ligne morale claire et sans ambiguïté entre les forces du Bien et celles du Mal. En effet, à chaque antagoniste ou nemesis correspond un protagoniste ou héros, une opposition fixe18.
Quant aux soldats ou shapeshifters infiltrés par ZFT, ceux-ci peuvent prendre n’importe quelle apparence afin de gagner la confiance d’agences gouvernementales ou de se fondre dans une foule anonyme, renvoi explicite au terroriste sans visage, impossible à détecter, qui utilise «la banalité de la vie quotidienne américaine comme masque et double jeu. Dormant dans leurs banlieues, lisant et étudiant en famille, avant de se réveiller d’un jour à l’autre comme des bombes à retardement», soulignant enfin «une forme inconsciente de criminalité potentielle, masquée, et soigneusement refoulée, mais toujours susceptible, sinon de resurgir, du moins de vibrer secrètement au spectacle du Mal» qu’analysait le philosophe Jean Baudrillard au sortir des Attentats.
La nouveauté du scénario de Fringe ne se situe donc, ni dans son exposition, ni dans sa résolution, mais dans le tour que prend le scénario dès la fin de la première saison et qui marque, de façon brutale, un changement de direction narrative.
Comprenant que la technologie employée par ZFT repose sur les expériences réalisées trente ans plus tôt par Walter et William Bell, Olivia obtient un rendez-vous avec ce dernier à New York. L’ascenseur que prend Olivia depuis le lobby la transporte dans une autre dimension dont nous avons un premier aperçu par un plan sur la une du New York Post: «Obamas set to move into new White House» et «Former Pres. Kennedy to Address UN». Dans cette dimension, JFK est toujours vivant, et la Maison Blanche a dû être reconstruite après les Attentats. Ces deux titres rappellent deux traumatismes inoubliables pour le peuple américain, «deux évènements symboliquement jumeaux» (Thoret, op. cit.: 182), deux sources pratiquement inépuisables de théories complotistes farfelues ou propagandistes, autrement dit de récits parallèles qui se déversent depuis des années déjà au cinéma et à la télévision en opposant l’histoire et le récit19.
Olivia se trouve désormais au sommet d’une des Twin Towers qui ne s’est – donc – jamais effondrée dans cette réalité. Cette révélation est d’autant plus troublante que, comme le souligne Pierre Sérisier:
Il nous est difficile de nous rendre compte du traumatisme que les attentats contre les tours du World Trade Center ont pu provoquer dans l’opinion américaine. On évalue mal leur persistance au fil du temps, même si l’on ne peut que s’indigner des événements qui se déroulèrent ce jour-là. Fringe a été écrite et conçue pour un public dont nous ne faisons pas immédiatement partie. Remettre debout les tours jumelles a une signification dont nous pouvons avoir du mal à appréhender la portée symbolique. (Sérisier, 200920)
Si les attentats du 11 Septembre ont bien eu lieu dans cette réalité, les événements ne sont pas déroulés comme dans notre univers, où le vol UA93 qui se dirigeait vers Washington s’est écrasé près de Pittsburgh, Pennsylvanie, suite à l’intervention des passagers; dans l’univers miroir, le vol a atteint son objectif initial en s’écrasant sur la Maison Blanche. Cette divergence est l’indice que les différences entre les deux mondes ne relèvent pas d’une simple «réécriture de l’histoire», comme l’avance Pierre Sérisier, mais d’une multiplication des points de vue. «This building is still standing because different choices were made», expliquera ainsi William Bell à Olivia à propos des Tours Jumelles [s2e4].
La révélation de cette fin de saison, due au scénariste Andrew Kreisberg, et qui s’impose aux showrunners de la série après un temps de réflexion, mais aussi d’appréhension, a, sans doute possible, une portée «emblématique» («iconic21») et symbolique puissante. L’Amérique a, depuis les Attentats, une attitude ambivalente quant à la mise en image des Tours. Certains films qui devaient sortir à cette époque ont été altérés au montage pour «effacer» les tours22, des affiches comme celle de Sidewalks of New York d’Edward Burns (2001) ont, de même, été redessinées pour ne pas heurter la sensibilité du public. D’autres films, comme Escape from New York de John Carpenter (1981), où les Tours font partie intégrante du décor, ne sont plus montrés pendant plus d’un an à la télévision et sont censurés de fait. Au contraire, Martin Scorsese décide de les inclure dans Gangs of New York (2002) alors que son récit se déroule au XIXe siècle. Dans le même temps, Robert DeNiro et Jane Rosenthal créaient le Festival de Tribeca au cœur même de New York afin de réaffirmer le dynamisme et la générosité culturelle de la ville.
Si des films comme Watchmen de Zack Snyder (2009), A Most Violent Year de J. C. Chandor (2014), ou The Walk de Robert Zemeckis (2015) dont l’action se déroule avant les Attentats, peuvent aujourd’hui, de nouveau, montrer des images du World Trade Center reconstitué en images de synthèse, la présence d’Olivia à l’intérieur du bâtiment – employé non plus comme ligne d’horizon, mais comme décor à part entière dans lequel elle évolue et interagit avec les personnages – correspond à la levée d’un tabou.
Ces Tours qui dominent un Manhattan fictif font écho à la volonté des scénaristes d’escamoter toute référence à Al-Qaïda: leur démarche est bel et bien l’inverse de celle de la censure sans pour autant s’inscrire dans une approche au mieux maladroite et au pire profondément malsaine «d’exaltation des sentiments patriotiques américains» (Sérisier, op. cit.). Ces Tours Jumelles qui s’élèvent comme si rien ne s’était passé rendent plus visible encore leur disparition dans notre univers. Loin de substituer le plein au vide, la présence à l’absence, celles-ci rappellent le concept de «ruines» développé par le philosophe Georges Didi-Huberman. Car Ground Zero «ne se “résout” pas comme un simple puzzle, pour la raison que les pièces manquantes sont véritablement manquantes. […] Il ne faut pas reconfigurer ce qui manque, il faut configurer le manque lui-même» et, finalement, «penser ces brisures» (Astic et Tarting, 2001: 13). Fringe invite dès lors le spectateur à faire des Tours Jumelles, objet architectural, esthétique, historique, un objet de réflexion, d’interprétation allégorique et, finalement, une énigme à résoudre.
En frappant le World Trade Center, les terroristes comptaient, certes, faire le plus de victimes possible et créer une panique à l’échelle planétaire, mais également abattre un symbole de la puissance économique étatsunienne. Ce symbole de succès et d’ouverture sur le monde pour les uns, d’impérialisme voire d’oppression pour les autres, est, par essence, ambivalent; il offre une multiplicité de lectures, jusqu’à celle du compositeur allemand Karlheinz Stockhausen, qui parlera de l’effondrement des Tours comme de «la plus grande œuvre d’art jamais vue» (Dobreva, op. cit.: 203). Parallèlement à ces lectures foisonnantes, tantôt sérieuses ou provocantes, tantôt absurdes, les scénaristes de Fringe interrogent l’histoire de l’Amérique, plus particulièrement celle des années 1960-70, période à laquelle le script revient systématiquement par l’intermédiaire du personnage de Walter Bishop, de ses vêtements démodés, de ses références culturelles, particulièrement musicales, ou de ses souvenirs narrés de façon humoristique – par exemple, ses conversations avec Timothy Leary, lui-même renvoyé d’Harvard en 1963 pour avoir distribué du LSD sans réel protocole de recherche, ou sa nuit passée avec Yoko Ono23.
Cette période prélapsarienne est, en effet, charnière pour les États-Unis; elle marque, dans un même élan, la naissance d’une contreculture qui n’hésite plus à remettre en cause un rêve américain jugé superficiel – de la Beat Generation aux films de Robert Downey Sr., Kenneth Anger ou John Waters –, de mouvements qui défendent une tolérance, une ouverture inédite sur l’Amérique, mais aussi sur le monde – la Marche de Washington pour les droits civiques en 1963 –, mais aussi la montée en puissance d’une politique interventionniste brutale – Guerre du Vietnam pendant toutes les années 1960 –, de tensions raciales et de symboles finalement foulés aux pieds – assassinat de Kennedy en 1963, de Martin Luther King en avril 1968. Cette Amérique, c’est celle de Ralph Waldo Emerson (1803-1882), une Amérique qui ne craint pas de «se contredire», une Amérique double qui pense contre elle-même24.
Les scénaristes ne cachent pas leur source d’inspiration pour ce qui deviendra la nouvelle direction de Fringe; si la théorie du «multivers» est ancienne, puisqu’elle remonte aux concepts d’«incompossibilité» et de «futurs contingents» de Leibniz25, les scénaristes l’empruntent, d’abord, à la littérature de science-fiction et aux théories développées par la physique quantique; ils renvoient, en outre, à l’épisode de Star Trek intitulé «Mirror, Mirror» écrit par Jerome Bixby et diffusé en 1967, série à laquelle elle se réfère volontiers en offrant, par exemple, le rôle de William Bell à Leonard Nimoy tout en multipliant les références plus ou moins transparentes au rôle de Spock qui l’a rendu célèbre. Dans «Mirror, Mirror», l’équipage du vaisseau Enterprise était projeté dans un univers parallèle où les traits psychologiques de chaque personnage étaient inversés. Chaque acteur, dont Leonard Nimoy, y interprétait deux personnages: l’un bienveillant, guidé par un désir d’avoir une meilleure intellection de l’univers; l’autre, son opposé, belliqueux et cruel.
La référence de Bixby au conte de «Sneewittchen» ou «Blanche Neige» («Spieglein, Spieglein an der Wand, / Wer ist die Schönste im ganzen Land?», traduit en anglais «Mirror, mirror, on the wall, who’s the fairest of them all?») a son importance. Elle souligne que son scénario, et par conséquent celui de Fringe, a un lien avec les contes, avec leurs thématiques comme avec leurs structures narratives. Bruno Bettelheim a souligné dans Psychanalyse des contes de fées (1976) l’importance, pour l’enfant, de saisir, à la lecture de ces contes, le caractère duel de chaque individu, de sa mère, en premier lieu, «une bonne mère et une méchante marâtre», mais aussi de lui-même qui «peut se diviser en deux êtres, tout bon et tout méchant sans pouvoir intégrer ces deux aspects en une intégrité» (Coulacoglou, 200626).
Le personnage d’Olivia Dunham doit autant au conte des Frères Grimm comme «Blanche Neige» ou «La Belle au Bois Dormant27», avec leur agrégation d’éléments merveilleux et terrifiants, qu’au personnage d’Alice de Lewis Carroll qui se retrouve projeté dans un «pays des merveilles» où les lois de la physique sont bouleversées, voire renversées. Aussi n’est-il pas surprenant que les scénaristes se réapproprient le titre de la suite des aventures d’Alice pour forger le titre d’un épisode de la saison finale – Through the Looking-Glass, and What Alice Found There devenant «Through the Looking- Glass and What Walter Found There» [e5s6].
D’autres références plus ou moins transparentes émailleront également la saison 5. Ainsi, Walter voit des fées lorsqu’il est sous acide, comme il voit le château du magicien d’Oz tel qu’il apparaît dans le film de Victor Fleming The Wizard of Oz en 1939. Le renvoi au conte de fées est double de la part des scénaristes: sérieuse, d’une part, dans ses références structurales, mais aussi humoristique: ce monde merveilleux, extraordinaire, correspond bien à l’espace mental de Walter habituellement sous l’influence de la drogue, Walter dont le comportement le rapproche de l’enfant certes fragile, mais aussi bien capable de se laisser guider par son imagination qui lui permet, tout au long de la série, de révolutionner le cours du monde. Ajoutons le thème de la quête d’objets caractéristique des contes de fées, légendes ou textes mythographiques que les scénaristes détournent avec humour – dans la saison 5, les personnages devront retrouver une série de cassettes vidéos qui révèlent, une fois visionnées dans le bon ordre, un plan pour sauver le monde – le tout contre toute logique, toute cohérence ou vraisemblance narrative.
Le salut, tel que le présentent les scénaristes de Fringe, est indissociable d’une patiente mise en récit. Aussi les plans, les stratégies, ne sont jamais dévoilés sur-le-champ; ils sont dissimulés à l’intérieur de longs volumes, qu’il s’agisse de manifestes – celui de ZFT –, d’essais – le livre The First People de Seamus Wiles et ses traductions – ou d’images à reconstituer. Autant de «mythes», qui ont pour origine Walter, et qui n’offrent une clef sur la «vérité» des événements qu’une fois que la part des mensonges, des affabulations et des trucages a été retranchée. Ces mythes28, qui fonctionnent en noyant une information simple dans un enchevêtrement de fictions correspondent, certes, au génie de Walter qui émerge au beau milieu d’un discours décousu, voire délirant, mais surtout au discours méta-référentiel que comptent diffuser les scénaristes de la série à l’attention du téléspectateur américain après les Attentats, discours politique, aussi sur le travail de deuil ou trauerarbeit qui semblerait naïf s’il n’était «perdu» dans un univers de science-fiction non seulement complexe, mais constamment redéfini.
Bixby imagine des personnages en miroir au sommet de la Guerre froide entre deux camps clairement identifiés, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord et les pays ayant signé le Pacte de Varsovie quelques années seulement après la Crise des missiles à Cuba et la montée brutale de la tension entre l’Administration Kennedy et Nikita Khrouchtchev du 14 au 28 octobre 1962, précipitant le monde au bord d’une guerre thermonucléaire. Le recul historique nous permet, aujourd’hui, de saisir que cette opposition n’était pas aussi schématique que la propagande l’avançait d’un côté comme de l’autre, et des séries comme The Americans de Joe Weisberg soulignent efficacement la complexité macropolitique et humaine de cette période, complexité qui ne pouvait qu’échapper, à l’époque, à bon nombre d’Américains et de Soviétiques abreuvés d’un discours politique volontairement fruste et manichéen. Bixby n’est pas dupe de cette dualité, et fait partie de ces écrivains, avec Harlan Ellison ou Norman Spinrad, qui signent un texte opposé à l’intervention américaine au Vietnam (Brode, 2015: 21). Son propos est sarcastique et le scénariste utilise la science-fiction et le support télévisuel pour interroger les certitudes de ses contemporains.
Ce monde où les Tours ne se sont jamais effondrées n’est pas un monde idéal. Bien au contraire, le parti pris des scénaristes est de ne pas effectuer de renversement, comme Jerome Bixby avait pu le faire en 1967. Un monde qui aurait su déjouer d’une manière ou d’une autre les attaques serait-il l’image en miroir de ce paysage chaotique dépeint par Paul Virilio, libéré de la menace, toujours présente, du «sabotage de la quotidienneté, dans les transports en commun, dans les entreprises comme à domicile» (Virilio, 2012: 91)? Rien ne le laisse croire, puisque les images d’horreur, de victimes calcinées et d’explosions y sont tout autant présentes, effaçant tout espoir d’actualité heureuse, et que l’État, sacrifiant à la liberté individuelle par une surveillance continue de ses citoyens correspond clairement aux États-Unis d’après le «Patriot Act» adopté en 2001 par le Congrès Américain29 et à ce que le philosophe et rhétoricien français Philippe-Joseph Salazar nomme une «posture permanente de sécurité30».
Ce n’est qu’à partir de la deuxième saison que les scénaristes vont apporter une explication à la guerre que se livrent ces deux univers, et procéder à un nouveau basculement scénaristique qui va répondre aux interrogations répétées d’Olivia quant aux motivations des terroristes.
La guerre n’a pas été provoquée par ZFT, comme le récit le laissait jusqu’ici supposer, mais par l’action inconsidérée de Walter qui, dans les années 1980, découvre l’existence de l’univers miroir plus avancé et que les «nova», pour reprendre le terme forgé par Darko Suvin31, situent du côté de la science-fiction. Un univers qu’il espionne avec William Bell par le truchement d’une fenêtre d’observation afin de dupliquer sa technologie. Le personnage de Walter présenté dans les flashbacks est bien différent de celui que le spectateur connaissait jusqu’ici. Il est plus jeune, riche, puissant, sûr de lui, et refuse l’idée de laisser la morale brider ses travaux. Il est l’incarnation du libre penseur emersonien, «prêt à alle[r] là où il n’y a pas de chemin» et à «laisse[r] une trace» à la fois allégorique et physique32.
Cherchant en vain à trouver le remède à la maladie de son fils Peter, Walter épie les recherches de son double ou doppelgänger baptisé «Walternate» dans l’espoir que celui-ci aura davantage de succès. Les deux personnages traversent les mêmes épreuves en parallèle et subissent les mêmes affres: voir leur fils unique lentement dépérir. Mais Peter meurt dans les bras de Walter. Ses connaissances, son savoir, n’auront pas suffi à sauver son enfant, du moins pas assez rapidement, car, ironie du sort, il parvient, trop tard, à trouver le remède qui aurait dû le sauver. L’enfant de Walternate est, lui, toujours en vie, mais son père ignore qu’il a lui-même trouvé le remède. Walter décide de passer d’un univers à l’autre, et de sauver le fils de son double en dépit des avertissements prophétiques de sa collaboratrice.
Walter se résout finalement à enlever l’enfant et à l’emmener dans son propre univers où il l’élèvera comme son fils tout en l’arrachant à ses véritables parents. La narration a ici de nombreuses conséquences sur l’intrigue générale de la série, comme sur les éléments, particulièrement de caractérisation, que le spectateur pouvait estimer acquis.
L’opposition à première vue fixe entre protagoniste et antagoniste se trouve inversée dans les épisodes qui vont dorénavant se dérouler «de l’autre côté», le générique passant alors du bleu au rouge pour marquer une distinction. La division Fringe que le spectateur suit désormais dans l’univers miroir est, finalement, assez peu différente de celle que le spectateur connaît déjà: elle s’assure que les actions terroristes d’un adversaire invisible ne feront pas de victimes et évite, potentiellement, des milliers de morts. L’équipe est composée d’alter-egos de personnages familiers: Charlie – mort dans notre univers –, Olivia, baptisée «Fauxlivia», Broyles, Astrid, tous joués par les mêmes acteurs. Le combat mené par ces enquêteurs, qui ici dépendent du Ministère de la Défense, se juxtapose à une situation connue. Les différences entre alter-egos sont minimes. Fauxlivia s’habille différemment, délaissant ses couleurs de prédilection: noir, blanc et gris, pour des couleurs plus vives. Son allure est différente, ses mouvements plus lâches, ses expressions sont différentes et Anna Torv joue volontairement ce personnage comme étant moins «froid» que celui d’Olivia33. Les doubles suivent un autre développement psychologique, développé au fur et à mesure de la troisième saison: Fauxlivia a encore sa mère tandis que sa sœur, Rachel, est morte; Walternate, rongé par l’enlèvement de son fils, est devenu ministre de la Défense de l’Administration Obama, il est un personnage grave et calculateur, proche du stéréotype du «surhomme» nietzschéen qu’Antonio Gramsci relève dans les romans d’Alexandre Dumas34. Les scénaristes se gardent de filmer le Président américain alternatif; le récit se déroule comme s’il n’y participait pas, ce qui ajoute à l’impression d’engourdissement voire d’impuissance politique. Le double discours ou «schizophrénie» de Barack Obama est aujourd’hui un truisme que les journaux américains ne manquent pas de mettre en avant en soulignant le paradoxe d’attribuer un Prix Nobel de la Paix en 2009 à un président qui, en réalité, poursuit – du moins en partie – la politique martiale de son prédécesseur, en poste au moment des Attentats, prédécesseur presque entièrement évacué de la narration (seul l’épisode [s4e16] mentionne le nom de Bush en rapport avec le durcissement des lois anti-terroristes) 35.
Pour lire la suite: «Through the Looking-Glass [2]»
1. Jeff Pinkner et J. H. Wyman sont les showrunners de la série. Ils travaillent ensemble sur les saisons 2, 3 et 4. Pinkner travaille seul à la saison 1, Wyman sur la saison 5.
2. Pour «Zerstörung durch Fortschritte der Technologie» ou «Destruction par l’avancement technologique».
3. Ces «pseudosciences» jugées farfelues renvoient à de véritables expériences menées aux États-Unis ou en Union soviétique pendant la Guerre Froide: télépathie, télékinésie, hypnose, étude des applications militaires de drogues hallucinogènes, dont on peut avoir un aperçu dans le livre de John D. MARKS, The Search for the “Manchurian Candidate”: The CIA and Mind Control: The Secret History of the Behavioral Sciences, New York, W. W. Norton & Company, 1991. Le personnage de Walter Bishop expliquera dans [s2e5] avoir participé au projet MKUltra auquel Marks consacre de nombreuses pages.
4. «This conjunction of an immense military establishment and a large arms industry is new in the American experience. The total influence—economic, political, even spiritual—is felt in every city, every State house, every office of the Federal government. We recognize the imperative need for this development. Yet we must not fail to comprehend its grave implications. Our toil, resources and livelihood are all involved; so is the very structure of our society. In the councils of government, we must guard against the acquisition of unwarranted influence, whether sought or unsought, by the militaryindustrial complex. The potential for the disastrous rise of misplaced power exists and will persist.», allocution disponible à l’adresse: http://coursesa.matrix.msu.edu/~hst306/documents/indust.html
5. Des personnages d’observateurs chauves qui étudient les moments clefs de notre histoire sont présents dans l’univers Marvel sous le nom de «watchers», créés par Stan Lee et Jack Kirby en 1963 dans Fantastic Four #13. C’est le nom que leur donnent les personnages venus de l’univers miroir que nous mentionnerons plus avant. L’observateur le plus proéminent dans la série se nomme «September», référence probable aux Attentats. Dans le comic book What if publié pour la première fois par Marvel en 1977, le watcher Uatu narre l’histoire des univers parallèles qui ne font pas partie du canon Marvel, ce qui permet aux scénaristes tous les retcons possibles et imaginables. Dans l’épisode [s2e23], des comic books DC sont affichés sur les murs d’un appartement de l’univers miroir. Des différences visibles, manifestes aux yeux des lecteurs de comic books, y apparaissent nettement. On distingue ainsi Superman: The Man of Steel Returns de Frank Miller en lieu et place de Batman: The Dark Knight Returns, pilier du renouveau du comic book avec Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons (DC comics, septembre 1986 à octobre 1987), et Maus d’Art Spiegelman (Raw / Pantheon Books, 1980-1986).
6. Le terme est forgé par l’écrivain américain William Gibson dans sa nouvelle «The Gernsback Continuum» (1981).
7. De H. G. Wells à Philip K. Dick en passant par Star Trek et Star Wars. Le choix de certains acteurs ou actrices comme Leonard Nimoy, Blair Brown, Peter Weller [s2e18] ou Christopher Lloyd [s3e10] renvoie à leurs rôles respectifs (la série Star Trek de Gene Roddenberry et Philip Kaufman, Invasion of the Body Snatchers, 1978; Ken Russell, Altered States, 1980; Paul Verhoeven, Robocop, 1987; Robert Zemeckis, Back to the Future, 1985) qui ont tous influencé la série de manière plus ou moins notable.
8. «Whether or not it draws on new scientific research, technology is a branch of moral philosophy, not of science», Paul GOODMAN, New Reformation [1970], cité dans Neil POSTMAN, Technopoly: The Surrender of Culture to Technology, New York, Vintage, 1993, p. xiii. Tout au long de la série, des références sont faites par le biais des dialogues à J. Robert Oppenheimer (1904-1967), l’un des inventeurs de la bombe atomique.
9. Neil Postman note: «Philipp Frank, one of Einstein’s early biographers, observed that the theory of relativity was as much a revelation in language as in physics», une réflexion qui peut servir de grille de lecture valide à l’ensemble de la série. Cf. Neil POSTMAN, Building a Bridge to the 18th Century: How the Past Can Improve Our Future, Vintage, Amazon Digital Services, Inc., p. 70.
10. Article consultable à l’adresse: http://www.monde-diplomatique.fr/2003/07/RAMONET/10193
11. Ni Al Qaïda ni Ben Laden ne sont évoqués dans des situations relevant clairement du terrorisme international. Le nom de Saddam Hussein n’est mentionné que très brièvement [s2e3].
12. En particulier le documentaire Loose Change de Dylan Avery (2005), largement critiqué par une série de documentaires de la BBC.
13. En littérature, les romans Pattern Recognition de William Gibson (2003) ou Falling Man de Don DeLillo (2007) qui interrogent les Attentats autant que leur mise en images, mais également les comic books comme New X-Men de Grant Morrison (Marvel, 2001-2004) ou The Boys de Garth Ennis et Darick Robertson (Wildstorm / Dynamite Entertainment, 2006-2012).
14. Broyles: «I have a job. The same job I’ve had in three administrations and six wars: to defend our national security and I assure you we are not secure. Yes, sometimes the threat is familiar, but I’ve come to learn that sometimes it is far worse.» [s2e1]
15. Respectivement de Entertainment Weekly, Chicago Sun-Times et Philadelphia Daily News. Les exemples sont trop nombreux pour être tous consignés ici.
16. Un épisode de la série spin-off The Lone Gunmen diffusé en mars 2001 traite de la destruction des tours du World Trade Center par le gouvernement américain pour justifier une entrée en guerre contre des pays du Golfe. Ce hasard a nourri les thèses conspirationnistes les plus farfelues. Voir Annalee NEWITZ, «Chris Carter Says 9/11 Killed X-Files, But America is Ready for It Again», article consultable à l’adresse: http://io9.com/360044/chris-carter-says-911-killed-x-files-but-america-i…
17. Voir l’entretien avec Jared Harris disponible sur le site Fringe Television, consultable à l’adresse: http://www.fringetelevision.com/2009/03/exclusive-jared-harris-interview…
18. Ici Sherlock Holmes dans les romans d’Arthur Conan Doyle et le couple Fandor / Commissaire Juve dans ceux de Marcel Allain et de Pierre Souvestre.
19. Par exemple The Parallax View d’Alan J. Pakula (1974), I… comme Icare d’Henri Verneuil (1979), qui déconstruisent l’assassinat du président Kennedy tout en le mythifiant.
20. Article consultable à l’adresse:http://seriestv.blog.lemonde.fr/2009/05/14/fringe-saison-1-reecrire-lhis…
21. JH Wyman: «One of our writers in the first season, Andrew Kreisberg—and I always want to give him credit for this iconic image because it was really his—we were sitting around talking about needing an iconic image for when we go over to (William) Bell. He said, ‘What if it’s the Twin Towers?’ For a second, I was like, ‘That’s the greatest idea in the world,’ and then I thought maybe it’s not because I didn’t want to sensationalize it. But then, when we started thinking about it, we thought collectively America really understood 9/11 is such a monumental moment so we felt it wasn’t exploited but indicative of the times we’re living in right now. We used it and that was the end of the first season and then we were all really thrilled with where it was going.», «Fringe: Showrunner JH Wyman On the Show’s Key Moments», 22 novembre 2012, article consultable à l’adresse: http://www.gamesradar.com/fringe-showrunner-jh-wyman-on-the-shows-key-mo…
22. Zoolander, Ben Stiller, 2001, Serendipity, Peter Chelsom, 2001, City by the Sea, Michael Caton-Jones, 2002, The Time Machine, Simon Wells, 2002, qui contenaient tous des plans du World Trade Center. La liste n’est pas exhaustive.
23. WALTER: I didn’t realize until later. I woke up, and there she was in my bed. Yoko.
KEVIN: What did he say?
WALTER: It was the ’70s. What could he say? [s3e16].
24. «Speak what you think today in hard words and tomorrow speak what tomorrow thinks in hard words again, though it contradicts every thing you said today.», Ralph Waldo EMERSON, Self-Reliance and Other Essays, USA, CreateSpace Independent Publishing Platform, p. 34.
25. «[C]’est la forme ou plutôt la force pure du temps qui met en crise la vérité. Cette crise éclate dès l’Antiquité, dans le paradoxe des “futurs contingents”. S’il est vrai qu’une bataille navale peut avoir lieu demain, comment éviter l’une des deux conséquences suivantes: ou bien l’impossible procède du possible (puisque, si la bataille a lieu, il ne se peut plus qu’elle n’ait pas lieu), ou bien le passé n’est pas nécessairement vrai (puisqu’elle pouvait ne pas avoir lieu). […] Il faudra attendre Leibniz pour avoir de ce paradoxe la solution la plus ingénieuse, mais aussi la plus étrange et la plus contournée. Leibniz dit que la bataille navale peut avoir lieu ou ne pas avoir lieu, mais que ce n’est pas dans le même monde: elle a lieu dans un monde, n’a pas lieu dans un autre monde, et ces deux mondes sont possibles, mais ne sont pas «compossibles» entre eux. Il doit donc forger la belle notion d’incompossibilité (très différente de la contradiction) pour résoudre le paradoxe en sauvant la vérité: selon lui, ce n’est pas l’impossible, c’est seulement l’incompossible qui procède du possible; et le passé peut être vrai sans être nécessairement vrai», Gilles DELEUZE, Cinéma 2 / L’Image-Temps, Paris, Editions de Minuit, 1998, p. 170-171.
26. Article consultable à l’adresse: http://www.cairn.info/revue-le-carnet-psy-2006-6-page-31.htm
27. Dans la saison 5, Olivia est maintenue prisonnière dans une gangue d’ambre où elle semble attendre, endormie. Le personnage d’Edward Markham, qui s’est approprié le «cercueil» translucide déclare: «I love her… from the first time she came into my bookstore. I never meant her any harm. […] It’s not supposed to happen this way. She’s supposed to wake up and see me as her savior, when I figure out exactly how to wake her up. […] She’s supposed to overlook my height issue and realize that I’m really good for her and that I love her. I have gone into substantial debt over this.» [s5e1].
28. Notons que les membres de la division Fringe seront eux-mêmes «mythologisés» dans le futur sous forme de personnages de comic books [s2e21].
29. Ensemble de lois qui renforcent le renseignement aux États-Unis tout en empiétant sur les libertés individuelles en opposition totale avec l’idéal des Pères Fondateurs comme le rappelle la phrase, célèbre, Benjamin Franklin: «Those who sacrifice liberty for security deserve neither.»
30. Termes employés dans l’émission «Paroles armées: Comprendre et combattre la propagande terroriste avec Philippe-Joseph Salazar», France Inter, le lundi 28 septembre 2015.
31. «Novum, Darko Suvin’s coinage for the ‘new thing’ or (plural, ‘nova’) ‘new things’ that distinguishes the SF tale from a conventional literature. This ‘point of difference’ might be a material object, like a spaceship, a time-machine or a matter-transportation beam», Adam ROBERTS, Science Fiction, London, Routledge, 2002, p. 190.
32. C’est l’une des citations les plus célèbres d’Emerson: «Do not go where the path may lead, go instead where there is no path and leave a trail».
33. Entretien avec la comédienne Anna Torv disponible sur le site Serie Fringe, consultable à l’adresse: seriefringe.com/question-a-anna-torv-etes-vous-plus-olivia-ou-fauxlivia
34. «Quoi qu’il en soit, on peut affirmer que beaucoup de la prétendue “surhumanité” nietzschéenne a comme origine et modèle et modèle doctrinal non pas Zarathoustra mais le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas», Antonio GRAMSCI, Letteratura e vita nazionale, III, «Letteratura popolare», cité dans Umberto ECO, De Superman au Surhomme, op.cit., p. 7.
35. A noter que J. J. Abrams a toujours manifesté son soutien public à Barack Obama, comme il a toujours montré sa solidarité avec les soldats envoyés combattre au Moyen Orient après les Attentats.
Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI, Mille Plateaux / Capitalisme et Schizophrénie 2, Paris, Les Editions de Minuit, 1980.
Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI, Qu’est-ce que la Philosophie?, Paris, Les Editions de Minuit, 1991.
Gilles DELEUZE, Cinéma 2 / L’Image-Temps, Paris, Editions de Minuit, 1998.
Umberto ECO, De Superman au Surhomme, Paris, Grasset / Le Livre de Poche, 1993 [1978].
Michel FOUCAULT, Surveiller et Punir: naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975.
Antonio GRAMSCI, Pourquoi je hais l’indifférence, Paris, Rivages, 2012.
Adam ROBERTS, Science Fiction, London, Routledge, 2002.
Oswald DUCROT et Jean-Marie SCHAEFFER, avec la collaboration de Marielle ABRIOUX, Dominique BASSANO, Georges BOULAKIA, Michel de FORNEL, Philippe ROUSSIN et Tzvetan TODOROV, Nouveau Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris, Seuil, 1995.
Don DELILLO, Falling Man, New York, Scribner, 2007.
Ralph Waldo EMERSON, Self-Reliance and Other Essays, USA, CreateSpace Independent Publishing Platform.
William GIBSON, Pattern Recognition, New York, G. P. Putnam’s Sons, 2003.
Naomi KLEIN, The Shock Doctrine: The Rise of Disaster Capitalism, Toronto, Knopf Canada, 2007.
John D. MARKS, The Search for the “Manchurian Candidate”: The CIA and Mind Control: The Secret History of the Behavioral Sciences, New York, W. W. Norton & Company, 1991.
Jean-Baptiste THORET, 26 secondes: L’Amérique éclaboussée, Pertuis, Rouge Profond, 2003.
Paul VIRILIO, La Pensée Exposée, Arles, Actes Sud / Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2012.
Grant MORRISON, Supergods: What Masked Vigilantes, Miraculous Mutants, and a Sun God from Smallville Can Teach Us About Being Human, New York, Spiegel & Grau / Random House, 2012.
Neil POSTMAN, Technopoly: The Surrender of Culture to Technology, New York, Vintage, 1993.
Neil POSTMAN, Building a Bridge to the 18th Century: How the Past Can Improve Our Future, Vintage, Amazon Digital Services, Inc. [1999].
Gene Roddenberry’s Star Trek: The Original Cast Adventures, edited by Douglas Brode & Shea T. Brode, London, Rowman & Littlefield Publishers, 2015.
The Multiple Worlds of Fringe / Essays on the J. J. Abrams Science Fiction Series, edited by Tanya R. Cochran, Sherry Gin & Paul Zinder, Jefferson, McFarland, 2014.
Remake Television: Reboot, Reuse, Recycle, edited by Carlen Lavigne & William Proctor, Plymouth, Lexington Books, 2014.
Christophe BECKER, «Heroes and Villains (1): La naissance du comic book contemporain», paru en ligne dans la revue électronique POP-EN-STOCK (le 12 février 2015). Article consultable à l’adresse:
http://popenstock.ca/dossier/article/heroes-and-villains-1-la-naissance-…
Neli DOBREVA, «Esthétisation du politique, œuvre d’art et expérience du Sublime VS 9/11», in La Fonction Critique de l’Art, Dynamiques et Ambiguïtés (sous la direction d’Evelyne Toussaint), Bruxelles, La Lettre Volée.
Franco MARINEO, «Fringe, fringe science and the evolution of human mind: the disappearance of the Self and the multiplication of realities», article tiré de l’intervention «Consciousness Reframed 12» , The Planetary Collegium’s 12th Annual international Research Conference, consultable à l’adresse:
Guy ASTIC et Christian TARTING, «Montage des ruines / Conversation avec Georges Didi-Huberman», in Simulacres n°5, Septembre-Décembre 2001.
Fringe – L’intégrale de la série: Saisons 1 à 5, Warner Bros. (2015).
The Americans – L’intégrale des Saisons 1 & 2, 20th Century Fox (2015).
Star Trek – Saison 1, CBS (2009).
Steven Spielberg Presents Amazing Stories, The Complete First Season, Universal Studios (2006).
The X-Files – L’intégrale des 9 saisons, 20th Century Fox (2012).
Dylan AVERY, Loose Change (2005).
Edward BURNS, Sidewalks of New York (2001).
Rob BOWMAN, The X-Files: Fight the Future (1998).
J. C. CHANDOR, A Most Violent Year (2014).
Victor FLEMING, The Wizard of Oz (1939).
Alan J. PAKULA, The Parallax View (1974).
Henri VERNEUIL, I… comme Icare (1979).
Philip KAUFMAN, Invasion of the Body Snatchers (1978).
Ken RUSSELL, Altered States (1980).
Martin SCORSESE, Gangs of New York (2002)
Zack SNYDER, Watchmen (2009).
Paul VERHOEVEN, Robocop (1987).
Robert ZEMECKIS, Back to the Future (1985).
Robert ZEMECKIS, The Walk (2015).
Jean BAUDRILLARD, «A la recherche du Mal absolu», Libération (17 février 2005), article disponible à l’adresse: http://www.liberation.fr/tribune/2005/02/17/a-la-recherche-du-mal-absolu…
Noam CHOMSKY, «Terrorisme, l’arme des puissants», Le Monde Diplomatique, texte est tiré d’une conférence prononcée au MIT le 18 octobre 2001 et consultable à l’adresse: http://www.monde-diplomatique.fr/2001/12/CHOMSKY/8234
Sandra GONZALEZ, «Emmy Watch: ‘Fringe’ star John Noble on slapping Joshua Jackson», 20 juin 2012, article consultable à l’adresse: http://www.ew.com/article/2012/06/20/emmy-watch-fringe-john-noble
Annalee NEWITZ, «Chris Carter Says 9/11 Killed X-Files, But America is Ready for It Again», article consultable à l’adresse: http://io9.com/360044/chris-carter-says-911-killed-x-files-but-america-is-ready-for-it-again
Ignacio RAMONET, «Mensonges d’État», Le Monde Diplomatique, juillet 2003. Article consultable à l’adresse: http://www.monde-diplomatique.fr/2003/07/RAMONET/10193
Pierre SERISIER, «Fringe (Saison 1) – Réécrire l’Histoire», 14 mai 2009, article consultable à l’adresse: http://seriestv.blog.lemonde.fr/2009/05/14/fringe-saison-1-reecrire-lhistoire/
Faustine VINCENT, «Les Américains se divisent sur la notion d’acte “terroriste”», Le Monde, 2 décembre 2015, article consultable à l’adresse: http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2015/12/02/fusillade-dans-un-pla…
«Fringe: Showrunner JH Wyman On the Show’s Key Moments», 22 novembre 2012, article consultable à l’adresse: http://www.gamesradar.com/fringe-showrunner-jh-wyman-on-the-shows-key-mo…
«La justice chinoise condamne à mort des “terroristes” ouïgours», Le Monde (08/12/14), article consultable sur le site: http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2014/12/08/la-justice-chinoise-condamne-a-mort-des-terroristes-ouigours_4536332_3216.html#zRyQHeRlduA0GboL.99
Becker, Christophe (2016). « «Through the Looking-Glass» (1) ». Pop-en-stock, URL : [https://popenstock.uqam.ca/articles/through-the-looking-glass-1], consulté le 2024-12-30.