Si la pornographie a longtemps été considérée comme un sous-genre méprisable, elle a fini par se démocratiser au point de devenir, comme a pu le faire remarquer Julien Servois, dans Le cinéma pornographique, l’un des grands genres cinématographiques du divertissement populaire, à côté du thriller, du film d’horreur et de la comédie sentimentale. (2009:14) Le porno, malgré son aspect itératif, propose une véritable exploration des possibilités et des limites du corps. Il met en scène, comme le font, d’une autre manière, le cinéma d’aventure et le fantastique, des fantasmes dans lesquels le spectateur peut être en mesure de se projeter. Le désir scopique du spectateur ne saurait pourtant plus se contenter, aujourd’hui, des images d’Épinal du X mainstream. Les clichés de la soubrette ou de l’infirmière nymphomane, hérités du cinéma porno des années soixante-dix, ne dominent plus le marché du X qui a fini, avec l’émergence d’internet et du gonzo, par proposer des choses beaucoup moins écrites et beaucoup plus violentes. Dans ce type de productions, les jeunes femmes, souvent âgées de moins de vingt ans, sont sauvagement battues, agressées et mutilées. Difficile de savoir dans quelles mesures les actrices qui tournent ces scènes sont consentantes, mais l’imaginaire du snuff a bel et bien contaminé celui de la pornographie. Dans son ouvrage Gang bang, le philosophe Frédéric Joignot illustre ce propos en s’appuyant sur de nombreux exemples. Il évoque, entre autres, des scènes de gorge profonde si violentes que les actrices s’évanouissent ou vomissent et des tournages zoophiles au cours desquels de très jeunes femmes sont obligées de copuler avec des chiens avant de manger leurs excréments. (Joignot, 2007: 79) Il est devenu facile, aujourd’hui, de tomber sur de telles scènes, or cette prolifération de vidéos extrêmes répond bien à une demande. Le X n’est plus un simple objet masturbatoire, il est un espace ouvert sur l’impossible mettant en scène des pratiques proches de celles que l’on pouvait trouver dans les œuvres de Sade. Chercher à donner vie aux écrits du Divin Marquis, telle serait, peut-être, l’ambition de ces nouveaux pornographes qui en appellent à la curiosité malsaine d’un public de plus en plus difficile à contenter. Mais si, comme a pu le faire remarquer Jean Bellemin-Noël dans Psychanalyse et littérature, le lecteur d’un roman comme Les 120 journées de Sodome peut se libérer de certaines tensions en fantasmant à partir du texte sadien (2012: 59), il semble plus difficile pour le spectateur de pornographie extrême de construire, à partir des images qui lui sont présentées, un nouvel imaginaire.
Le porno dit «déviant» (SM hard, scato, zoophile) surexpose les corps d’une manière bien plus chirurgicale que le X traditionnel. La caméra s’attarde sur des orifices saturés, explosés et sanguinolents. Comme le gore, la pornographie extrême cherche à écœurer en montrant l’intériorité des corps. Dans Sex putrid object, on peut voir l’artiste Thistle Arlequin se masturber à l’intérieur de la carcasse en putréfaction d’un cheval. Dans cette vidéo virale, le jeune homme, grimé en Lady Gaga, va juste à s’enfoncer dans l’anus les intestins de la bête morte. Ce film très court, d’à peine trois minutes, cherche moins à exciter le spectateur qu’à le répugner. L’acte nécro-zoophile est mis en scène, de la même manière qu’un snuff. Le décor, d’une saleté repoussante, et l’éclairage sombre contribuent à rendre la scène insoutenable. On ne cherche pas, comme dans 2 girls 1 cup, autre vidéo virale présentant une scène scatologique entre deux jeunes filles, à magnifier l’acte sexuel. Il y a, dans Sex putrid object, une véritable cohésion entre le fond et la forme. Il devient cependant difficile de parler encore de pornographie tant l’ambition première de la vidéo ne semble pas masturbatoire. Quel serait alors le but d’une telle performance? Repousser les limites de la morale? Montrer que tout objet peut potentiellement être érotique?
Sex putrid object appartient plus au domaine du gore qui expose, comme a pu le dire Marie-Thérèse Journot, dans Le vocabulaire du cinéma, la transformation de la figuration des corps. Cette relation entre le gore et la pornographie avait déjà été évoquée par Éric Dufour, dans Le cinéma d’horreur et ses figures:
On voit qu’il y a quelque chose de commun au gore et au porno. Le porno, comme le gore, a pour thème le corps et, ce qui, dans les deux cas, est montré, c’est ce qui, habituellement, on cache: dans un cas, le sang qui gicle, les tripes qui sortent, les ventres qui s’ouvrent et, dans l’autre, les fellations, pénétrations et éjaculations. Ce n’est pas seulement le thème, c’est-à-dire le corps, qui est commun aux deux genres, mais aussi une certaine structure, à savoir celle de la répétition: le gore, comme le porno, fonctionne, sur le retour du même c’est-à-dire du semblable et non de l’identique, puisqu’on sait dans les deux cas ce qui va se passer, toute la question est de savoir comment cela va se produire. (Dufour, 2006: 145)
Ces deux genres, souvent dénigrés, ont fini par s’allier. Le gore, à travers l’exemple de vidéos telles que Sex putrid object, a contaminé l’univers de la pornographie. Mais cette idée de contamination est aussi réversible. On peut ainsi évoquer, au sein de ce sous-genre du cinéma d’exploitation qu’est le torture porn (terme censé définir une série de films dans lesquels des jeunes gens, souvent des filles, sont agressés, violés et mis à mort), une tendance à montrer frontalement les actes sexuels. Ainsi, dans A serbian film de Srdjan Spasojevic, une jeune femme, qui vient de se faire arracher les dents, est contrainte de faire une fellation à son bourreau. Bien que le film de Spasojevic ne puisse être considéré comme pornographique (seule la fellation, par l’intermédiaire d’une prothèse, est montrée), il propose tout un panel de pratiques sexuelles extrêmes auxquelles des enfants voire des nouveau-nés participent. Le gonzo est devenu snuff et la pédo-nécrophilie ne pose plus ici de problèmes éthiques. Le torture porn, même le plus soft (on peut penser à la série des Saw ou des Hostel) cherche à mettre en scène ce que le gonzo ne peut pas montrer. On passe donc sans problème du viol et de la torture au meurtre, puisque les êtres ne sont plus que des corps dépourvus de consciences, des objets de jouissance éphémère semblables aux victimes sadiennes. Cet imaginaire de la réification est propre au genre du torture porn mais aussi au domaine plus large de la pornographie qui se fixe plus sur les organes et les orifices sexuels que sur les corps dans leur intégralité. Si les films de série B et Z ont toujours été teintés d’érotisme et de sadisme (on peut évoquer, entre autres, les rape and revenge movies, les films de la naziexploitation ou encore les œuvres, plus soft, d’un Jesus Franco ou d’un Jean Rollin), c’est parce que le sexe est indubitablement lié à la mort. Le spectateur du torture porn serait donc à la recherche d’une forme de catharsis puisque, comme a pu le démontrer Georges Bataille, dans l’ensemble de son œuvre, l’érotisme est l’expérience d’un désir illimité qui peut aller jusqu’à la mort, de l’autre ou de soi.
En allant encore plus loin que le torture porn, dans la représentation de l’horreur, le porno gore est devenu, en quelque sorte, le substitut légal du snuff. Il faut remonter aux années 70 pour trouver les premiers exemples du genre. Alors que le gore, avec des auteurs tels que Herschell Gordon Lewis et Romero, est en pleine émergence, certains réalisateurs décident de renouveler le X qu’ils jugent déjà sclérosé en y intégrant des éléments horrifiques. En 1974, avec Hard Gore, Michael Hugo mélange le X traditionnel, avec son lot de scènes saphiques et de fellations, et le gore en montrant, entre autres, une éjaculation de sang sur le visage le l’héroïne et une scène de copulation entre un médecin pervers et le cadavre d’une jeune femme. Précurseur du gore porn, le film de Hugo, plus pornographique que réellement gore, est volontairement humoristique. Ainsi, dans une scène d’un kitsch assumé, des godemichés volants éclaboussent l’héroïne de sperme. Malgré sa grande violence, le porno gore ne prétend pas, la plupart du temps, à l’illusion réaliste. Son caractère amateur, ses effets spéciaux limités en font une sorte de spectacle du Grand Guignol plus amusant que réellement transgressif. Des films comme Sexandroïde, du réalisateur français Michel Ricaud, participent à cet imaginaire carnavalesque en introduisant des figures de films d’épouvante tels que le vampire ou la créature de Frankenstein. Si les scènes sanglantes (énucléation, seins transpercés ou encore anthropophagie) sont assez nombreuses, elles ne prétendent pas, de la même manière que les actes sexuels du X, représenter une quelconque réalité. Pour Philippe Ross, auteur des Visages de l’horreur, le gore n’est qu’une accumulation, quasi maladive et quasi ininterrompue, de meurtres plus horribles les uns que les autres, et ce, sans aucun souci de vraisemblance ou de logique (Ross, 1985: 9). La pornographie fonctionne sur le même principe. Les actes sexuels sont répétés à l’excès avec leur lot de variantes et les corps jouissent aussi abondamment que le sang coule dans les films gores.
Le porno gore représente la fusion de ces deux extrêmes. C’est une porte ouverte sur le monde sans limites du fantasme dans lequel le «ça» freudien a supplanté le «moi» et le «surmoi». Les personnages du gore porn n’ont pas de réelle identité. Ils ne sont que de simples supports fantasmatiques sur lesquels le spectateur peut projeter ses propres désirs, mais aussi ses peurs et son dégoût. Or, comme a pu le dire Bataille, le désir érotique suppose la dissolution relative de l’être puisque, dans la fusion, les êtres se détruisent dans la mesure où leur structure d’êtres fermés est cassée (1957: 24). Les héros du porno gore fusionnent dans le sperme et dans le sang, ils ne sont qu’un amas de chair sans âme à l’image des participants de l’orgie finale du Society de Brian Yuzna. Avec son diptyque The Necro-files, le réalisateur de série Z Matt Jaisle met en scène un personnage de zombie en décomposition qui cherche à violer et à tuer le maximum de femmes. Avec ces films, mais aussi d’autres tel que L. A. Zombie de Bruce Labruce, le porno gore présente de nouveaux corps et de nouvelles possibilités de jouissances. Toutes les parties de l’anatomie peuvent ainsi être pénétrées et pénétrantes qu’il s’agisse des intestins, des yeux ou encore du cerveau. Le gore porn va plus loin que le porno dit déviant qui, malgré la variété de corps considérés comme monstrueux qu’il met en scène (obèse, nain, hermaphrodite, cul-de-jatte, homme-tronc, etc.), ne s’intéresse qu’à des êtres vivants et appelés à le rester. Les monstres et autres zombies sont devenus des icônes de la pornographie parce qu’ils représentent l’homme dans son état le plus sauvage, débarrassé des carcans de la loi et de la morale. Les femmes prennent même le pouvoir, dans plusieurs de ses films, au point où on en arrive à se demander si le porno gore ne serait pas, sous certains aspects, un genre féministe. Dans Killer Pussy de Takao Nakano, l’héroïne, contaminée par un parasite, se trouve dotée d’un vagin denté qui s’attaquera à tous ceux et celles qui l’approcheront de trop près. Le porno gore, proche ici dans ses thématiques des premiers films de Cronenberg, permet à la femme, trop souvent considérée comme un objet sexuel docile dans le X mainstream, de prendre le pouvoir. On retrouve cette même idée dans Grub Girl de Craven Moorehead, qui reprend la structure classique des rape and revenge movies des années 70 en contant l’histoire d’une femme qui, revenue à la vie à la suite d’un viol nécrophile, massacre tous les hommes avec qui elle a des rapports sexuels. Le film de Moorehead, contrairement à des œuvres telles que La dernière maison sur la gauche de Wes Craven ou encore I spit on your grave de Meir Zarchi, est cependant teinté de fantastique et ne prétend pas représenter des meurtres d’une manière un tant soit peu réaliste. On est dans le domaine de l’imaginaire pur puisque les corps meurtris, comme ceux des victimes sadiennes, ne semblent jamais réels. Le sang qui gicle en geysers n’a plus aucune matérialité, il est un artifice fantasmatique au même titre que le pénis disproportionné du zombie de The Necro-files.
Mais le porno gore recherche parfois aussi l’effet de réel. En mettant en scène des assassins filmant les sévices qu’ils font subir à leurs victimes avant de les mettre à mort, il emprunte énormément au snuff. Certains films de genre ont d’ailleurs été pris à tort pour de véritables snuff movies, c’est notamment le cas de l’épisode deux de la série des Guinea Pig réalisé par le japonais Hideshi Hino et mettant en scène le démembrement d’une jeune femme par un psychopathe déguisé en samouraï. Le porno gore joue avec l’imaginaire du snuff au point d’en proposer parfois une troublante alternative. On retrouve cette idée, dans le cinéma de Marco Mallatia, qui avec Kitva’s Wormhole, joue avec le topos du film retrouvé, procédé auquel le cinéma de genre, de Cannibal Holocaust au Projet Blair Witch, s’est également beaucoup intéressé. En présentant son film comme un snuff movie clandestin que l’on aurait retrouvé sur une vieille cassette VHS dans un entrepôt miteux, le réalisateur joue la carte du réalisme glauque. Il s’en suit des scènes d’humiliations sexuelles, de tortures, d’émétophilie d’autant plus insoutenables qu’elles paraissent réelles. Kitva’s Wormhole semble être la version extrême du Bunny Game d’Adam Rehmeier qui, bien que traitant du même sujet, optait pour une mise en scène moins épurée et beaucoup plus proche, dans l’esprit, des expérimentations du cinéma cyberpunk japonais. Mallatia, tout comme Lucifer Valentine, auteur de la trilogie Vomit Gore et autoproclamé inventeur du gore porn émétophile, cherche volontairement à dégoûter le spectateur en franchissant sans cesse les limites de la représentation. Si contrairement au gonzo le plus trash (BDSM extrême, scato, etc.), les films de Mallatia et Valentine sont relativement travaillés au niveau de leur mise en scène, ils n’en demeurent pas moins attachés, pour reprendre les propos tenus par Philippe Rouyer, à propos du cinéma gore, à dire l’indicible et à filmer l’immontrable (1997 :201). Notre incursion dans le domaine du porno extrême nous invite cependant à nous poser bon nombre de questions. En effet, à force de trop rechercher l’effet de réel, ce type de pornographie ne se rapproche-t-elle pas intimement du concept même de snuff?
La question du consentement des acteurs et actrices peut, comme dans le porno extrême, poser problème. Ainsi, le BDSM japonais ultra-violent du diptyque Pain Gate présentant de jeunes Nippones torturées et mutilées sans qu’il n’y ait recours à aucun trucage, joue habilement avec les limites de la légalité. En montrant des pratiques d’une violence hors-norme mais apparemment consenties, il offre un cas limite de la représentation SM en s’approchant, d’une manière similaire au Kitva’Wormhole de Mallatia, de la notion de snuff. Les acteurs de ces pornos gore extrêmes sont-ils en pleine possession de leurs moyens, jouissent-ils réellement du traitement qu’ils sont obligés de subir? Difficile, pour ne pas dire, impossible de répondre à ces questions et c’est sans doute pour cela que le gore porn fascine. Il correspond parfaitement à la définition qu’Estelle Bayon donne de l’obscénité dans son ouvrage Le cinéma obscène:
L’obscène est un franchissement vers un autre territoire, une quête vers une «tension vers l’impossible» semblable à un désir simple et naturel de curiosité envers l’inconnu, et également le surgissement de territoire inconnu dans l’espace connu, comme une violation, un frottement spatial entre deux zones, dont l’une, imperceptible, se donne soudain à voir. (2007: 88)
Si la tendance ultra-réaliste du porno gore le rapproche, comme on a pu le voir, du concept de snuff movie, il ne faut pas non plus occulter l’importance massive, au niveau de la production, du gore porn fantastique qui joue avec les codes de la pornographie et du cinéma horrifique pour mieux les subvertir. Ainsi, le délirant Slaugher Disc qui voit un amateur de films X se faire attaquer par l’actrice principale de la vidéo nécrophile hardcore qu’il est en train de regarder serait, selon son réalisateur David Quetmeyer, un anti-porno. Bien que l’on puisse y percevoir des références au Vidédrome de Cronenberg, Slaugher Disc n’interroge pas réellement la fascination malsaine des spectateurs pour l’univers du snuff. Le film, en multipliant les scènes de dévoration et de mutilation, se présente comme un pur divertissement de genre qui, bien que pâtissant d’un manque de moyens flagrant, préfère la surenchère grotesque au réalisme putride des œuvres de Marco Mallatia. Si le gore porn, contrairement au porno classique et au gore, est un genre encore peu diffusé et assez marginal, il semble avoir contaminé le cinéma d’horreur qui, avec la mode du torture porn, n’a cessé de mettre en scène des jeunes filles violées et torturées par des sadiques psychotiques. Que l’on évoque la scène du viol dans la caravane de La Colline a des yeux d’Alexandre Aja ou encore les innombrables scènes d’agressions sexuelles particulièrement barbares de A serbian film, il semble que le film d’horreur chercherait désormais moins à effrayer qu’à choquer. Les fantômes et vampires ont été remplacés par des assassins ou des êtres génétiquement modifiés physiquement plus proche de nous. L’immense succès de la série des Saw a réimposé le tueur en série, quelque peu en désuétude depuis la fin des années 90, comme la figure majeure d’un cinéma horrifique utilisant, à l’image des pornos hardcore de Mallatia ou de films underground tels que Amateur porn star killer de Shane Ryan, un imaginaire BDSM très marqué. La torture, notamment sexuelle, est au centre de nombreuses productions contemporaines. Ainsi, dans Hostel II d’Eli Roth, une jeune fille, attachée au plafond par une corde, est lacérée à coup de faux par sa tortionnaire qui finira, telle la célèbre Comtesse Bathory, par se baigner nue dans son sang. Le torture porn, bien que pouvant être considérée, dans une certaine mesure, comme la variante soft du porno gore, doit beaucoup à l’apport de la philosophie sadienne. Pour le divin Marquis, le corps n’est qu’un objet que l’on peut disposer selon sa volonté, son caprice et son désir. Dans le torture porn et le porno gore, il n’a pas plus aucune valeur. L’être humain, pour reprendre les propos tenus par Serge Portelli à propos de Sade, dans son ouvrage Pourquoi la torture?, ne peut même plus être considéré comme une victime puisqu’on lui refuse même le droit d’avoir une identité (2011: 192). Cette thématique de la réification des êtres est, comme a pu l’analyser Michel Barroco, dans son livre Les tueurs en séries, également propre aux films pornographiques:
On ne peut pas dire que la pornographie pousse au meurtre. Ce que l’on peut remarquer c’est la réification à l’œuvre dans les films X et dans les meurtres des serial killers. Le rôle de l’actrice de X est d’être à la disposition des fantasmes des hommes. La fonction d’une victime pour un serial killer est de lui permettre d’assouvir ses fantasmes, si violents soient-ils. (2006: 78)
Le gore porn est l’incarnation totale d’un fantasme de voyeurisme extrême. L’actrice de X, violée, battue et dépecée, n’est plus, au sens propre comme au sens figuré, qu’un bout de viande. Le porno comme le gore cherche l’image-choc. Ces deux genres ont toujours poussé si loin les limites de la représentation que leur coalition paraissait inévitable. Si le porno gore, qui doit beaucoup à l’imaginaire du snuff, peut être d’une radicalité étouffante, c’est aussi un genre humoristique qui se moque de ses propres excès. L’humour permet de dédramatiser la représentation de l’horreur afin de mieux en dénoncer la fausseté. Cependant, à trop rechercher l’effet de réel, des réalisateurs tels que Marco Mallatia ou Mariano Peralta, l’auteur de Snuff 102, finissent par confondre la fiction avec le documentaire. À une époque où des sites internet comme Rotten exposent des corps réels mutilés ou en décomposition, le gore porn est appelé à se montrer encore plus radical puisque, comme l’avait si bien démontré Sade, à son époque, l’homme est naturellement mauvais.
BARROCO, Michel. 2006. Les tueurs en série. Paris: Le Cavalier Bleu, 127p.
BATAILLE, Georges. 1957. L’Érotisme. Paris: Minuit, 286p.
BAYON, Estelle. 2007. Le cinéma obscène. Paris: L’Harmattan, 290p.
BELLEMIN-NOËL, Jean. 2012. Psychanalyse et littérature. Paris: PUF, 288p.
DUFOUR, Éric. 2006. Le cinéma d’horreur et ses figures. Paris: PUF, 224p.
JOIGNOT, Frédéric. 2007. Gang-bang. Paris: Seuil, 202p.
PORTELLI, Serge. 2011. Pourquoi la torture? Paris: Vrin, 312p.
ROSS, Philippe. 1985. Les visages de l’horreur. Paris: Edilig, 207p.
ROUYER, Philippe.1997. Le cinéma gore. Une esthétique du sang. Paris: Éditions du Cerf, 256p.
SERVOIS, Julien. 2009. Le cinéma pornographique. Paris: Vrin, 154p.
Demangeot, Fabien (2015). « Le porno gore ». Pop-en-stock, URL : [https://popenstock.uqam.ca/articles/le-porno-gore-emergence-dun-genre-ambigu], consulté le 2024-12-11.