Au premier mouvement centré sur l’existence exubérante (une pure dépense bataillienne) de cette sous-culture future de la violence juvénile s’oppose l’autre pan de la réflexion burgessienne qui inverse les coordonnées de la panique morale mise en scène initialement. Trahi par sa bande qui trouve son élitisme insupportable, Alex se fait enfin arrêter par la police pour le meurtre de la Femme aux Chats (hommage parodique à la scène de Crime et Châtiment). Ce deuxième mouvement nous montre le revers de la médaille, la violence institutionnelle exercée sur ces jeunes voyous. C’est alors qu’est introduit le thème central du roman, auquel renvoie le titre énigmatique (tiré d’une expression cockney -«as queer as a clockwork orange»- qui intriguait l’auteur): la répression de l’âge disciplinaire qui serait bientôt analysé par M. Foucault cède le pas à un nouveau dispositif de pouvoir, qui est celui du reconditionnement conductiviste. «Le Gouvernement ne peut plus se contenter de méthodes pénitentiaires entièrement démodées», explique le Ministre de l’Intérieur en visite, «Nous avons les moyens de traiter [les criminels] avec le maximum d’efficacité, sur une base purement thérapeutique. Le tout est de tuer le réflexe criminel» (163).
Le cauchemar de la violence juvénile devient dès lors le cauchemar de la déshumanisation terminale, autre panique profonde des intellectuels du temps et la caricature hyperbolique prend maintenant comme cible le behaviourisme radical de l’école de B. F. Skinner (dans le courant du célèbre débat qui l’avait opposé à Noam Chomsky en 1959), lui-même auteur d’une utopie science-fictionnelle, Walden Two (1949) qui illustrait ses théories sur la future société de contrôle. De fait le livre lui-même devient un reflet de sa thématique:
As the book was about brainwashing, it was appropriate that the text itself should be a brainwashing device. The reader would be brainwashed into learning minimal Russian. The novel was to be an exercise in linguistic programming, with the exoticisms gradually clarified by context: I would resist to the limit any publisher’s demand that a glossary be provided. A glossary would disrupt the programming and nullify the brainwashing. (1990, 38)
La parodie de la célèbre Boîte â Skinner dans le Traitement Ludovico (écho ironique du vieux Ludwig van) qui vise à éliminer scientifiquement toutes les pulsions violentes et sexuelles du psychisme de «Votre Humble Narrateur et Martyr» inscrit les théories et pratiques du behaviorisme radical dans la panique médiatique du «lavage de cerveaux». Avancé par le journaliste Edward Hunter, (qui était en fait agent de propagande de la CIA spécialisé dans la «guerre psychologique») dans un article intitulé ‘”Brain-Washing” Tactics Force Chinese into Ranks of Communist Party» (The Miami News, 7 oct 1950), le terme avait provoqué un alluvion d’ouvrages sur le sujet et était devenu un des leit-motiv de la paranoïa anti-communiste de la Guerre Froide. Un an avant la parution du roman de Burgess deux des principaux «spécialistes» sur le sujet publiaient Coercive Persuasion (E. Schein) et Thought Reform and the Psychology of Totalism (R. Jay Lifton). Ironiquement cette crainte servit surtout à légitimer les expériences de la Division d’Intelligence Scientifique de la CIA elle-même sur le contrôle mental (ou ingénierie comportementale –«behavioral engineering») dans le programme secret Project MKULTRA, entamé en 1953, officiellement arrêté en 1973 et devenu par la suite célèbre dans toutes les théories conspiranoïaques. Un best-seller avait transformé le sujet en un classique de la parano-fiction post-maccarthyste, The Manchurian Candidate (1959) de Richard Condon (adapté au cinéma par J. Frankenheimer l’année de L’Orange mécanique).
Là-dessus les lumières se sont éteintes, et voilà Votre Humble Narrateur et Ami assis tout seul dans le noir, soli solo avec sa trouille, incapable de remuer ou de fermer les glazes ou rien (…). J’ai bien été forcé de relucher un film raide dégueulasse sur la torture japonaise. C’était la guerre de 1939-1945 et on voyait des soldats en train de se faire clouer à des arbres et ensuite de se faire allumer des feux dessous et couper les yarbilles, même qu’on en reluchait un à qui on tranchait le gulliver avec un sabre et, tandis que la tête roulait par terre eavec la rote et les glazes qui avaient l’air encore en vie, le plott de ce soldat se mettait à cavaler, tel que je vous le dis, en pissant le krovvi par le cou comme une fontaine, et ensuite il s’étalait et tout ce temps les Japonais rigolaient tout ce qu’ils savaient. (185-6)
L’utilisation de ces films pour «reprogrammer» le cerveau d’Alex (qui deviendront une parfaite mise-en-abyme dans le film de Kubrick, où nous sommes nous même obligés de regarder Alex regarder «l’horreur… l’horreur») coïndice, symptomatiquement, avec le succès planétaire des premiers «films d’atrocité» (Mondo Cane est de 1962). Le spectre d’une violence d’État se greffe à plusieurs des scènes de la vieille ultraviolence que Alex est obligé à ingurgiter:
Pour ce qui est d’être authentique, ça l’était, tout ce qu’il y a de plus, n’empêche que si on y pensait sérieusement on arrivait mal à imaginer qu’il y avait des lioudis réellement capables d’accepter qu’on leur fasse un pareil cinéma dans un film, et si c’étaient les Gens Bien ou l’Etat qui les fabriquaient, ces films, on avait de la peine à se figurer qu’on leur laisse tourner des trucs pareils. (183)
Symptomatiquement, le succès du «traitement» est confirmé par une scène qui reprend l’image centrale qui avait animé Orwell lors de la création de sa célèbre dystopie 1984 («Si tu veux une image du futur», dit O’Brien à Winston, «imagine une botte piétinant un visage humain –pour toujours», 215):
Est-ce que je peux vous nettoyer les chaussures? Tenez, je vais me mettre à genoux et les lécher». Et, mes frères, libre à vous de me croire ou de m’embrasser les charrières, je me suis mis à genoux et j’ai sorti une yachzick rouge d’un kilomètre et demi de long pour lui lécher ses pomps grassoues et vonneuses. Mais tout ce qu’a fait le veck, ç’a été de me shooter pas trop raide dans la rote.» (220)
La pacification du anti-héros est devenue une scène grotesque d’abjection et de pure soumission au pouvoir, qui plus est parodie sinistre du message évangélique («si ce veck était resté je lui aurais peut-être même plus ou moins tendu l’autre joue», 213). Cette attaque contre une des idéologies dominantes de la technocratie d’après-guerre se teinte, chez le Catholique apostate qu’est Burgess de connotations métaphysiques.
I finally decided to be prophetic, positing a near future – 1970, say – in which youthful aggression reached so frightful a pitch that the government would try to burn it out with Pavlovian techniques of negative reinforcement. I saw the novel would have to have a metaphysical or theological base – youthful free will having the choice of good and evil although generally choosing evil; the artificial extirpation of free will through scientific conditioning; the question as to whether this might not, in theological terms, be a greater evil than the free choice of evil. (1990, 26-27)
Remontant au débat fondateur qui avait opposé saint Augustin au pélagianisme Burgess pousse donc le paradoxe du libre arbitre jusqu’à son extrême limite. L’horreur hyperbolique qu’incarne ce nouveau Barbare qu’est Alex serait, de fait, préférable, en ce qu’elle relève encore du choix, et donc de l’humanité, que la bonté préprogrammée grâce au «conditionnement opérant». Comme le souligne R. Safranski dans l’incipit de son étude sur Le Mal ou le théâtre de la liberté (2002), «le mal fait partie du drame de la liberté humaine. Il est le prix de la liberté (…), le nom de la menace qui pèse sur la conscience libre et que cette dernière peut mettre à exécution (…) [faisant] le choix de la cruauté de la destruction pour la destruction. Les raisons de ce choix tiennent à l’abîme qui s’ouvre à l’intérieur de l’homme»1. C’est bel et bien la vision burgessienne: «Brought up as a Catholic (and the book is more Catholic and Judaic than Protestant), I naturally considered that humanity is defined by its capacity for St Augustine’s liberum arbitrium, and that moral choice cannot exist without a moral polarity” (1990, 61). Idée présentée à l’intérieur du roman par la figure cruciale du Chapelain de Prison, «Le bien vient de l’intérieur, 6655321 [chiffre auquel est réduit Alex, déshumanisé]. Le bien est un choix. Tout homme incapable de choisir cesse d’être un homme» (148).
Le Traitement Ludovico devient alors une deuxième Chute pire encore que celle qui a rendu l’Homme une créature congénitalement fêlée. Normalisé, châtré et agressivement pacifié, Alex n’est plus réellement un homme. Conditionné au Bien il ne pourra jamais se racheter, choisir de lui-même la conversion. Il reste donc en dehors de la possibilité du Salut.
Peut-être n’est-il pas si bon que ça d’être bon, mon petit 6655321. IL se peut que ce soit affreux, même (…) Que veut Dieu? Le Bien? Ou que l’on choisisse le Bien? L’homme qui choisit le Mal est-il peut-être, en un sens, meilleur que celui à qui on impose le Bien? Questions ardues et qui vont loin (…). Tu vas entrer dans un domaine où tu échapperas complètement au pouvoir de la prière. Et c’est là chose effroyable, oui effroyable quand on y pense» (169).
Jusque là la fausse repentance de ce «Candide perverti» doublé d’un certain satanisme miltonien («to do aught good never will be our task, But ever to do ill our sole delight») et du legs des libertins sadiens, apologues de la suprême jouissance dans la suprême destruction, ne pouvait être que du domaine de la tartufferie. D’où la lecture perverse de la Bible que fait Alex, reprise ironique par l’auteur implicite de la topique des critiques voltairiennes et libertines face à l’immoralisme profond du Livre sacré: «les histoires de tous ces viokchos yahoudis qui se toltchockaient entre eux et après drinkaient leur vino hébreu et grimapeitn au lit avec les plus ou moins femmes de chamre de leur regulière, vraiment tzarrible. Ça me maintenait en forme, frères. Je kopatais moins la dernière partie du livre, qui fait plus penser à du govoritt genre prêchi-prêcha qu’à de la bagarre et au vieux dedans-dehors des familles» (141). Il en arrive à l’identification ultime avec les déicides, emblème chrétien du Mal radical: «j’ai lu toute l’histoire de la flagellation et du couronnement d’épines (…) j’ai fermé fort les glazes et je me suis reluché donnant un coup de main et même me chargeant de la toltchocke et du cloutage, vêtu d’un truc genre toge à la super, plus énième mode romaine» (142). Cette parodie de conversion, que Kubrick et McDowell pousseront jusqu’au farcesque, va être transformée par le conditionnement en véritable empoisonnement: on retrouve là l’opposition nietzschéenne entre l’exubérance du paganisme amoraliste et l’univers maladif de la culpabilité chrétienne (contraste lui aussi renforcé dans l’adaptation filmique). Ainsi, lorsqu’Alex relit la Bible essayant d’y retrouver son ancienne excitation, «tout ce que j’ai trouvé c’était des histoires de bras justicier frappant 70 fois 7 fois et de tas de juifs se maudissant et se toltchockant entre eux, et ça aussi m’a donné envie de vomir». «J’en ai ras le bol, voilà ce qu’il y a. J’en ai marre de la vie» conclut-il devant le cristallographe qu’il avait toltchocké par le passé et qui maintenant va le toltchocker à son tour avec sa cohorte grotesque de viokchos. Ainsi nulle conversion véritable n’est possible dans ce «royaume des Mécreants» (titre du roman que Burgess consacrera en 1985 à l’émergence du christianisme dans le monde corrompu de la Décadence romaine, insistant précisément sur la conversio paulinienne).
Le troisième mouvement de cette fable cruelle va nous montrer le résultat catastrophique de cette normalisation qui condamne l’ancien maltchickicaïd à l’inadaptation radicale envers une société qui est en fin de compte encore plus amorale et brutale qu’il ne l’était, lui. Désormais libre, mais inoffensif, Alex devient la proie systématique de ses anciennes victimes en une sorte d’allégorie baroque (le picaresque fut historiquement une vision dégradée de l’allégorisme) qui rend foncièrement problématique la «revanche de la Vertu» sur l’ancien criminel. Les vieux qu’il avait tolchoqué le tolchoquent à leur tour avec hargne, ses anciens drougs sont devenus des miliciens exerçant leur sadisme inchangé au service de la violence étatique, l’Écrivain dont il a violé la femme (qui en est morte, en un clair écho du traumatisme auctoriel) et qui prétend l’aider par un geste suprême de pardon christique ne fait que le torturer plus subtilement afin de manipuler politiquement son suicide (Burgess, conservateur sans complexes, fait ici et ailleurs dans le livre la satire du socialisme anglais qu’il voyait comme une sournoise route vers la catastrophe).
Par un jeu de mise en abyme déjà postmoderne, l’œuvre écrite par la figure emblématique de l’Écrivain –F. Alexander- a le même titre que l’œuvre narrée par son ancien tortionnaire et présente victime (et qui en est, tout autant que Burgess lui-même, une sorte de double: «bon sang de Gogre, j’ai pensé, encore un Alex», 275). Ironiquement les thèses de ce roman en abyme sont celles-là même de l’ouvrage de Burgess: «Cette volonté d’imposer à l’homme, créature d’évolution et susceptible d’exquise douceur, susceptible, au dernier round, de téter la succulence aux lèvres barbues de Dieu, la volonté d’imposer, dis-je, les lois et conditions propres à une création mécanique, c’est là chose contre quoi je lève le glaive de ma plume» (43). L’ironie d’une prose pontificatrice aux antipodes du style de «Votre Humble Narrateur» est renforcée par la lecture que ce dernier en fait:
C’était écrit dans un style genre tout ce qu’il y a de bézoumni, plein de ‘Ah’ et de ‘Oh’ et autre gouspin, mais ce qui semblait en ressortir c’était que de nos jours on changeait tous les lioudis en machines alors qu’en réalité tous –vous et moi et lui et mes charrières à baiser- on réssomblait plutôt à des produits naturels genre fruits (…). Je n’aimais pas du tout le choum de ça, O mes frères, et je me suis demandé jusqu’à quel point exactement ce F. Alexander n’était pas bézoumni, réduit peut-être à ça par le fait que sa femme avait lâché la rampe. (276-277)
Enfin le Ministre, soucieux de l’opinion publique qui le maintiendra à sa place, lui offre un pacte véreux pour regagner de la crédibilité après «l’affaire Alex» («un jeune garçon victime de la réforme criminelle»), parachevant la boucle de la satire sociale, dans la pure tradition du contemptus mundi picaresque. Celui-ci est d’ailleurs présenté dans le «désenchantement» final du picaro, selon la poétique classique du Desengaño: «toutes sortes de trucs genre images me passaient sans arrêt par le gulliver, de toutes les tchellovecks que j’avais connus à l’école et à la Prita, et de toutes les vesches qui m’étaient arrivées, et de la façon dont il n’y avait pas un veck à qui se fier, dans tout ce monde bolchoï» (289).
Comme pour le picaro, l’apprentissage dans le mal se conclut non par une épiphanie fondatrice (comme ce sera le cas pour le Bildungsroman Romantique), mais par un constat désillusionné, adaptation du anti-héros à un monde imparfait. C’est alors que Alex, comme le Lazarillo de Tormes, peut enfin devenir le narrateur de sa propre histoire, destinée à l’”hypocrite lecteur, son semblable, son frère”… Choyé par le gouvernement (comme le Lazarillo de Tormes l’est finalement par l’archiprêtre de San Salvador) tandis que, sans doute sous les effets de son plongeon suicidaire, les effets du conditionnement se dissipent, Alex peut, au son de la Neuvième du «vieux Ludwig van» enfin récupéré, retrouver ses chers fantasmes d’ultraviolence. Enfin devenu entièrement caligulesque, il rêve, comme l’empereur qui souhaitait que le peuple romain n’eût qu’une seule tête, pour pouvoir la trancher d’un seul coup (Sénéque, De la colère, 3, 19) qu’il ravage le visage du monde: «je taille talladais à grands coups de mon britva coupe-chou dans tout le litso du monde, qui critchait» (308). Il était guéri all right.
C’est là que s’arrêtera l’édition américaine du roman, ainsi que la version cinématographique de Kubrick, contre la volonté même de l’auteur qui, dans l’édition britannique originale avait ajouté un 21e chapitre où Alex, après une tentative de recomposer une banda, se désintéressait de son propre gré de la vieille ultraviolence et songeait, à l’exemple d’un de ces vieux drougs, à fonder une famille et tirer une croix sur sa jeunesse. Contrastant par son optimisme avec le restant du livre, cette fin divise encore la critique, qui souvent lui préfère le nihilisme ironique d’un Alex triomphant tel qu’en lui-même, incapable de progression ni de véritable rachat, l’Homme criminel (au sens lombrosien) et Méchant Sauvage des nouveaux temps qui aura survécu inchangé aux tentatives de conditionnement social…
I had structured the work with some care. It was divided into three sections of seven chapters each, the total figure being, in traditional arithmology, the symbol of human maturity. My young narrator, the music loving thug Alex, ends the story by growing up and renouncing violence as a childish toy. This was the subject of the final chapter, and made the work a genuine if brief novel. But Swenson wanted only the reversible artificial change imposed by state conditioning. He wished Alex to be a figure in a fable, not a novel. Alex ends chapter 20 saying: ‘I was cured all right,’ and he resumes joy in evil. The American and European editions of my novel are thus essentially different. The tough tradition of American popular fiction ousted what was termed British blandness. (1990, 60)
Ironiquement, alors que la presse britannique est avant tout choquée, Time proclame l’intérêt de ce «roman philosophique» dans un article qui fait l’amalgame entre Alex et la figure médiatique des délinquants beatniks2:
It may look like a nasty little shocker, but Burgess has written a rare thing in English letters – a philosophical novel. The point may be overlooked because the hero tells all in nadsat which serves to put him where he belongs – half in and half out of the human race. The pilgrim’s progress of a beatnik Stavogrin is a serious and successful moral essay. Burgess argues quite simply that Alex is more of a man as an evil man than as a good zombie. the clockwork of a mechanical society can never counterfeit the organic vitality of moral choice. goodness is nothing if evil is not accepted as a possibility.. («The Ultimate Beatnik», 15 fév 1964)
Le débat sur la représentation de la violence et son éventuel pouvoir mimétique (en une sorte de cercle vicieux de la Mimesis) polarise la réception de l’oeuvre et torture l’auteur lui-même, pris au jeu de sa création, dès l’origine hantée par une certaine culpabilité (prendre la voix des agresseurs pour exorciser le trauma de la victime):
I saw the book might be dangerous because it presented good, or at least harmlessness, as remote and abstract, something for the adult future of my hero, while depicting violence as joyful dithyrambs. But violence had to be shown. If I had begun my story with Alex in the dock, condemned for crimes generalised into judicial rhetoric, even the gentlest spinster reader would rightly have complained about evasion. Fiction deals with the concrete and the particular, even in Henry James, and the sin of showing juvenile brutality was, for me, behovely. But I was sickened by my own excitement at setting it down, and I saw that Auden was right in saying that the novelist must be filthy with the filthy. (…) Literature, even the kind celebrated at a literary luncheon, was an aspect of the fallen world and one of its tasks was to clarify the nature of the fall. (1990; 60-61)
En ce qui concerne le mimétisme éventuel, topos des paniques morales qui entourent la fiction dès ses origines, Burgess brise lui oppose la théorie artistolécienne de la catharsis:
Thoughtful readers of novels with criminal, or merely sinful protagonists achieved catharsis through horror, setting themselves at a distance from their own sinful inheritance. As for thoughtless readers, there was no doing anything with them. With the demented literature could prime acts of evil, but that was not the fault of literature. the Bible had inspired a New York killer to sacrifice children to a satanic Jehovah; the murderer Haigh, who drank the blood of the women he slaughtered, was obsessed with the Eucharist. (1990; 61.)
À SUIVRE: Mécaniques citriques (3): de l’adaptation à l’exorcisation.
1. R. Safranski, 2002, 7-8.
2. En ce qui concerne la panique beatnik retrouvez dans pop-en-stock mon article Requiem pour la Beat Generation
Anthony Burgess, L’Orange mécanique, Paris, Laffont, 1972.
The Clockwork Testament, Hart-Davis, MacGibbon Publishers, 1974.
You’ve Had Your Time, Heinemann, 1990.
S. Y. McDougal, Stanley Kubrick’s A Clockwork Orange, Cambridge Film Handbooks, 2003.
G. Orwell, Nineteen Eighty-Four, Critical Introduction and Annotations by Bernard Crick, Oxford, Clarendon Press, 1984.
R. Safranski, Le Mal ou le théâtre de la liberté, Biblio Essais, 2002.
T. Wolfe, “Pause, Now, and Consider Some Tentative Conclusions About the Meaning of This Mass Perversion Called Porno-Violence: What It Is and Where It Came from and Who Put the Hair on the Walls”, Esquire, 1967, n. 68.
Leiva, Antonio (2013). « Mécaniques citriques (2) ». Pop-en-stock, URL : [https://popenstock.uqam.ca/articles/mecaniques-citriques-2-de-la-deshumanisation-a-la-dereliction-metaphysique], consulté le 2024-12-21.