Très tôt dans son histoire, l’énigme, fondement du genre policier, incite à machiner deux registres: la double histoire (celle du récit de l’enquête, où l’enquêteur part de l’énigme pour aller vers la solution, ce qui déplie celle du crime lui-même et remet dans l’ordre motivations, opportunité et modus operandi du criminel apparus dans l’ordre inverse à la lecture du récit de l’enquête) et la narration réticente (le lissage romanesque du récit de l’enquête dissimule la disparité des connaissances que personnages et lecteur peuvent avoir de l’histoire du crime). La tradition française ancienne a plutôt développé le premier –les premiers Rouletabille de Gaston Leroux par le secret de famille et les grands Arsène Lupin de Maurice Leblanc par la menaçante répétition dans le présent d’une histoire tragique passée. Le mystery à l’anglaise a plutôt imposé de lui-même une image de jeu compétitif avec le lecteur. Après le coup de l’assassin narrateur du Meurtre de Roger Ackroyd (1928 [1926]) d’Agatha Christie, qui n’était encore qu’une exploration les limites narratologiques du genre, de bons apôtres se sont même évertués de codifier ce jeu –la vingtaine de règles de S.S. Van Dine1 publiée en 1928 dans The American Magazine et le décalogue élaboré par Ronald Knox en 1929 pour le Detection Club2
Inutile de préciser que les romanciers pratiquent depuis longtemps la délinquance par rapport à cette police de l’écriture même si ce sous-genre du whodunit de crime impossible et de son défi au lecteur est encore illustré de nos jours, plus rarement certes, mais parfois de manière plus retorse, comme par Les Enquêtes du commissaire Bouclard (2002) d’Alain Demouzon, avec ses 40 énigmes exigeant chacune une lecture attentive et participative et repoussant en fin de volume leur solutionnaire. C’est dans un tel contexte générique que des romans proposent parfois explicitement une figuration de l’auteur et de sa relation à son écriture, à son statut et à son destin.
Ainsi, une dizaine d’années après la «codification», avec Le lecteur est prévenu (1939), John Dickson Carr3 place son classique couple sériel, le Dr Jack Sanders (qui narrativement sert de focalisateur) et HM, sir Henry Merrivale, détective obèse et colérique qui débrouille tous les écheveaux, dans une intrigue se donnant sous les espèces d’un double jeu compétitif. Premier jeu, les deux enquêteurs amateurs et la police officielle sont mis au défi par un arrogant télépathe autoproclamé, Pennik: il s’accuse du meurtre de leur hôte, Sam Constable, inexplicablement commis dans la grande et laide résidence secondaire de la victime située dans une petite ville imaginaire du Surrey où était réunie une petite assemblée pour une démonstration des insolites dons de Pennik. Ce dernier se dit intouchable puisque l’état du droit ne permet pas la loi de considérer l’influx psychique comme une arme. Minna, veuve beaucoup plus jeune, auteur de romans policiers au psychisme fragile qui finira mal; Hilary, belle invitée qui trouble Sanders; Larry, cousin de la famille affligée… tous les résidents de Fourways semblent aggraver à plaisir l’atmosphère un peu inquiétante de la maison par leurs réticences, leurs faux-semblants. Second jeu, quelques notes infrapaginales signées «J. S.» superposent un autre défi, lancé par un joueur dissimulateur (il connaît visiblement déjà le fin mot de l’histoire) et de mauvaise fois (le lecteur n’a aucunement des notes sous les yeux mais une narration romanesque). Cette autre partie engage explicitement le lecteur4, ce qui déplace vers l’acte de lecture le statut de la représentation de l’auteur, qui est donc fonction de l’une de deux attitudes de lecture. Soit le lecteur se laisse bercer par l’invention romanesque, et elle n’est pas rien. Ainsi, le récit démasquera la séduisante Hilary, en fait froide, machiavélique et opportuniste meurtrière, manipulant le naïf Pennik et le tout aussi naïf Jack Sanders; et la narration le fera par une scène très théâtrale –Merrivale, Sanders, Pennik et un policier, cachés sur un balcon, verront par la fenêtre Hilary tenter d’assassiner sa jeune belle-mère, seule véritable cible, malgré les morts violentes intervenues entretemps. Soit le lecteur, alerté par cette signature «J. S.», est incité par ce menu dysfonctionnement narratif à se questionner: le Dr Jack Sanders ne serait-il donc pas seulement focalisateur mais aussi narrateur? Est-il vraiment l’adversaire que m’oppose cette partie? Ou l’auteur, Carr, se joue-t-il de ma bonne foi lectorale? La figuration d’un auteur, ici indirecte, est saisie par un doute plus général qu’Uri Eisenzweig (1986) articulera de manière théorique et généralisante (le roman de Carr n’étant que l’une des multiples occurrences de cette mauvaise foi narrative): un scepticisme devant la prétention affichée du whodunit à être un réel jeu compétitif.
Multiples seront les variations sur ce couple à la Arthur Conan Doyle du narrateur peu perspicace et du détective dissimulateur. La figuration de l’auteur est plaisamment réduite à la portion congrue dans le roman humoristique Vous qui n’avez jamais été tués (1951) d’Olivier Séchan et Igor B. Maslowski5: s’il est impératif pour Carradine, le narrateur, de transmettre son histoire à un écrivain, c’est que depuis le début du roman il est mort, que c’est son fantôme qui a accompagné le policier chargé de l’enquête sur son assassinat et que c’est dans l’au-delà qu’il a retrouvé son présumé empoisonneur lui-même convaincu de meurtre puis passé à la chambre à gaz. En revanche cette figuration reçoit toute une onction érudite dans la série de Philippe Collas prenant Jean de La Fontaine comme héros-enquêteur; ce n’est pas un mais deux professeurs à l’École des chartes6 qui signent l’avis au lecteur de L’Ogre de Paris (2007) pour attester que le manuscrit signé E. de V. et retrouvé dans les combles d’une ferme ayant appartenu au fabuliste est parfaitement authentique. Par ailleurs, Une Poule de trop (1951) de Michel Marly et Entretiens avec une tueuse (1999) d’Andrea H. Japp7 indiquent de possibles antipodes aux livres-gadgets de la collection «Crime File» des éditions new-yorkaises William Morrow8 où non seulement l’écrivain n’a aucune existence narrative, mais le narrateur non plus –puisque le lecteur n’a que des «documents» sous les yeux (photos, comptes-rendus d’interrogatoire, etc.), à lui de construire le fil narratif. Une Poule de trop constitue une «fiction quasi-immédiate»: le héros et le signataire du roman peuvent bien porter le même nom9 et l’intrigue se dérouler dans la contemporanéité de sa lecture, jamais le lecteur n’hésite sur le statut de fiction de ce qu’il lit10. Entretiens avec une tueuse exhibe en revanche sa médiation; c’est une entrevue de douze jours avec un journaliste qui sert de rection intégratrice à la panoplie de «voix» de Théa la tueuse –ce qu’elle pense en son for intérieur, ce qu’elle raconte des actes qu’elle vient de perpétrer…
Ce n’est pas seulement dans le registre narratologique que se manifeste la présence du romancier, fût-elle en creux, dans le roman policier. Elle s’y thématise aussi, de multiples manières, ce qui incite à la replacer dans des cercles concentriques de plus en plus serrés, commençant par celui du traitement de la vie littéraire.
Les Fous de Scarron (1990) de Christian Poslaniec, Bison ravi et le Scorpion rouge (2009) de François Darnaudet ou Massacre pour une bagatelle (2010) d’Émile Brami exhibent la dangerosité de l’érudition, de la bibliophilie, le caractère meurtrier des cercles des fans de grands auteurs, ces branches spécialisées de l’institution littéraire. Chez le premier, comment expliquer que meurent autant de spécialistes et amateurs de Paul Scarron, dont l’œuvre burlesque ne semble pourtant ni franchement d’actualité (son Roman comique date de 1651-57) ni si risquée11, surtout si la question se pose à un prof en communication, spécialité bien anachronique? Chez le deuxième, c’est l’état de bouquiniste qui s’avère bien plus dangereux que ce que l’on imagine, surtout lorsque d’intimidants clients exigent un roman de Vian jamais paru, exigence redoublée par un autre client à propos d’un romancier, oublié celui-là, victime d’une cabale12 «chez les Gars Limard», Jean Forton. Inexistants ouvrages de romanciers réels que l’érudition de Darnaudet relie par leur dénominateur commun, le Scorpion, la maison d’édition de Jean d’Halluin, mais que le pauvre bouquiniste soucieux de sa propre conservation ferait bien de trouver quand même… Chez le dernier, le fétichisme littéraire des passionnés de Louis-Ferdinand Céline fait aussi mourir: l’avocat d’affaires Pamphile Pollet, étranglé dans sa voiture, son client le libraire Bénarous, poignardé dans sa librairie au moment où ils semblaient avoir mis la main sur le Graal, un inédit disparu du grand écrivain. Ces meurtres, proposés sous le titre transparent de Massacre pour une bagatelle par un écrivain lui-même libraire et auteur d’ouvrages sur Céline, s’avéreront les malheureuses et indirectes conséquences d’une histoire de faux littéraire –à qui se fier si les experts dévoyés par leur avide passion sont aussi des naïfs? L’écriture veille à neutraliser les possibles effets dissolvants du pastiche. Elle le confine au prologue, le pillage de l’appartement de Céline en fuite raconté avec des dialogues usant de l’argot des années 40; et à l’épilogue, le faux composé par Mazur, une soi-disant Légende du roi Krogold de la plume de Céline composée en réalité d’un montage de citations de Céline13.
On le voit, le commerce du livre connaît son lot d’assassinats. C’est la librairie et son rôle culturel et politique qui occupent le centre de Meurtres exquis à la librairie du Monde libertaire (2009) de Jean-Marc Raynaud14. L’exécution de sang-froid d’un assistant qui s’avérera être un flic infiltré, le jour du lancement de plusieurs livres de Benoist Rey15, puis la découverte de deux cadavres dans cette librairie anar –l’ex-général de Bonnefieu qui, en 1960, avait commandé le commando de choc de Rey, et l’évêque Eberhardt von Steinberg, ex-aumônier de la légion Kondor pendant la Guerre d’Espagne, grand bénisseur des Stukas qui avaient bombardé Guernica –amènent Ed Merlieux et Ted Chaucre, agents des services secrets de la Fédération Anarchiste à enquêter. Ils le font parallèlement à la police (une commissaire ex-sympathisante libertaire) et la justice (une juge d’instruction ex-membre de la Ligue communiste), dans un registre bouffonnement satirique16. Le libraire se fait parfois enquêteur, comme le Victor Legris de Claude Izner ou les libraires des cozy mysteries de Carolyn G. Hart; mais l’auteur ne joue toutefois pas un rôle déterminant. En revanche, le brave M. Esbirol, bouquiniste qui laisse Francinet le jeune amateur de romans policiers lui chaparder des livres et il lui permet de l’accompagner dans ses expéditions nocturnes dans la brume et le froid d’un Paris vidé de sa police par une grève et le laisse surtout fort perplexe devant son modus operandi meurtrier. Or, le bouquiniste-tueur sériel se double aussi d’un écrivain. Francinet se le demande, son introuvable livre recelerait-il la solution? En tout cas, les journaux peuvent bien le baptiser «Monsieur Cauchemar», ce n’est pas Francinet qui le trahirait, lui dont le père assassin a été tué par l’inspecteur Budé qui maintenant vit avec sa mère veuve. Outre la subtile combinaison de son intrigue et ses références à l’histoire du genre, Monsieur Cauchemar (1960) se singularise par ses trois dénouements au choix17 –ce qui amène le lecteur à considérer l’auteur, Pierre Siniac, comme un valeureux rival dans le jeu compétitif offert par cette fiction.
Dans Mourir à Francfort ou le malentendu (1975) d’Hubert Monteilhet et Les Amants de Francfort (2011) de Michel Quint, le commerce du livre ne se fait plus au détail mais dans sa plus grande foire. C’est un nouvel attentat à la propriété intellectuelle qui constitue le nœud du roman de Monteilhet. Labatutt-Largaud, digne professeur à la Sorbonne, auteur de polars et de romans d’amour sous pseudonyme, fait paraître, sous sa signature, un roman peu connu de l’abbé Prévost, lors d’une phase de manque d’inspiration. Une sagace mais malheureuse étudiante, bibliothécaire à la Bibliothèque Nationale, ne survivra pas à sa découverte de la mystification. Alors que la foire de Francfort n’est chez Monteilhet qu’un décor: chez Quint, la ville provoque des courts-circuits temporels. Allemagne à conjurer (son père y a été assassiné lorsqu’il était enfant), amnésie familiale à désamorcer (l’histoire de ce père et du grand-père de son ex-femme), souvenirs stratifiés (de la période du STO et de celle, sanglante, de la bande à Baader et des anciens nazis sans complexe), atmosphère de grand-messe du livre et mœurs parfois répugnantes du monde de l’édition…: pour cette initiation et pour l’enquête dans laquelle il est entrainé, Florent, le jeune éditeur, a bien besoin de toute son intelligence pour désintriquer l’écheveau. Juste au moment où une belle brune provoque chez lui plutôt une explosion de sa sensualité.
Si l’industrie de l’édition ne semble pas offrir de ferme sauvegarde, ses rituels symboliques n’en procurent pas plus. José Robin, journaliste au Paris-Nouvelles, enquête à Moissac: qui a tué le père Muet dans sa boutique? Enquête provinciale menée contre l’intrigante imploration du jury du Goncourt qui ne peut que redouter le scandale: le prix de cette année a été attribué à un manuscrit écrit par un inconnu, racontant le meurtre du père Muet, visiblement œuvre de l’assassin lui-même. Lequel, un journaliste aussi, sera débusqué à Paris, par une ruse de Robin: il aura répandu la rumeur qu’un romancier, candidat malheureux du Goncourt, allait faire paraître un article dénonçant la nullité littéraire du manuscrit primé. Telle est la trame de L’assassin a le prix Goncourt (1950) de Silvio Michel18. Soixante ans plus tard, on peut y contraster Noir Goncourt (2010) de Max Genève qui continue à jouer sur la corde de la vanité littéraire et Meurtre au Nouvel Observateur (2010) de Pierre Hédrich qui reprend le milieu du journalisme. Dans Noir Goncourt, c’est en contraste avec la légèreté de Joseph Melkian, l’écrivain facétieux dont la disparition l’année précédente avait ouvert l’enquête de Simon Rose, et celle de ce détective privé, charmant dilettante et cœur à prendre, que semble odieuse la vanité littéraire de l’académicien septuagénaire François Moricet (malgré la protection de la police suite à des lettres de menaces, son jeune amant Roberto avait été assassiné) et de Baladin, le scénariste qui avait été l’ami de Melkian. Meurtre au Nouvel Observateur ne met plus en compétition journaliste et romancier mais thématise plutôt de manière critique deux manières de faire du sens grâce à l’enquête, celle de la police et celle du magazine. Suite à deux meurtres commis au siège du magazine, ceux de Marianne Schreiber, grand reporter spécialiste de la Russie, puis de Daniel Hérault, le directeur de la rédaction, tous deux égorgés au cutter, un maquettiste, Laurent Malherbe, est soupçonné par l’un des enquêteurs, Dacier. Conscient du faisceau d’indices pointant sur lui, méfiant face à la garde à vue qui le guette et à l’unilatérale enquête à charge que monte Dacier, Malherbe préfère s’enfuir et mener sa propre enquête, tombant dans le statut de sans-papiers ce qui lui permet l’expérience de solidarités nouvelles, d’un autre regard sur la société que celui permis pas son métier et son magazine.
Une autre branche spécialisée de l’institution littéraire, les lieux de mémoire par lesquels les admirateurs d’un auteur, au-delà de son univers imaginaire, tentent de s’immerger dans son univers réel, ne semblent pas plus sûrs si l’on en croit Estelle Montbrun, elle-même universitaire en études littéraires19. Ce qui n’empêche nullement ses Meurtre chez Tante Léonie (1994), Meurtre à Petite Plaisance (1998), Meurtre chez Colette (2001) et Meurtre à Isla Negra (2006) d’avoir non seulement un héros récurrent, le commissaire Jean-Pierre Foucheroux, mais aussi un même concept général: c’est dans la maison d’un écrivain, transformée en musée, inscription territoriale et symbolique, haut lieu de la mémoire littéraire, que frappe le crime, au cœur de la vénération, de ses rituels et de l’éventuelle turpitude de ses prêtres.
Après ce premier cercle, le plus extérieur, dans le deuxième le roman policier conscrit comme enquêteurs des collègues qui ont précédés leurs auteurs20, sorte d’hommage aux ancêtres. Même si ce sont surtout des romans traduits de l’anglais qui développent cette veine, la tradition française respecte aussi l’adage «À tout seigneur policier, Edgar Allan et Arthur, tout honneur». L’hommage s’avère respectueux dans Un Œil bleu pâle (2007), puisque dans cette enquête pour découvrir un fourbe et sinistre tueur (elle débute par la profanation de la dépouille d’un élève officier de West Point), Louis Bayard associe Edgar Poe à Landor, un retraité de la police de New York. Mais le respect n’est plus au programme, ni le genre policier, dans L’Instinct de l’équarrisseur, vie et mort de Sherlock Holmes (2002) de Thomas Day, ni pour Holmes, pervers et officiel «assassin royal», ni pour Arthur Conan Doyle, mort prématurément à Londen, dans le monde steampunk des Worsh extra-terrestres, et dont Watson va cueillir les récits édulcorés narrés par son homologue à London, monde que redouble le premier, où se croisent Oscar Wilde, Jack l’Éventreur et d’autres célèbres victoriens. C’est de manière autrement distanciée qu’Agatha Christie reçoit son hommage de deux duos: elle n’y est pas thématisée comme auteur mais hante entièrement les œuvres-hommages. Ainsi les acteurs, dramaturges et romanciers Yves Jacquemard et Jean-Michel Sénécal se contentent de transposer dans le milieu du théâtre un roman de Christie qu’elle avait adapté pour la scène, phagocytant au passage quelques autres de ses romans, dans Le Onzième petit nègre (1977); et la réjouissante verve de la romancière Michèle Rozenfarb et de son illustrateur Thomas Ehretsmann dans la BD Corpus Christie (2004) prend appui sur un socle délicieusement inattendu: afin de garder ses vieux pensionnaires de l’ennui et de la peur de la mort, Sœur Capucine, ex-missionnaire en Amazonie et actuelle directrice d’une maison de retraite, applique religieusement les leçons de l’œuvre complète d’Agatha Christie.
Toutefois les romanciers conscrits n’émanent pas seulement de ce genre, le recyclage post-moderne ratisse plus large. Il y a des classiques pour la jeunesse, des voisins en quelque sorte, comme Charles Dickens. Plus de distance, là. Il se voit enrôlé de force par André Duchateau trois fois plutôt qu’une; dans deux des romans, lui et son amie Marie Tussaud doivent prouver son innocence et dans le dernier, c’est le meurtre du directeur de théâtre qui allait monter une de ses pièces qu’il faut élucider21. Triplement requis, Jules Verne l’est aussi, mais par trois romanciers, et pas toujours en qualité d’enquêteur. Dans Le Mystère de la chambre obscure (2005) de Guillaume Prévost, en 1855, lors de l’Exposition universelle de Paris, le jeune Verne assiste son ami Félix de Montagnon, journaliste au Populaire, pour comprendre les indices sibyllins laissés par un assassin dont les meurtres lient trafic de cadavres et occultisme à fausse monnaie, Exposition universelle et cimetière à laboratoire clandestin de savant fou à alcôves de maison close. Dans La Lune seule le sait (2000) SF steampunk de Johan Heliot, pour secouer le joug d’un Napoléon III uchronique qui a dompté l’Europe grâce à une alliance extra-terrestre, voilà le vieux Verne devenu agent secret de Babiroussa, chef de la résistance cachée dans les îles anglo-normandes, chargé d’exfiltrer la révolutionnaire Louise Michel, condamnée aux travaux forcés sur la Lune. Et dans Voyage au centre du mystère (1995) de René Réouven, c’est en tant que victime d’un attentat perpétré par son neveu Gaston qu’il est fictionnalisé, l’enquête menée par l’inspecteur Jaume assisté par le fils de l’éditeur Hetzel et d’un jeune lycéen amateur de romans populaires faisant émerger d’insolites liens entre cet attentat, l’assassinat d’un préfet et les meurtres en série de demi-mondaines, révélant le truchement des dix commandements du Mal de Maldoror et le rôle de la terrible société secrète qui les applique.
Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin lorsque l’on considère l’inépuisable thésaurus des belles-lettres? On a déjà évoqué Jean de la Fontaine, sérialisé en détective par Philippe Collas22; ce qui ne l’empêchera pas, lui non plus, d’apparaître sous un jour moins glorieux quoique indirect dans Les Fables de sang (2009) d’Arnaud Delalande, puisque ce sont ses fables qui servent de mise en scène ritualisée à six horribles meurtres signés le Fabuliste et commis à Versailles, en 1774, au moment où Louis XVI et Marie-Antoinette vont être couronnés. Denis Diderot, pourtant en pleine rédaction de l’Encyclopédie, se laisse sérialiser par Hubert Prolongeau23. Et c’est aussi de force que le très-suffisant et très-parasite Voltaire doit résoudre le meurtre de la vieille baronne de Fontaine-Barteul qui l’hébergeait, empoisonnée, étouffée et égorgée, dans La baronne meurt à cinq heures (2011) de Frédéric Lenormand. Menacé d’embastillement par le lieutenant général Hérault, qui a bien d’autres soucis avec les nouvelles plaques des rues, le déménagement d’un cimetière, la gestion des prisons, la surveillance des Parisiens remuants, et entend contraindre le philosophe à faire pour lui le travail d’enquêteur, dirigeant ainsi sur lui la vindicte d’héritières hargneuses et de virulents flûtistes. Heureusement, il recevra l’aide de la jeune, brillante et enceinte Émilie du Châtelet, qui s’ennuie depuis le départ de son mari pour la guerre.
On mobilise aussi en dehors du domaine français, mais avec moins de fermeté que dans le roman policier en traduction24. Si Dante Alighieri est bien le détective en résidence de Giulio Léoni25, il n’est qu’indirectement convoqué par Le Piège de Dante (2006) d’Arnaud Delalande26. Parce qu’il est coutumier de la manœuvre27? –c’est à François Rivière qu’échoit de raconter l’enquête menée par le jeune Franz Kafka à Prague en 1919, recruté par un groupe d’anarchistes, sur la mort suspecte de son ami Raban, périlleuse mission au Château, alarmante rencontre avec Murnau, savant fou expressionniste; décrochage fictionnel redoublé par le fait qu’il s’agit là de la novélisation du film de Steven Soderbergh, initialement écrit par Lem Dobbs!
Enfin pourquoi s’arrêter en si bon chemin lorsque l’on considère l’inépuisable thésaurus de la philosophie, de la psychanalyse? Toutefois, là encore les romans policiers pour la jeunesse du géologue Martial Caroff, voire Madame Socrate (2000) de Gérald Messadié, semblent bien timorés comparés au succès du Nom de la Rose (1982 [1980]) d’Umberto Eco, à la sérialisation décomplexée d’Aristote par Margaret Anne Doody ou de Kant par Michael Gregorio. Sigmund Freud s’en sort mieux avec, face à la traduction du roman de Jed Rubenfeld (2007), le Manhattan Freud (2009) de Luc Bossi, première rencontre de la psychanalyse et de la culture américaine (son optimisme, sa police, son gigantisme urbain), thriller de la division (prémisses de sa compétition avec Jung), du double (double personnalité de Grace, sa séduisante patiente), de la dissimulation (un jumeau criminel caché derrière l’autre)…
Dans ce deuxième cercle, conscrits, romanciers, philosophes, psychanalystes, les auteurs étaient surtout des auteurs suspendus, en suspens d’écriture, écriture et enquête agissant comme deux activités exclusives l’une de l’autre. Préexistant dans la culture avant le démarrage de la fiction, attirant donc l’attention sur l’éventuelle dextérité de l’auteur à mobiliser, voire réinterpréter l’encyclopédie à leur sujet, encyclopédie commune à lui et son lecteur, force centrifuge donc, chaque fiction devait dans un plus fort mouvement centripète les intégrer à sa singularité, les y assujettir avec naturel. Le troisième cercle tend au contraire à éliminer la tentation centrifuge, plus on s’y rapproche du noyau: progressivement, c’est la fiction elle-même et non plus une encyclopédie préalable qui textualise la figure de l’auteur. Paradoxalement, elle en acquiert sur lui droit de vie et de mort.
Le roman policier recele bien des périls pour son romancier, même si son cruel destin ne constitue pas toujours la rection du récit. Ainsi, dans le roman choral Le Géant (1979) de Michel Lebrun, l’auteur semble peint dans un coin du tableau, en un syntagme fragmenté, cocu et ridicule mais grandi par son intention –c’est à la fin qu’explicitement, alors que le roman avait jusque là surtout élaboré la métaphore de l’immense paquebot pour parler de l’hypermarché, les bribes d’une métaphore secondaire, celle de la cathédrale, cristallisent et soudainement forment figure modélisatrice pour lui et son lecteur: ils comprennent que l’auteur raté, Gaston Basile, et celui du roman auront voulu réinventer la Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. Le premier n’ira toutefois pas au-delà des intentions puisque, dans l’apocalypse finale de l’hypermarché, le chariot élévateur fou piloté par Quasimodo l’embrochera avant qu’il ait pu concrétiser son épiphanie créative. Dans un roman plus linéaire comme Le crime était déjà écrit (2009) du poète Jean-Max Tixier28, l’importance narrative du romancier à succès Michel Ravel s’accroit, sans que son destin s’améliore. Crise d’inspiration et jalouse compétition avec un concurrent: il était mûr pour suivre la suggestion de Catherine, son épouse depuis 20 ans. Ex-gauchiste qui, dans sa jeunesse militante, elle avait eu l’imprudence d’intimement frayer avec Stefano, un mafieux, et avait conservé de la documentation sur le meurtre d’un homme d’affaires marseillais «connecté» qui devait de l’argent à Stefano. Le roman qu’elle incite Michel à tirer de cette histoire réveillera de vieux démons dont le romancier sera la première victime, sans que sa mort violente boucle le récit pour autant.
Le plus souvent toutefois, c’est justement le sort de l’auteur qui est promu en souci principal de l’acte de lecture. Dans le meilleur des cas, il mène le jeu, c’est lui le manipulateur, qui utilise son savoir professionnel à d’autres fins que la littérature. Comme assouvir une vengeance, ainsi que le fait Marie-Laure, la romancière de Maurice Périsset dans Les Maîtresses du jeu (1984) qui depuis l’accident qui l’a clouée dans un fauteuil roulant a de sinistres prémonitions. Malgré la conviction du policier enquêtant sur la mort de Félix retrouvé dans la vase, malgré le manuscrit décrivant sa fin, Marie-Laure sera sauve –sans pour autant qu’une telle maîtrise du jeu lui permette d’échapper à l’habituel final doux-amer de la fabula de la vengeance.
Le landerneau littéraire n’a jamais été régi par la compassion confraternelle. En fait, qui ne courrait aucun risque dans la série de Raphaël Majan, en cours, construite autour du commissaire Wallance (surnommé Liberty, ce qui suggère au lecteur cinéphile une question), homme de famille et de principes, flic-tueur enquêtant sur ses propres, sériels mais cryptiques forfaits, n’entendant pas à rire mais réjouissant de mauvaise foi? Pas le romancier du cinquième des titres de la série, L’Auteur de polars (2005), en tout cas. Sa hiérarchie un brin démagogue affuble le commissaire d’un accompagnateur dans son travail quotidien: Christopher Plouf, écrivain de romans policiers en quête de documentation. Lourdement condescendant avec le commissaire, pas fameux comme romancier (il fait dans le policier érotique et convoite le Revolver d’or de la littérature d’évasion), Plouf n’en saisira pas moins de près ce qu’est une victime et, complémentairement, ce qu’est un assassin, sans toutefois que son art puisse tirer avantage de cette compétence douloureusement acquise ni que le cynique lecteur ne commente «bien fait pour ton nez!».
Le narrateur se trouve gagner sa vie comme auteur; toutefois, l’aventure dans laquelle il est jeté advient de l’extérieur de la création littéraire, se substitue à elle, comme dans Lettre à mes tueurs (2004) de René Fregni où le romancier marseillais Pierre Chopin, au moment d’une panne d’inspiration, se trouve entrainé dans un sanglant engrenage. En lui remettant une cassette et un numéro de téléphone, Charlie, ami d’enfance et caïd blessé, poursuivi par la police et des truands concurrents, le désigne à la suspicion de l’une et à la vindicte des autres. Pour protéger sa petite fille de 11 ans, le romancier devra faire couler bien d’autre chose que de l’encre.
Rendant public ce qu’il écrit, comment s’étonner que l’écrivain se retrouve parfois en butte à une idéologie, qu’il devienne victime non plus de contingences mais d’un discours externe et de son éventuel bras armé? Dans L’Homme de la première phrase (2000) de Sala Guemriche, c’est notamment ce qui arrive à Youssef. Cet auteur algérien a eu l’idée insolite de bâtir son roman à partir des premières phrases de grands textes de la culture mondiale. Malchance, malentendu et malencontre, voilà ce que déclenche son envoi à des éditeurs parisiens. La disquette s’efface, ne conservant que la première phrase du manuscrit; un éditeur invite Youssef en France, mais plus par charité, pour lui permettre d’obtenir un visa, que par conviction éditoriale; entre Charybde et Scylla, entre l’Algérie et son FIS sanguinaire et la France des années 90, de Vigipirate et des contrôles au faciès, pour Youssef les choses semblent évoluer de mal en pis. Jusqu’à ce qu’il se trouve pris en tenaille entre l’extrême-droite de Préférence Nationale et la fatwa promulguée contre lui justement à cause de la première phrase de son livre: «Au commencement était le Verbe, et le Verbe s’est fait taire.»
Les chances d’une telle mésaventure sont tout aussi élevées si l’auteur se trouve face à une relation contractuelle avec le diable, comme Laurent Laugier le journaliste de Treize reste raide (1997) de René Merle à travers qui nous prenons connaissance de l’histoire, sollicité par Meiffret l’armateur pour travailler pour la boîte de communication qu’il veut fonder à Marseille. Son scepticisme méfiant a beau biaiser et finalement réussir à ne pas se laisser mettre le grappin dessus, Laurent a beau réussir à démêler les fils d’une affaire dont le nœud initial datait des années 30, il a beau conquérir la séduisante veuve de celui qui semblait l’ultime cause de ces embrouilles sanglantes, cruelle surprise, affect foudroyant, la chute a une soudaineté qui laisse la lecture doublement orpheline; le roman finit mais sans détente. Le premier accouplement des amants débouche sur cette ultime catastrophe:
Il ouvre les yeux et voit le silencieux braqué devant lui.
– Laure, vous plaisantez ou quoi?
Elle sourit dans un signe enfantin de dénégation.
– Laure, déconne pas, je voudrais être un héros récurrent.
– Laurent, c’est ça le vrai contrat.
Et elle appuie sur la détente. (René Mercle, 1997: 236).
Et les choses ne semblent guère s’améliorer pour l’auteur au fur et à mesure que l’on entre dans l’intimité de la chose littéraire. Nicolas, un écrivain français, et le manuscrit de son dernier roman viennent déstabiliser, effrayer puis fâcher Edward, son éditeur britannique qui a reconnu dans l’intrigue un crime commis trente ans plus tôt dans lequel lui, Edward, avait trempé, involontairement. Dès lors, ce Tiré à part (1994) de Jean-Jacques Fiechter29, n’aura de cesse de chercher à venger l’amitié trahie, de transformer l’auteur en victime de son éditeur. C’est toutefois une traduction, Les Voleurs de Manhattan (2012 [2010]) d’Adam Langer, association d’un auteur et d’un éditeur contre un autre auteur, que je recommanderais sur cette voie de l’inventive vengeance, des froides manipulations, des baroques confusions entre réalité et fiction et des retournements perfides de victimes en tourmenteurs.
Ferdinaud Céline (1997) de Pierre Siniac invente la place imaginairement paradigmatique du grand écrivain (dans la filiation de L.-F. Céline) occupée de plusieurs manières, toutes inadéquates: l’insécure quasi-SDF Jean-Rémi Dochin ne cesse pas de croire qu’il écrit vraiment trop mal (Voyage au bout de la nullité) alors que son cosignataire, l’obèse, cynique et machiavélique Charles Gastinel, s’est imposé à cette place par le meurtre et le chantage, pas par l’écriture. Le succès de librairie de La Java Brune, premier volume d’une trilogie sur l’Occupation doit non seulement au style de Dochin30, à la magouille de Gastinel mais aussi à l’opiniâtre volonté de Céline Ferdinaud, vieille dame de soixante-treize ans, ancienne libraire devenue patronne d’une auberge installée dans une ferme-château corrézienne spécialisée dans l’accueil des déclassés de la vie –qui non seulement a crié au génie à la lecture d’un manuscrit dont Dochin exècre la faiblesse, lui a offert gîte et couvert pour qu’il puisse vaquer sans souci à son œuvre, a dactylographié ledit, a invité Dochin dans son lit mais aussi tiré de son tarot l’indiscutable prédiction du succès du roman –d’ailleurs les quelques critiques défavorables ont de prématurées et tristes fins, «belle» mort, noyade, chauffard, chute sous le métro… Irréfragable, le statut de grand auteur lui-même se fait de plus en plus incertain, de plus en plus périlleux; ce n’est pas un mais deux manuscrits qui s’écrivent parallèlement; ce ne sont plus deux mais trois auteurs qui occuperont le trône de grand auteur, et aucun n’y survivra. Pauvre et naïf Dochin! Assommé par un rocher chu du massif des Monédières, plusieurs mois dans l’impossibilité de lire son propre livre, autoritairement remis au travail par Céline pour rédiger le second volume, Sous la cagoule, la rage, un autre best-seller, avant le morceau de résistance annoncé, Si les francisques pouvaient parler, le volume promettant toutes les divulgations –incidemment, un autre critique est précipité au bas de la passerelle des Suicidés au parc des Buttes-Chaumont… D’incompréhensions en révélations, les doubles fonds se multiplient. Illégitimement tricéphale, l’auteur n’en joue pas moins une authentique double fonction: grand écrivain et dénonciateur. La promesse de cette fin de trilogie qui dévoilerait les turpitudes d’ex-collabos encore en vie étend l’onde de choc du roman à l’appareil d’État dont de secrètes officines s’avéreront de plus retorses magouilleuses qu’un simple maître-chanteur, spécialistes qu’elles sont de la fiction désinformatrice.
Le genre dès lors fait face à un choix. Soit, accélérant son mouvement centripète, la fiction assujettit le réel de l’auteur représenté, elle se fait modélisatrice, elle préfigure le crime; l’auteur se retrouve tributaire, voire prisonnier de sa propre invention, comme dans Le crime était signé (1958) de Charles de Richter ou dans Je suis un roman noir (1974) d’ADG. Soit elle invente un trou noir, exorbité, qui engloutit aussi bien le réel (de l’auteur représenté) que la logique du genre policier, comme L’Affreux joujou (1985) du même Pierre Siniac. Lors d’une vague de froid, l’auteur héberge un clochard. Son histoire capte son hôte dans une chaîne, déterminée par un objet fantastique, l’antique appareil photo Schkemmer du clochard, dernier modèle d’une marque disparue. Objet doublement paradoxal car, d’une part, il passe d’un photographe dominé, marqué, à l’autre, comme dans un jeu de furet et, d’autre part, il enregistre sur la pellicule des photos à l’insu de l’opérateur, qui s’avèreront, pour chaque portrait d’un criminel (dont l’opérateur ignore qu’il est criminel), montrer celui de ses victimes. Exorbitation du romancier que le Schkemmer (et l’histoire du clochard) transforme en photographe; exorbitation du genre puisque la consolation de l’explication rationnelle, un must du roman policier, est refusée au lecteur.
Ne poussons pas au noir: l’auteur n’est certes pas le seul à risquer sa peau. C’est à ses risques et périls que le personnage du lecteur s’embarque dans le genre. Il y a bien la version optimiste, si l’on en croit Mortelles voyelles (2010) de Gilles Schlesser: des compétences oulipiennes en lecture ne peuvent que servir l’enquêteur confronté à un vieux tueur sériel, jamais identifié et aujourd’hui sauf puisque ses crimes sont prescrits. Par un concours de circonstances, le manuscrit du récit de ses forfaits, A noir, était arrivé entre les mains d’un journaliste amateur éclairé de jeux de mots et de figures de rhétorique (son nom l’y prédestinait, Oxymor Baulay), avait trouvé un éditeur, gagné le Goncourt sous la signature métathétique de Nemo Nay. Effet de cet inattendu et anonyme succès? Toujours est-il qu’après toutes ces années, le vieux tueur sériel semble reprendre du service et frapper très proche d’Oxymor. Il devient urgent de comprendre les messages cryptés dans A noir; la police patauge, aussi Oxy mobilise-t-il le flic en retraite que le tueur sériel avait tenu en échec plusieurs décennies plus tôt, l’association Loup poli (Greimas, ses fils et leurs logiciels d’analyse textuelle), voire les saillies de l’insupportable neveu de Louise, sa maîtresse –et découvre le caractère structurant du sonnet des Voyelles de Rimbaud sur A noir mais aussi sur les crimes qu’il rapportait.
Le genre s’avère généralement moins bénin que ça pour le lecteur représenté. Dans Posthume (1987) de Michel Quint, Beppe, qui détenait un inédit de Cesare Pavese impliquant la Maffia napolitaine, a été assassiné; Gabriel, son ami, voudrait récupérer le manuscrit, tout en en tentant d’appliquer à son enquête et à sa sécurité la leçon du célèbre vers de Pavese «La mort viendra et elle aura tes yeux»31, surtout après avoir rencontré la séduisante Tina. Et que dire du lecteur de mémoires, surtout s’ils sont frelatés? Le Mascaret (1977) de Jean-François Coatmeur illustre que ce lecteur doit lui aussi prendre garde. C’est pour avoir lu ceux, best-sellers, du Dr Roberto Ramirez, un héroïque opposant basque à la dictature franquiste, que Chantal a abandonné son mari, a voulu se joindre à la clandestinité; mal lui en a pris: capturée, elle croupit maintenant à perpétuité dans une geôle espagnole. Christian, son mari, voudrait se venger de Ramirez, de son livre séducteur, du double vol de sa femme; mais il y a sa lâcheté. Et qu’en est-il de l’adéquation de Ramirez, symbole d’une cause, à la vérité? Sans compter que les intentions de l’auteur lui-même peuvent ne pas être dépourvues de perfidie à l’endroit de ses lecteurs, ou au moins de certains d’entre eux, comme dans Passe-temps pour les âmes ignobles (2002) de Louis Sanders. Chacun pour son compte, quatre Anglais résidant en Dordogne découvrent dans un roman distribué dans une librairie locale qu’un auteur inconnu d’eux dévoile en les transposant à peine leurs turpitudes passées. Mais qui est donc l’auteur? Les choses ne pourront qu’empirer à partir du moment où le soupçon se fera jour que l’un d’eux pourrait être ce dénonciateur.
Outre le lecteur, l’éditeur aussi risque sa peau, fût-il Georges, «l’éditeur le plus éclairé en matière de roman policier» (Louis Sanders, 2002: 32), connu pour ses lettres de refus assassines («Cher Monsieur, Le papier est cher, ne grevez pas votre budget en achetant toutes ces feuilles immaculées que vous sacrifiez si aisément à l’appétit détestable de votre machine à écrire, ayez pitié, laissez-les BLANCHES.», Louis Sanders, 2002: 33), lorsqu’il tombe dans un typique roman de suspense, à la Boileau-Narcejac, roman de la victime qui ne réussira jamais à sortir du cauchemar dans lequel elle est engluée. C’est ce qui arrive dans Le Nuisible (1982) de Serge Brussolo. Georges ne survivra ni à un penchant suicidaire ni à la page 163. Focalisée par lui, la narration enferme le lecteur dans son intimité, sa fragilité psychique, certes, mais aussi celle de la lecture d’un manuscrit qui lui raconte la trajectoire de la folie mortifère de Jeanne, sa première femme, morte suicidée cinq ans plus tôt. Cette lecture réveille un envahissant sentiment de culpabilité et fait revivre les personnages qui hantaient la folie de l’épouse morte. Distillé comme un sinistre feuilleton, ce manuscrit persécuteur l’amène en outre à croire qu’en écrivant la suite manquante, il interviendra sur le destin de sa femme actuelle, Nicole, et de Laurent, l’ami d’enfance qu’il jalouse depuis toujours, un homme à femmes qui est aussi son médecin –que justement le manuscrit dénonce comme amant de Nicole. Et effectivement, deux suites au manuscrit de la plume de Georges, des scénarios sadiques victimisant Nicole et Laurent, se réalisent, à sa stupéfaction méchante mais inquiète. Après le suicide de l’éditeur devenu auteur-sorcier, les vingt dernières pages, focalisés désormais par Laurent, révèlent les ressorts de la machination que lui et Nicole avaient montée pour se débarrasser du crédule Georges.
Cela dit, il faut bien se rendre à l’évidence: il y a quelque chose de corrosif à vouloir fictionnaliser la mort violente, qui, par ses représentations, non seulement déborde du côté de la vie littéraire mais fait courir des risques aux auteurs. En fait, vous avez failli ne jamais lire cet article, et moi failli ne jamais l’écrire, lorsque j’ai pris conscience que la représentation de l’auteur du roman est relativement peu fréquente dans le genre. Ce qui m’a porté à l’écrire, c’est ma prise de conscience de cette conscription par la fiction policière d’une avalanche d’auteurs tirés de la culture légitime, littéraire, philosophique, survenue dans ces dernières années. On peut y voir l’indice sociologique d’un genre qui se décomplexe en matière de légitimité32, son succès commercial lui permettant de puiser sans vergogne pour alimenter ses fictions dans l’immense magasin de la culture littéraire. On peut aussi la comprendre comme l’une des stratégies d’un genre prétendant prémunir ses auteurs contre le risque de corrosion inhérent à cette thématisation de la mort violente. Après son recours à la sérialisation, pour s’assurer que le héros survivrait à l’histoire, ce qui est le plus immédiatement bénéfique aux héros-signataires, cumulant en outre souvent le statut de narrateur, comme San-Antonio, la grande conscription, c’est s’assurer que, grâce aux balises de l’encyclopédie, les auteurs devenus détectives survivront à l’histoire. La menace n’en subsiste pas moins pour tous les autres, moins consacrés. Les uns, occasionnellement et par saine méfiance, ne sachant d’où viendra le coup, désamorcent prudemment tel jeu intertextuel, prennent quelque distance par rapport à l’héritage littéraire: à l’usage, les titres Loubard et Pécuchet (1982) de Michel Lebrun et La Bête et la Belle (1985) de Thierry Jonquet visent à décevoir; ils s’avèrent moins des clés intertextuelles d’interprétance que de plus banals points de départ33. Les autres, bien plus nombreux, se réfugient dans la dénégation et préfèrent ne pas évoquer la menace de mort suspendue sur la tête de l’auteur; pour ne pas défier le mauvais œil?
1. Alias Willard Huntingdon Wright, lui-même auteur de 12 romans entre 1926 et 1939 mettant en scène un détective récurrent, Philo Vance.
2. Fondé par Anthony B. Cox et comprenant comme membres Agatha Christie, la baronne Emmuszka Orczy, Dorothy L. Sayers, G. K. Chesterton, Freeman Wills Croft, John Rhode… Knox, initiateur des études holmésiennes dès 1912, était un prêtre anglican converti au catholicisme en 1918, membre de la Military Intelligence durant la Première Guerre mondiale.
3. Ingénieux spécialiste du whodunit de crime impossible, Américain vivant en Grande-Bretagne et même premier membre non-britannique du Detection Club.
4. : «À ces notes, je crois bon d’ajouter que Constable n’a pas été la victime d’un engin fonctionnant en l’absence du meurtrier. La présence du criminel était nécessaire. Le lecteur est prévenu. J. S.» (John Dickson Carr, 1939: 674). «À la lecture de ces notes, je suis frappé du nombre d’individus pouvant être taxés de complicité. Je tiens, dans l’intérêt du chercheur, à déclarer ici qu’en cette affaire le meurtrier agit seul. Nul ne connaît son plan, ni ne lui donne une aide matérielle. Le lecteur est prévenu. J. S.» (John Dickson Carr, 1939: 725)…
5. Olivier Séchan est le père du chanteur Renaud. Vous qui n’avez jamais été tués a été lauréat du grand prix du Roman d’aventures.
6. Maurice Teissier et Marcel Rémy.
7. Alias Lionelle Nugon-Baudon, qui a été directrice d’un laboratoire de toxicologie alimentaire.
8. Les seuls connus en français sont les tardives traductions de trois des Dennis Wheatley chez Ramsay au début des années 1980.
9. En fait, Michel Marly était le pseudonyme de Georges Reymond.
10. Pour éviter d’encore mentionner le bien plus connu San-Antonio.
11. Ce roman a valu à Poslaniec le Prix du festival de Cognac cette année-là.
12. Déclenchée par son roman L’Épingle du jeu (1960), dont le thème très critique à l’endroit d’un collège jésuite de Bordeaux durant la guerre avait suscité l’ire d’André Billy et François Mauriac.
13. Tirées de Mort à crédit, mais aussi de fragments retrouvés parus dans L’Année Céline 1994.
14. Fondateur des Éditions libertaires, il y a publié quatre courts romans formant série, tous portant «Meurtres exquis» dans leur titre.
15. Auteur des Égorgeurs (1961), cri indigné qu’il avait poussé à la fin de son service militaire en Algérie, cri paru aux éditions de Minuit mais aussitôt interdit par la censure.
16. Roman à clé mais pas très sibyllin puisque, pour les lecteurs initiés, non seulement les pseudonymes sont-ils transparents mais que les personnages réels y figurent aussi par des caricatures de Jean-Charles Vincent.
17. Plusieurs fois réédité (NéO, Librairie des Champs-Elysées), il a aussi été adapté en BD par André Benn (1987).
18. Alias Pierre Gamarra, qui deviendra rédacteur de la revue Europe l’année suivante.
19. Élyane Dezon-Jones est en effet Associate professor of French à la Washington U. de St. Louis au Missouri et a étudié Proust et les autres.
20. Pour un aperçu plus global, cf. Norbert Spehner (2005).
21. Les Chemins de la lune (2000), Le Voleur d’âmes (2000) et Les Anges de cire (2003).
22. Le Château de l’Araignée (2004), Les Enfants de Dieu (2005) et L’Ogre de Paris (2007).
23. L’Œil de Diderot (1998), La Nièce de Rameau (1999) et Le Cauchemar de d’Alembert (1999).
24. Lewis Carroll a été conscrit par Fredric Brown, puis Jasper Fforde; Ambrose Bierce par Oakley M. Hall, Jane Austen par Karen Joy Fowler, Machiavel par Raphaël Cardetti, Jorge Luis Borges par le Brésilien Luis Fernandes Verissimo. D’autres vont plus loin et sérialisent les auteurs, comme Stephanie Barron le fait avec Jane Austen, comme Walter Satterthwait et Gyles Brandeth chacun de leur côté le font avec Oscar Wilde, comme l’Allemand Kay Meyer le fait avec les frères Grimm.
25. La Conjuration du troisième ciel (2006), La Conspiration des miroirs (2007) et La Croisade des ténèbres (2009).
26. Même si l’affaire se passe à Venise au siècle de Casanova (l’aventurier séducteur Pietro Viravolta dit l’Orchidée Noire, est libéré pour mettre à jour la secte commettant des supplices similaires à ceux de L’Enfer destinés à faire apparaître Satan), le thème est proche de celui du Cercle de Dante (2004) de Matthew Pearl: à Boston en 1865, Henry W. Longfellow, Oliver Wendell Holmes, James Russel Lowell et l’éditeur J. T. Fields, érudits du Club de Dante en pleine traduction de La Divine Comédie, doivent enquêter pour se laver de tout soupçon quant aux meurtres commis sur ce modèle des supplices dantesques.
27. Qu’il appliquera notamment à la littérature et au film fantastiques avec sa trilogie «Blasphème» (1997-2002).
28. Venu au roman policier après avoir été le nègre du commissaire Georges N’Gyen Van Loc pour la rédaction de ses souvenirs.
29. Historien suisse, lauréat du Grand prix de la littérature policière et du Prix d’histoire générale de l’Académie française cette même année; son roman a été adapté à l’écran par Bernard Rapp en 1996.
30. Astucieusement, Siniac réserve ses (très crédibles) pastiches de Céline à l’enthousiaste flux de conscience de Gastinel, encore en posture d’éditeur à ce moment-là, à la lecture du manuscrit de Dochin.
31. Premier du poème retrouvé à son chevet après son suicide, «Verrà la morte e avrà i tuoi occhi.»
32. Pour la situation française, dans doute depuis que son institutionnalisation générique a échappé au sérail, aux seuls éditeurs de collections spécialisées, a institué associations (comme 813) et festivals où se rencontrent auteurs et aficionados (Reims, à partir de 1979, puis Grenoble à partir de 1986…), a fondé la BiLiPo (1984) –dédiée au policier et à l’espionnage, dépositaire du Dépôt légal de ces seuls genres, conservatrice de fonds (bibliothèque de Régis Messac, correspondance de Marcel Duhamel, affiches…)
33. Mais il s’agit là d’un tout autre dossier, qui sera ouvert ailleurs.
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