«All the clouds turn to words /All the words float in sequence /No one knows what they mean» 1
De nombreux ouvrages reviennent sur ce jour de 1959 où, rue Gît-le-Cœur à Paris, le poète Brion Gysin taillait dans «des colonnes d’articles coupés en deux tout à fait au hasard» et présenta ensuite à William Burroughs les «surprenantes associations verbales»2 qu’il avait ainsi obtenu.Ce jour, précisément, naquit le cut-up.
William Burroughs (1914 – 1997), écrivain, essayiste et personnage dorénavant iconique de la Beat Generation avec Allen Ginsberg et Jack Kerouac, en fera non seulement une technique littéraire d’envergure, mais le sujet d’une réflexion artistique puissante.
Le cut-up comme le note fort justement Benoît Delaune dans sa thèse, s’inscrit dès son apparition «dans un ensemble de pratiques qui posent le problème du rapprochement entre arts plastiques et littérature»3, et ce pour des raisons d’abord matérielles. Le plasticien peut découper des matériaux d’origines diverses et les coller sur un support, qu’il s’agisse de papier ou de carton (comme ont pu le faire Marx Ernst ou le peintre catalan Antoni Tapiès), de publicités ou d’annonces taillées dans la presse (comme l’a fait l’allemand Kurt Schwitters)… Les possibilités sont nombreuses et aboutissent à l’introduction d’éléments rapportés, «des objets comme de vrais clous ou du bois» par les cubistes Braque ou Juan Gris et Picasso dans le but affiché de faire «exploser le cadre de la toile»4, ou des dessins ou fragments des uns ou des autres. William Burroughs, comme Brion Gysin l’a fait ce jour de 1959, et, bien avant lui, T. S. Eliot, Marcel Duchamp ou Dada, peut couper dans les phrases, les colonnes de mots prélevées dans les sources les plus diverses, pour produire un nouveau texte. Il lui suffit pour cela d’un instrument tranchant quelconque –lame ou paire de ciseaux– et d’un peu de colle.
À partir de 1875, date de l’invention du magnétophone, il devient possible de réaliser sur les sons des opérations de copier / coller avec des bandes magnétiques.
Les nazis le développent comme outil de propagande dès 19355, quinze ans avant que Pierre Schaeffer ou Pierre Henry, alors employés aux studios de la RTF, ne l’utilisent pour la première fois comme un instrument à part entière. Schaeffer et Henry découpaient des morceaux de bandes magnétiques utilisées avec des magnétophones à bandes ½ pouce pour les assembler dans un ordre différent, les mélanger, et donner naissance à des entrechoquements inédits de sons et de bruits. L’exemple le plus célèbre étant Symphonie pour un Homme Seul en 1950, où les deux hommes font se rencontrer des bruits, des sons naturels et musicaux, pour réaliser leur composition5.
Ce sont Schaeffer et Henry qui vont envisager «la bande magnétique comme matérialisation de la musique sous la forme d’un objet solide, concret» susceptible de nombreuses manipulations puisqu’il devient possible de «l’inverser, de l’accélérer ou de la ralentir, de la mesurer, de la disposer sur une plaque et de la disséquer à loisir»5. Les deux hommes signent en même temps l’acte de naissance de la «musique concrète», une musique composée à partir de sons conservés sur bandes6, et l’introduction de la musique électronique en France7.
Cette technique de découpage du son matérialisé par le substrat souple de la bande magnétique, Schaeffer et Henry sont les premiers à véritablement comprendre son importance dans le processus de composition musicale. Elle va être à l’origine du développement de deux techniques que nous qualifierons de cousines, puisqu’elles fonctionnent selon le même principe: isoler un son qui, une fois tiré de son environnement d’origine, est par la suite déplacé dans un nouvel environnement sonore.
La plus ancienne de ces techniques est le collage de bandes magnétiques (ou «tape splicing»), qui consiste à «éditer des enregistrements en coupant et en recollant des morceaux de bande magnétique (…) pour créer de nouvelles compositions, par exemple en musique électro-acoustique ou en musique concrète» 8. Cette technique est familière au lecteur de William Burroughs; l’écrivain a en effet fait de nombreuses expériences avec des bandes magnétiques comme il le relate dans «The Electronic Revolution» (1971) où il propose un certain nombre de pistes dans l’utilisation du magnétophone, et «expose en détail les différents maniements de cette arme visant à détruire la machine de contrôle» 9, autrement dit toute structure, tout individu dont l’objectif est de réduire l’humanité en esclavage: les gouvernements de tous bords, les médias de masse, tous les moyens d’information, ou plutôt de désinformation.
La seconde technique, plus récente, est l’échantillonnage (ou «sampling») qui suit l’invention du premier échantillonneur (ou «sampler»), une machine «qui encode numériquement du son de façon à ce que l’utilisateur puisse y avoir facilement accès» 10 et permet une liberté beaucoup plus grande dans la manipulation de sons préenregistrés.
Ces deux techniques jouent un rôle considérable dans la création musicale de cette fin du XXe et début du XXIe siècle. Tout d’abord cantonnées au domaine de la musique expérimentale, celles-ci se retrouvent rapidement employées dans des formes musicales plus populaires. «Pop», avec, par exemple, l’emploi par Paul McCartney de magnétophones BTR3 sur le morceau «Tomorrow Never Knows» des Beatles (Revolver, Parlophone, 1966). «Hip-hop», avec le réemploi du riff de guitare du groupe disco Chic sur le morceau «Rapper’s Delight» de Sugar Hill Gang (Sugar Hill Label, 1979). «Dance», avec l’échantillonnage du titre «Roadblock» de Stock Aitken & Waterman sur le morceau de M/A/R/R/S «Pump Up the Volume» (4AD, 1987). Les exemples sont beaucoup trop nombreux pour être tous mentionnés.
Les techniques de «tape-splicing» et de «sampling» ne se résument pas à l’ouverture, certes considérable, à un ensemble de possibilités sonores inédites, ou à la possibilité de stocker les sons sur une durée longue (sur un support analogique comme les bandes magnétiques, ou digital comme les CDs) et aujourd’hui virtuellement infinie (sur un support digital comme les formats musicaux MP3, wma, Flac, qui, lus sur ordinateurs et du fait qu’ils ne sont enregistrés sur aucun support physique, ne subissent pas l’usure du temps). En réalité, ces techniques bouleversent durablement la façon qu’ont les artistes, et avec eux le public, d’envisager ce qu’est la musique, mais aussi la propriété intellectuelle.
Notre but n’est pas de faire jouer à William Burroughs un rôle qu’il n’a certainement jamais joué dans cette révolution musicale. Les expérimentations que réalise l’écrivain sur le magnétophone sont tardives, elles commencent à une époque où celui-ci fait déjà figure d’outil parfaitement archaïque. Pour le théoricien de la musique Henri Chopin, qui connaît bien William Burroughs pour avoir publié la traduction française de «The Electronic Revolution» dans la revue de poésie sonore OU en 196811, ce dernier est avant tout un «regardant», un auteur qui «n’est pas, à proprement parlé [sic], attiré par le monde sonore» 12.
Une question se pose pourtant, à laquelle nous devrons répondre ici. Si, comme nous l’avons noté, Burroughs n’innove pas réellement en matière sonore, et s’il ne fait que prolonger avec plus ou moins de bonheur des travaux plus anciens, comment expliquer qu’un nombre non négligeable de musiciens contemporains, musiciens électroniques ou expérimentaux en particulier, se réclament de lui, un littéraire, avant de se réclamer d’authentiques pionniers de la recherche musicale? Notre hypothèse est la suivante: parce que, de la même manière que William Burroughs développait un discours précis venu sous-tendre la technique de cut-up pour en faire autre chose qu’un énième prolongement des techniques Dadaïstes, l’auteur a développé un discours autour du «tape splicing», de l’échantillonnage sonore, du «sampling» et de la propriété intellectuelle. C’est de ce discours, qui reste à définir, que se réclame une partie de la scène musicale contemporaine, et en particulier Genesis P-Orridge, né à Manchester le 22 février 1950. Musicien, chanteur bien connu des amateurs de «Musique Industrielle», musique discordante, imaginée peu avant l’explosion des scènes punks en Angleterre et aux États-Unis dans les années 1976-1977, Orridge est le leader des groupes COUM Transmissions (de 1969 jusqu’à fin 1977), Throbbing Gristle (de 1975/1976 jusqu’à mai 1981), Splinter Test (1997), Psychic TV (à partir de 1982) ou Thee Majesty (à partir de 1988). Il est également le fondateur en 1981 de l’ordre à vocation magique «Thee Temple ov Psychic Youth» (ou «T.O.P.Y.»).
Avant l’enregistrement sur cassette de leurs tout premiers albums intitulés ironiquement The Best of Throbbing Gristle Volume 1 (1975) et Best of… volume II (décembre 1977), les membres de Throbbing Gristle ont une expérience limitée du magnétophone. Celui-ci est utilisé avant tout pour éviter de louer un studio coûteux et un matériel difficile à utiliser sans une aide professionnelle.
The Best of Throbbing Gristle Volume 1 et Best of… volume II sont une façon de faire entendre le son du groupe à leurs amis et à ceux qu’ils apprécient. Sur le premier album, tiré à douze exemplaires, on peut entendre des versions de titres qui seront plus tard enregistrés sur support vinyle (comme «Very Friendly (Part 1)», «Very Friendly (Part 2)» et «We Hate You Little Girls») ainsi que deux titres du chanteur folk Neil Young enregistrés à la suite («New Mama»/«Look Out Joe» 13). Sur le second album, tiré cette fois à 50 exemplaires, figure le titre «10p For a Packet of Cigarettes» qui deviendra plus tard «No Two Ways», et «Short Instrumental» qui deviendra «Dead Bait». Le magnétophone est utilisé pour sa simplicité d’utilisation; il est le moyen idéal pour peaufiner des compositions et expérimenter.
Cette façon de procéder est à l’époque relativement commune. De nombreux groupes ont utilisé le magnétophone pour se faire entendre et, si possible, faire connaître leur travail; les cassettes audio sont petites, légères: on peut très facilement les envoyer par la poste. Aujourd’hui, un certain nombre d’artistes prolongent cette démarche en enregistrant eux-mêmes leurs titres sur CDs14 ou CD-Rs (le CD-R est un CD «pressé et finalisé de manière semi-industrielle», souvent «autoproduit»15), ou en les diffusant sur le réseau sur des sites de communautés virtuelles de types «MySpace» ou «YouTube» par exemple. Ces artistes veulent soit être remarqués par une maison de disques potentielle, soit, au contraire, ne plus devoir se plier aux desiderata de labels qui ne partagent pas leur conception artistique; souvenons-nous qu’en novembre 1983, la maison de disque Geffen poursuivait en justice Neil Young, l’un des artistes les plus repris par Orridge16, sous prétexte que ses albums Trans (1982) et Everybody’s Rockin’ (1983) étaient trop peu «commerciaux» et «musicalement éloignés de [ses] enregistrements précédents» 17.
Les artistes qui utilisent les nouvelles technologies veulent également distribuer eux-mêmes leurs titres, et supprimer toute espèce d’intermédiaire entre eux et leur public. C’est de cette manière que le groupe de rock anglais Radiohead, en délicatesse avec la maison de disques EMI, a permis aux internautes de télécharger leur album In Rainbows en octobre 2007 avant de sortir une version CD du disque fin décembre de la même année. L’album Everything That Happens Will Happen Today de David Byrne et Brian Eno sort de manière comparable en août 2008.
L’idée que Orridge se fait du magnétophone change radicalement lors de sa première rencontre avec William Burroughs.
William Burroughs réside dans la capitale britannique de 1966 à 1973, date à laquelle il décide de partir pour New York18. Orridge en profite pour tenter de le rencontrer à son adresse de Duke Street, près de Picadilly Circus, en 197319. Orridge n’est pas le premier à venir frapper à la porte de Burroughs20. Le tête-à-tête entre les deux hommes est toutefois bien différent en ce qu’il ne peut se résumer à une entrevue entre un artiste et l’un de ses nombreux admirateurs. Dès le début, Orridge est à la recherche d’un guide, d’un éducateur, et c’est précisément ainsi que Burroughs va se comporter avec lui, notamment concernant l’utilisation du magnétophone et des bandes magnétiques. Douglas Rushkoff confirme que Orridge devient «une sorte de protégé» de Burroughs et de Gysin («Genesis was fascinated with the cut-and-paste process too. He eventually tracked down Burroughs and Gysin, and became something of a protégé to them» 21.
Gysin entend pour la première fois parler de Orridge par l’intermédiaire d’une lettre que lui envoie Burroughs; cette lettre lui fait part de la volonté de l’anglais, un «ami» qui travaille à l’époque pour St. Martin’s Press, de lui consacrer un article dans le volume Contemporary Artists, et donc de l’aider à sortir d’un relatif anonymat en tant que peintre:
Burroughs wrote Gysin to inform him that “a friend with the improbable name of Genesis E Porridge (sic)” had asked him for a brief essay on Gysin’s painting for inclusion in Contemporary Artists, and Burroughs provided one, writing “The painting of Brion Gysin deals directly with the magical roots of art…” Burroughs encouraged Gysin to ensure his inclusion by filling in the publisher’s questionnaire required to complete the entry.22
Il ne s’agit pas d’une simple tocade de la part d’Orridge, mais d’une véritable résolution, puisque, confirme John Geiger, l’inclusion de Gysin dans ledit volume est «une condition de son contrat passé avec St. Martin’s Press» 23.
Julie Wilson note que la rencontre entre Burroughs et Orridge marque le début d’une «série de collaborations et de correspondances qui ont duré jusqu’à la mort de Burroughs» 24.
Orridge se remémore avec émotion la découverte de l’appartement de son idole: une photographie de Allen Ginsberg accrochée dans la salle de bain, chapeau tricolore vissé sur la tête, des peintures de Brion Gysin… finalement Burroughs qui enregistre, au hasard, le son de la télévision dont il change sans cesse les chaînes. Le jeune homme comprend que le cours a déjà commencé25.
Il est difficile d’appréhender cette idée de cours ou de formation si l’on s’en tient au seul point de vue musical ou sonore. En effet, Orridge ne rencontre pas Burroughs à un moment quelconque de sa vie d’artiste. L’écrivain considère depuis peu le magnétophone comme un prolongement logique de ses cut-ups26. Le cut-up est pour lui désormais plus qu’une technique littéraire: c’est une manière vivante de fragmenter les innombrables messages qui arrivent chaque jour par l’intermédiaire de la presse écrite ou de la télévision, et de les transformer en matériau inédit.
William Burroughs avait poussé plus loin sa réflexion en publiant en 1970 The Electronic Revolution chez Expanded Media Editions. Dans cet essai, l’écrivain américain développait, entre autres à partir des théories linguistiques d’Alfred Korzybski, l’idée du Mot comme outil privilégié par les forces de contrôle pour asservir les masses, une théorie qui sera reprise in extenso par Orridge dans le texte «On the Way to the Garden» publié en 1993.
Dans The Electronic Revolution, William Burroughs exprimait un vif intérêt pour l’idée que certains mots, ou certaines combinaisons de mots, pouvaient provoquer un effet physique sur les individus; cette théorie, partiellement inspirée par les théories du fondateur de la Scientologie Ron Hubbard pour qui les mots pouvaient «rendre quelqu’un physiquement malade» méritait, pour Burroughs, de pousser plus avant l’expérimentation:
Ron Hubbard, founder of Scientology, says that certain words and word combinations can produces serious illnesses and mental disturbances. I can claim some skill in the scrivener’s trade, but I cannot guarantee to write a passage that will makesomeone physically ill. If Mr. Hubbard’s claim is justified, this is certainly a matter for further research, and we can easily find out experimentally whether his claim is justified or not.27
Disons-le immédiatement, c’est l’idée d’un écrivain capable de changer concrètement son lecteur qui intrigue William Burroughs. S’il est vrai qu’il s’est impliqué un temps dans le milieu de la Scientologie dans les années 1967-1968, l’écrivain a rapidement pris ses distances avec la secte comme le souligne Ted Morgan qui évoque un Burroughs «dégoûté» par l’«organisation autoritaire» du groupe sectaire et les «assertions stupidement fascistes de L. Ron Hubbard» 28.
The Electronic Revolution propose plusieurs pistes de recherches, mais aussi des méthodes concrètes pour résister à l’action des forces de contrôle. Celles qui nous intéressent ici sont celles que l’écrivain propose de réaliser avec le magnétophone, qu’il considère, rappelons-le, comme une «arme». En effet, pour Burroughs, le magnétophone ne permet pas seulement d’enregistrer des sons et de témoigner: il permet de provoquer les événements, et ce de trois manières essentiellement. En enregistrant des rumeurs quelconques diffusées par la suite dans la rue, le partisan aide à entamer la réputation d’un individu donné pour cible… («TO SPREAD RUMOURS / Put ten operators with carefully prepared recordings out at rush hour and see how quick the words get around. People don’t know where they heard it but theyheard it.» 29). En diffusant toujours dans la rue l’enregistrement d’un opposant politique bafouillant un discours entrecoupé de bruits déplaisants ou comiques, le partisan le montre sous son plus mauvais jour et le discrédite un peu plus («TO DISCREDIT OPPONENTS / Take a recorded Wallace speech, cut in stammering coughs sneezes hiccoughs snarls pain screams fear whimperings apoplectic sputterings slobbering drooling idiot noises sex and animal sound effects and play it back in the streets subway stations parks political rallies» 30). Enfin, en diffusant des bruits d’émeutes, de coups de feux, le partisan provoque lui-même une insurrection («AS A FRONT LINE WEAPON TO PRODUCE AND ESCALATE RIOTS / There is nothing mystical about this operation. Riot sound effects can produce an actual riot in a riot situation. RECORDED POLICE WHISTLES WILL DRAW COPS. RECORDED GUNSHOTS, AND THEIR GUNS ARE OUT. “MY GOD, THEY’RE KILLING US.”» 31).
L’écrivain constate: un certain nombre de bruits entraînent des réactions instinctives de la part d’individus habitués à les entendre dans des situations bien précises. Ce réflexe conditionnel est bien connu: il s’agit du réflexe pavlovien du nom du physiologiste russe qui provoquait chez un chien une réaction physiologique – la sécrétion de salive – à l’aide d’un stimulus sonore – le tintement d’une clochette. Burroughs propose ici d’utiliser le magnétophone pour extraire les sons de leur environnement habituel, banal – le coup de feu au moment d’un acte de violence ou d’une insurrection, le coup de sifflet du policier au moment d’une arrestation – pour les diffuser dans un environnement inhabituel, en mettant en lumière une programmation de l’individu proche de celle que Ivan Petrovitch Pavlov avait étudiée chez des animaux. Burroughs souligne également la facilité avec laquelle tout un chacun peut tirer parti de ce conditionnement, de cette programmation de l’être humain par son environnement, de l’étude du comportement animal et humain… non pas au bénéfice de la science, mais pour un divertissement élevé au rang de jeu politique.
The Electronic Revolution est un précis de guérilla urbaine dont il est difficile de juger l’efficacité sans en faire soi-même l’expérience. Toujours est-il qu’au moment où Orridge rencontre Burroughs, ce dernier a bel et bien en sa possession «des enregistrements cut-up d’émeutes et de cris et de sirènes de police» qu’il lui fait écouter pour illustrer ses théories («Burroughs played P-Orridge some of his audio tape experiments; these were cut-up tape recordings of riots and scream and police sirens» 32). Ces enregistrements sont d’autant plus précieux que The Electronic Revolution est un texte programmatique qui traite du son, et que l’absence de tout exemple sonore peut frustrer le lecteur qui pourrait souhaiter entendre tout ou partie des enregistrements que William Burroughs a réalisés et commentés.
Ces séances d’écoute de matériel sonore inédit vont marquer, à plus d’un titre, un nouveau départ pour Orridge. La technique du cut-up a certes un intérêt pour lui, mais ce sont davantage ses effets potentiels sur le «réel» qui retiennent toute son attention, comme le souligne Julie Wilson qui revient sur la rencontre entre Burroughs et Orridge:
It was not the literary application of the cut-up method that interested Genesis P-Orridge at first, but what happened to “time” and the “real” and the notion of “space” when they were cut and sampled and rearranged31
Les substantifs de «temps» («time»), de «réel» («real») et d’«espace» («space») ne manquent pas de nous interpeller. Ils renvoient tous à des concepts particulièrement difficiles à définir tant d’un point de vue scientifique que philosophique. Il ne faut pas attendre d’explications plus précises de la part de Julie Wilson, et ce pour une raison simple: c’est un questionnement tout d’abord qui va émerger de la rencontre entre Orridge et son modèle. Un questionnement sur le son et ses effets, un questionnement sur le rôle potentiel de l’artiste sur son public. Orridge n’a pas de réponse précise sur ce que provoque la technique du cut-up. Tout juste est-il persuadé qu’il se passe «quelque chose» qu’il est bien en peine d’expliquer plus précisément («[William Burroughs] was very clear that not only was this a political thing, but you could change reality, you could make something happen»31).
C’est ce «quelque chose» que Orridge va dès lors chercher à clarifier, à définir. Pour ce faire, le jeune homme va se lancer dans ses propres expérimentations sur le son et tenter, par l’observation, de mieux cerner les effets du cut-up sur le corps humain, et sur ses perceptions.
C’est une grille de lecture typiquement burroughsienne du son, de l’échantillonnage et de la manipulation de bandes magnétiques qui intéresse ici Orridge. A la différence de pionniers comme Schaeffer et Henry qui voulaient utiliser le potentiel du magnétophone pour créer de nouveaux paysages sonores et refusaient toute étiquette politique ou contestataire, arguant, comme Pierre Henry, que «Les musiciens n’ont pas le temps de faire la révolution» 33, les cut-ups sonores réalisés par William Burroughs n’ont qu’un seul objectif: chambouler le corps humain de façon durable et le mettre au centre d’un discours insurrectionnel inédit. L’auditeur ne doit plus se contenter d’admirer le son, de prendre du plaisir à son écoute, il doit s’y confronter physiquement.
D’autres rencontres ont lieu entre Orridge et William Burroughs, de longues discussions. Très rapidement William Burroughs va prodiguer ses conseils, le matériel à acheter comme la façon de procéder aux enregistrements. Burroughs utilise un magnétophone Sony, et suggère de se procurer des cassettes de même marque34, ce que Orridge va s’empresser de faire, d’autant plus qu’il sait que les albums Early Worm ou Catching the Bird, enregistrés sur des cassettes analogiques bon marché se dégradent irréparablement.
Si William Burroughs a tenté d’expliquer à Orridge que les sons avaient bel et bien un effet physique sur le corps, le chanteur n’est, au moment où il le rencontre, pas encore passé à l’expérimentation. Cette volonté d’expérimenter nous incite à la plus grande prudence. Gardons à l’esprit, comme le souligne à juste titre John Watters dans sa thèse, que William Burroughs est influencé par son ami Brion Gysin qui lui présente des théories pseudo-scientifiques comme des vérités35. Orridge tend lui-même à adopter ce travers, et à parler de science là où le chercheur, occupé à recouper des informations, ne voit rien d’autre qu’un manque de preuve évident.
Cette confusion entre science et pseudo-science est plus marquée encore suite à l’apparition d’un nouveau compagnon de route de Orridge, l’artiste américain Monte Cazazza qui a inventé l’expression «Musique Industrielle» en 1975. Cazazza est un touche-à-tout: musicien, cinéaste et performer36 qui a collaboré avec Mark Pauline du collectif «Survival Research Laboratory». C’est également un fidèle lecteur de Burroughs qui regrette que les théories de ce dernier ne soient pas plus largement diffusées; ses déclarations, souvent d’un enthousiasme débordant, nécessitent d’autant plus de circonspection qu’elles manquent cruellement d’esprit critique.
Ensemble, Orridge et Cazazza vont se lancer dans une série d’expérimentations inspirées des textes programmatiques de Burroughs, spécialement The Job, publié en 1969, que Cazazza confirme être une formidable source d’inspiration37. Nous sommes en 1979 et Cazazza est en contact avec Orridge et ses compagnons depuis 197438.
Il n’est pas étonnant que The Job soit un texte référence pour des artistes comme Orridge, Cazazza, mais aussi pour Richard H. Kirk, ancien membre du groupe Cabaret Voltaire. Burroughs s’y adresse en effet directement à la jeune génération pour lui donner envie de sauter le pas, et de tenter ses propres expériences, et le texte programmatique prouve, s’il était encore nécessaire, le lien privilégié entre l’écrivain et son public.
«Plus nous pourrons avoir de gens qui travaillent avec des magnétophones», justifie l’écrivain, «plus les expériences et les prolongements s’avèreront utiles» («the more people we can get working with tape recorders the more useful experiments and extensions will turn up» 39). Il semble logique, en tout état de cause, que ses admirateurs répondent à son invitation, et tentent de mettre ses théories en pratique en utilisant le magnétophone non pas comme un gadget, mais comme une «arme majeure» 40. L’expérience n’est d’ailleurs pas bien difficile, et ne demande qu’un matériel rudimentaire depuis la démocratisation du magnétophone portable et de la cassette compacte. Rappelons que le premier magnétophone portable est inventé par RCA Victor en 1958, la cassette compacte par Philips en 196441.
Accompagné de Orridge, Monte Cazazza répond clairement aux suggestions de Burroughs, et s’inspire de ses théories pour se livrer à une série d’expérimentations dans son studio de Oakland.
Cazazza et Orridge reproduisent à la lettre les suggestions de Burroughs, qui remontent en réalité aux «expériences à l’allure de farces» de Ian Sommerville42. Le résultat est, selon eux, tout à fait concluant, puisqu’en diffusant l’enregistrement d’un accident de voiture leurs voisins se précipitent pour voir ce qui se passe. L’acte est gratuit et dangereux. Idiot… et à vrai dire sans grand intérêt puisque l’on comprend aisément la réaction des voisins intrigués par le bruit et induits en erreur par sa nature. Pourtant, les deux hommes ont une tout autre interprétation de ces jeux… Cazazza les compare assez justement, nous semble-t-il, aux astuces scéniques d’un prestidigitateur43.
On peut penser que ces collages sonores ont effectivement un effet sur l’environnement, puisque les «trouble sounds» sont, dans leur grande majorité, des sons qui indiquent qu’un événement grave est arrivé… un accident, une catastrophe, un attentat… des événements qui suscitent la peur de la population, ou, dans certains cas, une curiosité morbide. Le fait que rien ne se soit physiquement passé provoque logiquement la surprise ou l’incrédulité. Rien de bien neuf ici. Philippe Mikriammos mentionnait d’ailleurs le cas de «provos» qui comptaient, en 1966, diffuser le bruit de mitraillettes pendant le mariage d’une princesse de la famille royale néerlandaise44.
Mais le cas des cassettes cut-up est loin d’être aussi clair, et les propos de l’écrivain se mêlent volontiers d’ésotérisme sans que l’on sache avec certitude à quel moment la plaisanterie s’arrête.
L’exemple le plus concluant vient de ses expériences au Moka Bar de Soho, à Londres, racontées dans The Electronic Revolution, et des événements qui poussèrent Burroughs à donner une «première leçon de magie contemporaine intuitive et fonctionnelle» à Orridge45.
Burroughs se rendait quelquefois au Moka Bar pour prendre un petit-déjeuner anglais. L’établissement, très peu accueillant, se situait au 29 Frith Street, soit à quelques pas de son appartement de Duke Street. Burroughs y était souvent mal reçu. Une fois de trop sans doute, puisque, ulcéré par la grossièreté du personnel et, précise-t-il, par un «cheese cake empoisonné» 46, il se met en tête de se venger en cherchant à mettre en pratique ce que, pour le chanteur, il appelle, sans trop de précaution, «sorcellerie» 47.
Août 1972. A l’aide de son magnétophone Sony, Burroughs enregistre consciencieusement les bruits des alentours du Moka Bar. Une fois de retour dans son appartement, il y insère quelques-uns de ses «trouble noises», des bruits pour la plupart enregistrés à la télévision. Il s’agit par exemple de sirènes de voitures de police, de coups de feu ou d’explosions48. Le résultat, selon Burroughs, est une réussite. Jouée à un niveau sonore suffisant pour être confondus avec les bruits ordinaires de la rue, la cassette cut-up est, en ce qui le concerne, responsable de la fermeture de l’établissement en octobre de la même année. Il s’agit de magie, du moins l’écrivain, évidemment naïf, en est certain. Orridge affirme quant à lui que le fait que l’emplacement du Moka Bar reste «impossible à louer» des années plus tard49 est la preuve définitive de la puissance magique de son mentor qu’il ne tentera pas d’expliquer. D’ailleurs, ajoute-t-il, «Qu’importe, si ça marche» («The basic answer is who cares, if it works?»50). Cette dernière phrase a son importance. Elle est même essentielle dans l’ambiguïté qu’elle exprime. Elle signale que Orridge n’est pas le fou, ou l’inconscient qu’ont bien voulu en faire les journaux, mais un artiste qui entretient une distance ambiguë avec les expérimentations de William Burroughs.
C’est l’idée de jeu qui importe ici, et qui explique le fait que V. Vale fasse paraître son entretien avec Cazazza dans le numéro de Re/Search consacré aux «farces», ou «pranks» 51. Et si Orridge se considère volontiers comme un plaisantin, la guerre qu’il s’imagine livrer à des forces de contrôle tout droit sorties des textes de William Burroughs nécessite, sans doute, de pousser ses expériences plus loin encore.
En mai 1981, Genesis P-Orridge sort Nothing Here Now But The Recordings (1959-1980) sur le label Industrial Records, et rend disponible les expérimentations de William Burroughs et Ian Sommerville sur bandes magnétiques qui débutèrent au «Beat Hotel» de la rue Gît-le-Cœur à Paris. Brian Duguid note que les groupes «Industriels» souhaitent «disséminer» et «populariser» la littérature expérimentale, confirmant leur volonté de ne pas se limiter au seul domaine musical et la pertinence de la distinction que fait Jon Savage entre «Musique Industrielle» et «Culture Industrielle». La sortie deNothing Here Now But The Recordingsest un de ces «exemples évidents», Orridge se comportant effectivement comme l’héritier de l’écrivain américain et le propagateur de ses idées52. Ce passage de témoin est d’autant moins surprenant que Barry Miles note que les «cassettes cut-up» de Burroughs et Sommerville qui donnent à entendre «des sons d’interférence radio et de marteau-piqueur mélangé à du texte lu» sont, sans conteste, les «précurseurs de la Musique Industrielle» 53.
On sait l’importance que revêt pour le chanteur le fait de revendiquer ses influences. Cet album représente donc, à plus d’un titre, un événement capital. Nothing Here Now But The Recordingsmarque l’officialisation du lien artistique existant entre William Burroughs, Orridge et ses compagnons; il est le prélude à la parution en 1982 du magazine Re/Search #4/554 par l’éditeur américain Vale, «l’un des tout premiers [ouvrages] à évoquer la musique industrielle, mettant en évidence les points communs entre la démarche de Burroughs et Gysin et celle de TG» 55.
Simon Ford confirme que la sortie de Nothing Here Now But The Recordings s’apparente à un témoignage de gratitude de la part de Orridge et ses compagnons envers l’homme qui s’est montré un «point de référence constant» pour eux et plus particulièrement pour le chanteur:
In many respects the album was ‘payback’ time for ‘Uncle Bill’ for all the inspiration he had given the group over the years. For P-Orridge at least, Burroughs’ work had been a constant reference point56
Le chanteur revendique également la volonté de sauvegarder les archives de William Burroughs, et veut préserver autant que faire se peut son œuvre. Ce rôle n’est pas à négliger: Sargeant confirme par exemple que beaucoup de films tournés par Burroughs, Balch et Gysin dans les années 1960 n’ont pu être sauvés de la poubelle que par son intervention57. Le rôle de Orridge ne s’arrête pas à la préservation de ces documents d’autant plus importants pour nous que, comme le rappelle à juste titre Clémentine Hougue, ces derniers sont «fondés sur la technique du cut-up» et qu’«[o]n ne peut interroger le cut-up indépendamment des œuvres picturales et cinématographiques de Burroughs et Gysin au risque d’éluder une part importante de leur démarche esthétique» 58. Orridge promeut ces derniers, projetés en public dès 1982 dans le cadre des événements baptisés «The Final Academy» co-organisés par lui-même, David Dawson et Roger Ely. «The Final Academy» se focalise sur l’œuvre de Burroughs et Gysin; Burroughs y participe en personne le 4 octobre de la même année, à l’Hacienda de Manchester59.
C’est Orridge qui défend auprès de Burroughs la qualité d’enregistrements sonores ou vidéo pour laquelle ce dernier estime avoir peu ou pas d’intérêt. Charles Neal note ainsi que c’est à force de «persuasion» que Genesis P-Orridge et Peter Christopherson sont parvenus à obtenir de l’écrivain «des cassettes qui étaient dans une boîte à chaussures depuis plus de vingt ans» 60.
Nothing Here Now But The Recordings est l’occasion pour Orridge d’associer son nom à celui de Burroughs, et de rédiger intégralement le livret accompagnant l’album. Pour Orridge, ces enregistrements sont de précieux documents historiques. Fruits d’«innombrables heures de travail passées à réaliser des cut-ups avec des lames de rasoir et des cassettes» 61 dans les chambres exiguës du Beat Hotel où le faible voltage disponible – 40 watts – limite l’usage d’appareils électriques62, l’auditeur qui s’attendrait à un son de qualité serait évidemment déçu. Orridge prévient donc, arguant des conditions d’enregistrement:
Most of the tapes were made on domestic recorders and on some there was large-scale physical deterioration. Hi-Fi quality was impossible and the sound varies considerably63
Qu’importe la qualité du son, ajoute Orridge, puisque, comme pour Burroughs à l’époque de ses expérimentations, seul le processus créatif importe ici. Le tableau de l’artiste au travail prend dès lors le pas sur le confort de l’auditeur:
It is also important to understand that these are not recordings of [Burroughs’] readings of prose nor were they intended when they were made to be seen as finished “works” of art. The participants were thinking about alterations and the potentialities of the tape recorder64
En replaçant de la sorte ces enregistrements dans leur contexte historique, et en explicitant l’intention première de William Burroughs, Orridge se fait ici passeur, intermédiaire. Il aide à transmettre le travail de l’écrivain américain à une nouvelle génération. Ces enregistrements sont l’occasion d’introduire le public aux possibilités offertes par le magnétophone, et plus particulièrement à l’usage que décrivait William Burroughs dans ses textes programmatiques. Est plus particulièrement visée la jeune génération qui s’intéresse moins au support écrit65.
Orridge profite du livret pour rappeler ce qu’est la technique du cut-up. Plutôt, il rappelle ce qu’est la technique du cut-up telle que l’entend Burroughs. Les mots que choisit Orridge sont directement empruntés à l’auteur, preuve de la familiarité du chanteur anglais avec les textes programmatiques de son modèle. Ainsi, les phrases de Orridge «When you cut-up and rearrange words new words emerge, the future leaks through, seemingly at random. New words and altered meanings are implicit in cutting-up but how random is random?» 66 citent à la fois The Electronic Revolution («The original words are quite unintelligible but new words emerge»67) et les mots exacts employés par l’écrivain américain pour expliquer la technique du cut-up qu’on retrouve dans l’enregistrement intitulé «Origin and Theory of the Tape Cut-Ups» («When you cut into the present, the future leaks out»; «now how random is random?» 68).
Les souvenirs divergent, volontairement ou non, quant à la volonté de sortir l’album. Pour Orridge, c’est lui qui suggère l’idée de réaliser Nothing Here Now But The Recordings dès 1973, alors que Christopherson s’attribue l’idée originale69. L’album ne sortira en tout état de cause qu’en 1981.
William Burroughs accepte la proposition de Orridge par l’intermédiaire d’un courrier de James Grauerholz. Peut-être les bandes permettront-elles à certains de ses admirateurs de trouver l’inspiration, ou de faire connaître des idées qui autrement seraient restées confidentielles70. Ces bandes aideront certainement, en tout cas, à se faire une idée plus précise du cheminement de l’auteur, et rempliront un vide qui se fait sentir depuis la fin des années 1950 et les premières tentatives de Brion Gysin jusqu’aux quelques exemples de cut-ups sonores qu’on peut entendre sur la bande originale des films d’Anthony Balch71.
Burroughs, Orridge et Christopherson commencent donc à faire leur choix dans les archives de l’écrivain en se concentrant sur les expérimentations sur magnétophone au détriment des lectures («readings») volontairement laissées de côté72. Seuls les cut-ups sonores intéressent les deux Anglais. Orridge et Christopherson en choisissent 15 en tout. Chaque morceau à un titre. Il est en outre daté de façon approximative («Circa 1959»; «Early 1960’s»; «1960-1961» etc.).
Sans pouvoir être exhaustifs, les morceaux abordent un large éventail de techniques. Orridge pense en effetNothing Here Now But The Recordings dans un esprit volontiers pédagogique que Burroughs lui-même a parfois du mal à saisir73. Le livret qui accompagne l’album est une fois de plus important, puisqu’il permet d’expliquer à l’auditeur dans quelles conditions ces enregistrements ont été réalisés, et le processus qui les sous-tend. Le morceau intitulé «Choral Section – Backwards» donne à entendre une cassette audio jouée à l’envers («Simply a tape of the Hallelujah Chorus played backwards» 66); le morceau «”Handkerchief Masks”» un cut-up réalisé à partir d’informations diffusées à la télévision et à la radio («Examples of the cut-up technique applied to radio and TV news broadcast» 64); le morceau «Creepy Letters» un cut-up réalisé à partir d’une lettre («A letter from London dealing with film business connected with Antony Balch is spontaneously cut-up after an invocation to “see what it really says”»64); le morceau «Inching — “Is This Machine Recording”» un cut-up réalisé en manipulant la bande magnétique pendant que le magnétophone enregistre («Inching technique involves manually pulling the recording tape through the heads of tape recorder whilst recording, or whilst re-recording, inch by inch» 64) etc…
Finalement, l’album est co-produit par James Grauerholz et Peter Christopherson. Christopherson réalise la pochette de l’album55.
Il ne faut voir aucun choix symbolique dans le fait que Nothing Here Now But The Recordings (1959-1980) soit le dernier disque sorti par le label «Industrial Records». D’autres disques devaient sortir par la suite («At the time of its release nobody at [Industrial Records] thought Burroughs’ record would be their last»74), souligne Simon Ford, mais la popularité croissante de la «Musique Industrielle», comme le succès du concert donné par Throbbing Gristle le 8 février 1981 à Londres est, pour les membres du groupe, le signe qu’il leur faut désormais se tourner vers de nouveaux horizons artistiques.
Le groupe se sabordera peu après, dans un mouvement qui ne manque pas de nous interpeller. Force est de constater que ce choix de la part du mancunien et de ses compagnons témoigne d’une réelle intégrité artistique.
TG shared the bill that night with NON (a.k.a. Boyd Rice), Z’ev, Clock DVA and Cabaret Voltaire. Ironically, it was probably the success of the gig, and the growing signs of acceptance it represented, that began to suggest to TG that maybe it was time to move on64
Cette volonté de rendre disponibles les enregistrements de William Burroughs est d’autant plus logique pour Orridge que, tout comme son modèle avant lui, le chanteur place sans la moindre ambiguïté tous ceux qui manipulent les informations au sens large du côté des forces de contrôle. Parmi ces manipulateurs, les maisons de disques qui décident des artistes qui passeront ou non à la radio et qui donnent à entendre des albums sans plus d’audace ou de volonté d’innover, sont des cibles privilégiées. Distribuer un disque comme Nothing Here Now But The Recordings qui, comme on pouvait s’y attendre, n’atteindra jamais des chiffres de vente importants, n’est pas un geste innocent de la part de Orridge. Il s’agit d’une volonté claire et délibérée de résister à la politique d’uniformisation des maisons de disques et, ce faisant, de proposer l’édification d’une force de résistance.
Remerciements: Noëlle Batt, Nathalie Montoya.
1. Brian Eno, Skysaw.
2. Gérard-George LEMAIRE, Burroughs, Paris, éditions Artefact, 1986, p. 59.
3. Benoît DELAUNE, Le Cut-Up chez William S. Burroughs: modèle plastique, création littéraire, thèse de littérature générale et comparée sous la direction de M. Didier Plassard, Université Rennes 2, 2003, p. 18.
4. Ibid., p. 19.
5. a. b. c. Modulations, Une histoire de la musique électronique, traduit de l’anglais par Pauline Bruchet et Benjamin Fau, Paris, Editions Allia, 2004, p. 14.
6. Pour plus d’informations sur la «Musique Concrète», nous renvoyons notre lecteur à l’essai très documenté de Mark PENDERGAST, The Ambient Century, from Mahlerto Moby—The Evolution of Sound in the Electronic Age, op. cit., pp. 42-44.
7. Mark PENDERGAST, The Ambient Century, from Mahlerto Moby—The Evolution of Sound in the Electronic Age, op. cit., p. 43.
8. Modulations, Une histoire de la musique électronique, op. cit., p. 277.
9. Gérard-George LEMAIRE, «Magnétophones», Burroughs, op. cit., p. 135.
10. Modulations, Une histoire de la musique électronique, op. cit., p. 279.
11. Henri CHOPIN, Poésie sonore internationale, Paris, Jean-Michel Place Editeur, 1979, p. 136, note 3.
12. Ibid., p. 136.
13. Deux titres enregistrés par Neil Young sur son album Tonight’s the Night, Reprise, 1975.
14. Jean-Pierre Turmel, fondateur du label Sordide Sentimental, précise: «La récente chute du prix des graveurs de CD fait qu’à présent on édite des CD[sic] comme avant des cassettes audio, la qualité du son en plus. Il s’agit d’un rééquilibrage qualitatif des chances accordées à chacun pour se faire connaître. Il serait déraisonnable d’en attendre plus», Jean-Pierre TURMEL, Sordide Sentimental, Rosières en Haye, Camion Blanc, 2005, p. 351.
15. Eric DUBOYS, Industrial Music for Industrial People, Rosières en Haye, Camion Blanc, 2007, p. 476, note 3.
16. Outre les titres cités précédemment, Psychic TV reprend le titre «Only Love Can Break Your Heart» sur l’album The Bridge: A Tribute to Neil Young, Caroline Records, 1989.
17. «And so, in November 1983-approximately a week before his thirty-eighth birthday-papers were served on Neil Young. The documents requested damages in excess of $3,3 million, terming both the Trans and Everybody’s Rockin’ albums “not ‘commercial’ and… musically uncharacteristic of Young’s previous recordings.”, Jimmy MCDONOUGH, Shakey: Neil Young’s Biography, New York, Anchor, 2003, p. 580.
18. Ted Morgan revient en détail sur ces années dans Literary Outlaw: The Life and Times of William S. Burroughs, London, Pimlico, 1993, pp. 427-469.
19. Cf. Re/Search #4/5: William S. Burroughs/Brion Gysin/Throbbing Gristle, San Francisco, RE/Search Publications, 1982, pp. 68-77.
20. Avant lui, et comme il le raconte lui-même, l’écrivain J. G. Ballard avait eu la même démarche. Cf. Richard KADREY & Suzanne STEFANAC, «J. G. Ballard on William Burroughs, Naked Truth», article consultable à l’adresse du magazine en ligne Salon: http://www.salon.com/sept97/wsb970902.html
21. Douglas RUSHKOFF, «Good Trip or Bad Trip? The Art and Heart of Genesis P-Orridge», in The Lives & Art of Genesis P-Orridge, Brooklyn, Soft Skull Shortwave, 2003, p. 19.
22. John GEIGER, Nothing Is True—Everything Is Permitted: The Life of Brion Gysin, New York, The Disinformation Company, 2005, p. 258.
23. «P-Orridge had insisted on Gysin’s inclusion in Contemporary Artists, making it a condition of his contract with St. Martin’s Press», ibid., 259.
24. «Genesis P-Orridge met William Burroughs in the early 1970s and began a series of collaborations and correspondences that lasted up until Burroughs’ death», The Lives & Art of Genesis P-Orridge, op. cit., p. 60.
25. «”Well… Reality is not really all it’s cracked up to be, you know,”[Burroughs] continued. He took the remote and started to flip through the channels, cutting up programmed TV. I realized he was teaching me», Genesis BREYER P-ORRIDGE, «Magick Square and Future Beats / The Magickal Processes and Methods of William S. Burroughs and Brion Gysin», in Book of lies: the Disinformation guide to magick and the occult: (being an alchemical formula to rip a hole in the fabric of reality), New York, NY, Disinformation Co., 2003, p. 105.
26. Étape d’abord franchie, concède-t-il volontiers, par son ami Brion Gysin.
27. William BURROUGHS, «Academy 23 / The Invisible Generation», The Job (avec Daniel ODIER), London, Penguin, 1989, p. 190.
28. «After taking the advanced clearing course in Edinburgh, Burroughs left Scientology, impressed by the auditing techniques but disgusted by the authoritarian organization and the stupidly fascistic utterances of L. Ron Hubbard. The aim of Scientology, complete freedom from past conditioning, was perverted to become a new form of conditioning. He had hoped to find a method of personal emancipation and had found instead another control system. Scientology roped you in and bound you», Ted MORGAN, Literary Outlaw: The Life and Times of William S. Burroughs, op. cit., p. 443.
29. William BURROUGHS, The Electronic Revolution, ubuclassics, pp. 12-13. Texte consultable sur le site http://www.ubu.com
30. Ibid., p. 13.
32. The Lives & Art of Genesis P-Orridge, op. cit., p. 61.
33. Modulations, Une histoire de la musique électronique, op. cit., p. 33.
34. Re/Search #4/5: William S. Burroughs/Brion Gysin/Throbbing Gristle, op. cit., p. 70.
35. «Gysin had an influence on Burroughs’ views on magic and religion , and introduced him to a multiplicity of magical and pseudo-scientific techniques, including Scientology», John G. WATTERS, The Magical Universe of William S. Burroughs, thèse en langue et littérature des pays anglophones sous la direction de M. Jean-Claude Dupas et M. Oliver Harris, Université de Lille III / Université de Keele, 1999, p. 10.
36. La biographie de Monte Cazazza reproduite dans Re/Search # 6/7, Industrial Culture Handbook, San Francisco, RE/Search Publications, 1983, p 80, est datée et donc incomplète. Elle nous semble toutefois tout à fait suffisante pour apprécier les différentes directions dans lesquelles l’artiste s’est très tôt dirigé. Citons, entre autres, les albums To Mom on Mother’s Day, Industrial Records, 1979, ou la performance baptisée «Manic Movements» réalisée à Berkeley en janvier 1981. Notons également le concert du 29 février 1980 à Londres avec Throbbing Gristle et Leather Nun où sont diffusés des films de William Burroughs, Brion Gysin, Kenneth Anger etc…
37. «[V. Vale]: Did you get the theory and idea for[your sound experiments] from Burroughs’ book The Job? [Monte Cazazza]: From that, and a book titled Sound: Its uses and Abuses in Today’s Technology which discusses infrasound and ultra-high frequencies», in Re/Search #11: Pranks, San Francisco, RE/Search Publications, 1987, p. 72. Notons que The Job est également l’une des principales sources d’inspiration de Christopher Watson et Stephen Mallinder du groupe Cabaret Voltaire, comme ils l’indiquent eux-mêmes dans Biba KOPF, «Spreading The Virus», in The Wire n°164 (octobre 1997), London, The Wire Magazine Ltd. Article disponible à l’adresse: http://www.medialounge.net/lounge/workspace/crashhtml/utn/10.htm
38. Comme le note Charles NEAL dans son ouvrage Tape Delay: Confessions from the Eighties Underground, London, SAF Books, 1987, p. 228.
39. William BURROUGHS, «Academy 23 / The Invisible Generation», The Job (avec Daniel ODIER), op. cit., p. 163.
40. «Inspired by[Burroughs’ work], the tape recorder was a major weapon in Cabaret Voltaire’s Armoury in the early days of the information war they carried out, alongside Throbbing Gristle and other groups associated with the Industrial movement», Biba KOPF, «Spreading The Virus», in The Wire n°164 (octobre 1997), op. cit.
41. Cette révolution n’a en réalité rien d’étonnant au vu de l’histoire de l’Art du XXe siècle. Souvenons-nous qu’Auguste Renoir attribuait la naissance de l’Impressionnisme à la mise sur le marché de tubes de couleurs facilement transportables dans la poche, et que la Nouvelle Vague française a essentiellement pris son essor grâce à des caméras plus légères qu’on pouvait porter à l’épaule. Cf. également Mark PENDERGAST, The Ambient Century, from Mahlerto Moby—The Evolution of Sound in the Electronic Age, op. cit., p. 80.
42. «The Text of The Electronic Revolution was partly inspired by the prankster-like experiments conducted in London in the mid-60s by Ian Sommerville, summarised in an essay, “The Invisible Generation”, during which Sommerville would play back pre-recorded tapes, containing street noises, police sirens, subway recordings, etc, at specific locations and observe the disruptions they were able to cause», Biba KOPF, «Spreading The Virus», in The Wire n°164 (octobre 1997), op. cit.
43. «That was kind of doing sleight-of-hand—you should interview a magician about sleight-of-hand, because the whole thing behind stage music is misdirection», in Re/Search #11: Pranks, op. cit., p. 73.
44. Philippe MIKRIAMMOS, «The Burroughs Generation», William S. Burroughs, Paris, Seghers, 1975, p. 122.
45. «(…) the first lesson in contemporary intuitive and functional magick», Genesis BREYER P-ORRIDGE, «Magick Square and Future Beats / The Magickal Processes and Methods of William S. Burroughs and Brion Gysin», in Book of lies: the Disinformation guide to magick and the occult: (being an alchemical formula to rip a hole in the fabric of reality), op. cit., p. 106.
46. «Reason for operation was outrageous and unprovoked discourtesy and poisoned cheese cake…», William BURROUGHS, The Electronic Revolution, ubuclassics, p. 10.
47. «(…) his disgust and anger was so intense and intentional, so unforgiving and angry in the moment that he felt quite compelled to experimental “sorcery” (his word to me, take note)», Genesis BREYER P-ORRIDGE, «Magick Square and Future Beats / The Magickal Processes and Methods of William S. Burroughs and Brion Gysin», in Book of lies: the Disinformation guide to magick and the occult: (being an alchemical formula to rip a hole in the fabric of reality), op. cit., p. 106.
48. «Next[Burroughs] went back to his apartment and at various random places on the same cassette he recorded “trouble noises” over bits of the previous recordings. These were like police car sirens, gunshots, bombs, screams and other types of mayhem culled primarily from the TV news», ibid., op. cit., pp. 106-107.
49. «Within a very short time, the café closed down! Not only did it close down, but the space remained empty for years, unable to be rented for love, or money», Genesis BREYER P-ORRIDGE, «Magick Square and Future Beats / The Magickal Processes and Methods of William S. Burroughs and Brion Gysin», ibid., op. cit., p. 107.
50. «Well, Burroughs would explain that… reality is like a tape and if you cut it up and distort it you make things happen. Why they do remains a mystery. To what extent the mechanical manipulation of reality affects things is just not measurable. The basic answer is who cares, if it works? If nothing else a process like that is good therapy», Thee Psychick Bible / Thee Apocryphal Scriptures ov Genesis P-Orridge & thee Third Mind ov Psychic TV (Compiled & Edited by J. A. Rapoza), San Francisco, Alecto Entreprises, 1994, p. 48.
51. Dans Re/Search #11: Pranks, op. cit..
52. «The literary counterculture, dating back through the Beatniks via Surrealism and mavericks such as Celine or de Sade is a major tradition that informed many of the industrial groups[sic] even if they weren’t part of it. Experimental literature had peaked in the 60s, and the importance of the industrial groups’ awareness of it was primarily their role as disseminators and popularisers. Obvious examples of this include Industrial Records’ issue of a record of William Burroughs cut-ups, Nothing Here Now But The Recordings», Brian DUGUID, «A Prehistory of Industrial Music» (article non daté et sans numéro de page, consultable en ligne sur le site http://www.synesthesie.com/heterophonies/historique/Duguid-Prehistory.html).
53. «(…) Burroughs’s and Sommerville’s cut-up tapes, with the sounds of radio static and pneumatic drills mixed with read text, were definite precursors of Industrial music», Barry MILES, The Beat Hotel, Ginsberg, Burroughs & Corso in Paris, 1957-1963, London, Atlantic Books, 2001, pp. 6-7.
54. Re/Search #4/5: William S. Burroughs/Brion Gysin/Throbbing Gristle, op. cit.
55. a. b. Eric DUBOYS, Industrial Music for Industrial People, op. cit., p. 169.
56. Simon FORD, Wreckers of Civilisation: The Story of Coum Transmissions & Throbbing Gristle, London, Black Dog Publishing, 1999, p. 11.6.
57. «Indeed, after Balch’s death in 1980, the original negatives of many of the Burroughs-Balch-Gysin collaborations were so disregarded that they were very nearly thrown into the scraphead —quite literally— and were literally saved by the timely archival intervention of Genesis P-Orridge (Sargeant 1997: 187-8)», cité dans Retaking the Universe: William S. Burroughs in the Age of Globalization, edited by Davis Schneiderman&Philip Walsh, Pluto Press, 2004, p. 170, in 10. Jamie Russell, «Guerilla Conditions: Burroughs, Gysin and Balch go to the Movies».
58. Clémentine HOUGUE, «Le cut-up: “ut pictura poesis” au pied de la lettre», in Trans n°7, revue en ligne de Littérature générale et comparée de l’université Paris 3, juin 2006. Article disponible à l’adresse: http://trans.univ-paris3.fr/spip.php?article96
59. Voir le DVD Final Academy Documents, Cherry Red UK, 2002. Egalement The Final Academy Documents: Statements of a Kind, London, The Final Academy, 1982, le catalogue de l’événement co-organisé par Orridge, David Dawson et Roger Ely autour de l’œuvre de Brion Gysin et William Burroughs.
60. «The album materialised after Genesis P-Orridge and Peter Christopherson persuaded Burroughs to give them the tapes which had been in a shoe for over twenty years», Charles NEAL, Tape Delay: Confessions from the Eighties Underground, op. cit., p. 18.
61. Daphne KELLER, «The Musician as Thief: Digital Culture and Copyright Law», in Sound Unbound, Sampling Digital Music and Culture, edited by Paul D. Miller aka DJ Spooky that Subliminal Kid, Cambridge, The MIT Press, 2008, p. 135.
62. «As the power supply to each room in the[Beat] hotel was only 40 watts, residents were restricted in the amount of technology they could use, in any case», Barry MILES, The Beat Hotel, Ginsberg, Burroughs & Corso in Paris, 1957-1963, op. cit., p. 213.
63. Genesis P-ORRIDGE, «From the Archives of William S. Burroughs», livret de l’album Nothing Here Now But The Recordings (1959-1980), Industrial Records, 1981. Livret sans numéros de page.
65. Argument donné par Orridge dans Re/Search #4/5: William S. Burroughs/Brion Gysin/Throbbing Gristle, op. cit., p. 67: «Through various acts of faith we[Throbbing Gristle]’ve ended up acquaintances of Burroughs, and we’ve also applied some of his ideas and Brion Gysin’s ideas—about cut-up collage techniques with tape—to the sounds that we use. And it seemed very logical that we should actually try and make his original experiments with cut-up tapes available to the public, so that instead of just reading about them you could actually hear the results; And as most young people are more record-oriented, it would maybe have more effect on them to get hold of a record of it, when they may never read the book».
66. a. b. Genesis P-ORRIDGE, «From the Archives of William S. Burroughs», livret de l’album Nothing Here Now But The Recordings (1959-1980), op. cit.
67. Où Burroughs écrivait, à propos des cuts-up de bandes de films qu’il réalisait en 1968 avec Ian Sommerville et Anthony Balch: «In 1968, with the help of Ian Sommerville and Anthony Balch, I took a short passage of my recorded voice and cut it into intervals of one twenty-fourth of a second movie tape (movie tape is larger and easier to splice)—and rearrange the order of the 24th second intervals of recorded speech. The original words are quite unintelligible but new words emerge.», William BURROUGHS, The Electronic Revolution, ubuclassics, op. cit., p. 15.
68. William S. Burroughs, Break Through in the Grey Room, Sub Rosa, 1986, piste 2: «Origin and Theory of the Tape Cut-Ups» / From a Lecture given by William S. Burroughs at the Jack Kerouac School of Disembodied Poetics at Naropa Institute, April 20, 1976.
69. «I[Christopherson] suggested that it would be great to release a record of Burroughs’s original cut-up recordings», Biba KOPF, «Spreading The Virus», in The Wire n°164 (octobre 1997), op. cit.
70. «”Obviously, Throbbing Gristle were attempting to popularise or make accessible ideas that would otherwise have gone unnoticed,” says Peter Christopherson. “(…) even people who thought they knew Throbbing Gristle hopefully had experiences that were quite substantially different from what they were expecting. I think that was one of the reasons that we were constantly changing, trying to do things differently, because we wanted to break people’s conceptions and understanding of what was going on. In that sense, using Burroughsian techniques was perfectly justified.”, ibid.
71. «We[Christopherson and Orridge] knew there were boxes full of these tapes somewhere, and it was so appropriate for what we were doing with Industrial Records at that time, with Throbbing Gristle, that we really wanted people to be able to hear what they actually sounded like. Some of them were available on the soundtracks of the films that Anthony Balch did, and it was obvious from what you could hear that they were going to be very interesting», ibid.
72. Dans un entretien retranscrit grâce à un enregistrement de Paul Hurst, Orridge mentionne que la sélection n’est due qu’à Christopherson et lui, ce qui, bien évidemment, nous laisse dubitatif.
73. Ainsi Burroughs minimisera l’importance de ces bandes dans l’entretien accordé à Nicholas Zurbrugg en 1983: «that was just a little bit from the old tapes that I’d made. Those were experimental tapes. But what I mean is that I’ve never found it at all useful in the composition of writing because it’s more trouble to take it off the tapes than to make a first draft», Burroughs Live, the Collected Interviews of William S. Burroughs, 1960-1997, Los Angeles, Semiotext(e) Double Agents Series, 2001, p. 585.
74. Simon FORD, Wreckers of Civilisation: The Story of Coum Transmissions & Throbbing Gristle, op. cit., p. 11.6.
William BURROUGHS, The Soft Machine, Paris, Olympia Press, 1960.
—.The Ticket that Exploded, Paris, Olympia Press, 1961.
—. Nova Express, New York, Grove Press, 1964.
—.The Job (avec Daniel ODIER), London, Penguin, 1989.
—.Last Words: The Final Journals of William S. Burroughs, James Grauerholz Editor, New York, Grove Press, 2001.
—.Burroughs Live, the Collected Interviews of William S. Burroughs, 1960-1997, Los Angeles, Semiotext(e) Double Agents Series, 2001.
Genesis P-ORRIDGE, Thee Psychick Bible / Thee Apocryphal Scriptures ov Genesis P-Orridge & thee Third Mind ov Psychic TV (Compiled & Edited by J. A. Rapoza), San Francisco, Alecto Entreprises, 1994.
Henri CHOPIN, Poésie sonore internationale, Paris, Jean-Michel Place Editeur, 1979.
Eric DUBOYS, Industrial Music for Industrial People, Rosières en Haye, Camion Blanc, 2007.
Simon FORD, Wreckers of Civilisation: The Story of Coum Transmissions & Throbbing Gristle, London, Black Dog Publishing, 1999.
John GEIGER, Nothing Is True—Everything Is Permitted: The Life of Brion Gysin, New York, The Disinformation Company, 2005.
Gérard-George LEMAIRE, Burroughs, Paris, éditions Artefact, 1986.
Jimmy MCDONOUGH, Shakey: Neil Young’s Biography, New York, Anchor, 2003.
Philippe MIKRIAMMOS, «The Burroughs Generation», William S. Burroughs, Paris, Seghers, 1975.
Barry MILES, The Beat Hotel, Ginsberg, Burroughs & Corso in Paris, 1957-1963, London, Atlantic Books, 2001.
Ted MORGAN, Literary Outlaw: The Life and Times of William S. Burroughs, London, Pimlico, 1993.
Charles NEAL, Tape Delay: Confessions from the Eighties Underground, London, SAF Books, 1987.
Mark PENDERGAST, The Ambient Century, from Mahlerto Moby—The Evolution of Sound in the Electronic Age, New York and London, Bloomsbury, 2003.
Jean-Pierre TURMEL, Sordide Sentimental, Rosières en Haye, Camion Blanc, 2005.
Book of lies: the Disinformation guide to magick and the occult: (being an alchemical formula to rip a hole in the fabric of reality), New York, NY, Disinformation Co., 2003.
Modulations, Une histoire de la musique électronique, traduit de l’anglais par Pauline Bruchet et Benjamin Fau, Paris, Editions Allia, 2004.
Retaking the Universe: William S. Burroughs in the Age of Globalization, edited by Davis Schneiderman&Philip Walsh, Pluto Press, 2004.
Sound Unbound, Sampling Digital Music and Culture, edited by Paul D. Miller aka DJ Spooky that Subliminal Kid, Cambridge, The MIT Press, 2008.
The Lives & Art of Genesis P-Orridge, Brooklyn, Soft Skull Shortwave, 2003.
Noëlle BATT, L’Ecriture de William Burroughs, thèse de Doctorat de Troisième Cycle sous la direction de M. Pierre Dommergues, université de Paris VIII-Vincennes, 1975.
Christophe BECKER, L’Influence de William S. Burroughs dans l’œuvre de William Gibson et Genesis P-Orridge. Thèse de Doctorat en Langues, Littératures et Civilisations des pays anglophones, sous la direction de Noëlle Batt, Paris: université Paris VIII, 2010.
Benoît DELAUNE, Le Cut-Up chez William S. Burroughs: modèle plastique, création littéraire, thèse de littérature générale et comparée sous la direction de M. Didier Plassard, Université Rennes 2, 2003.
Clémentine HOUGUE, «Le cut-up: “ut pictura poesis” au pied de la lettre», in Trans n°7, revue en ligne de Littérature générale et comparée de l’université Paris 3, juin 2006.
Article disponible à l’adresse: http://trans.univ-paris3.fr/spip.php?article96
John G. WATTERS, The Magical Universe of William S. Burroughs, thèse en langue et littérature des pays anglophones sous la direction de M. Jean-Claude Dupas et M. Oliver Harris, Université de Lille III / Université de Keele, 1999.
Re/Search #4/5: William S. Burroughs/Brion Gysin/Throbbing Gristle, San Francisco, RE/Search Publications, 1982.
Re/Search # 6/7, Industrial Culture Handbook, San Francisco, RE/Search Publications, 1983.
Re/Search #11: Pranks, San Francisco, RE/Search Publications, 1987.
Brian DUGUID, «A Prehistory of Industrial Music» (article non daté et sans numéro de page, consultable en ligne sur le site
http://www.synesthesie.com/heterophonies/historique/Duguid-Prehistory.html).
Biba KOPF, «Spreading The Virus», in The Wire n°164 (octobre 1997), London, The Wire Magazine Ltd.
Article disponible à l’adresse
http://www.medialounge.net/lounge/workspace/crashhtml/utn/10.htm
William BURROUGHS, The Electronic Revolution, ubuclassics. Texte consultable sur le site http://www.ubu.com
Richard KADREY & Suzanne STEFANAC, «J. G. Ballard on William Burroughs, Naked Truth», article consultable à l’adresse du magazine en ligne Salon: http://www.salon.com/sept97/wsb970902.html
Becker, Christophe (2013). « «Love War Riot» (1) ». Pop-en-stock, URL : [https://popenstock.uqam.ca/articles/love-war-riot-1], consulté le 2024-12-21.