Face aux grands bouleversements amorcés en Occident par l’industrialisation et l’entrée dans la modernité, de nombreux penseurs issus des disciplines tant anthropologiques que philosophiques, économiques ou sociologiques, ont proclamé, non sans amertume, le passage d’une culture essentiellement folklorique et populaire, à une culture dite « de masse ». Dès le XIXe siècle en effet, l’on assiste à une mutation des éléments de la culture populaire traditionnelle, qui change de mode de production et de diffusion, sous l’impulsion notamment de nouvelles techniques de communication (d’abord la presse, ensuite la radio, puis la télévision) qui vont relayer l’information de manière massive et influencer les productions artistico-culturelles à chaque époque. La culture populaire ou culture de masse selon l’angle à partir duquel on l’observe (comme contenu ou comme structure), soit cette « culture d’une société en tant qu’elle ne s’identifie pas à ses élites [1] » se transforme dès lors au gré des mutations sociales, économiques et politiques des sociétés modernes. Que l’on observe ces mutations d’un œil « apocalyptique » ou « intégré [2] », force est de constater que cette culture venue du peuple, change sans cesse de support, d’angles, de priorités, et que ses produits se reconfigurent à chaque époque, pour venir épouser les contours de réalités nouvelles. J’aimerais me focaliser ici sur certaines manifestations contemporaines de ces mutations du populaire, à l’heure d’Internet et du numérique.
À ce propos, Alice Marwick résume la pensée de plusieurs chercheurs et chercheuses qui pressentent aujourd’hui le passage d’une société de consommation (maintes fois décriée notamment par l’École de Francfort et les situationnistes) à une société de production [3]. Cette logique se cristallise en particulier dans la transition du Web 1.0 au Web 2.0 : d’un internet statique, conçu uniquement pour la lecture, sans échange aucun entre professionnels du web et particuliers, on transite alors peu à peu vers un web participatif, social, qui incite au partage et à l’échange d’informations. Actuellement, on assiste même à la mise en place d’un Web dit 3.0, car axé sur la personnalisation des composantes du net. En effet, le contenu des sites est aujourd’hui extrêmement personnel, personnalisé et personnalisable grâce au partage de données, ce qui incite les internautes à militer, s’éduquer, prendre des engagements au sein d’une communauté qui partage les mêmes valeurs qu’eux [4]. Nous sommes bien loin en effet de cette passivité absolue des consommateurs face à leur écran, dénoncée à grands tirs par les intellectuels du siècle dernier.
C’est sur cette dimension participative de la culture sur Internet que je me pencherai ici, en interrogeant en particulier la manière dont de nouvelles formes de productions culturelles, issues du Web, permettent la mise en place de communautés sociales, culturelles et politiques. Par l’expansion et la diffusion sans précédent des contenus qu’il autorise, le Web actuel contribue fortement au dynamisme culturel moderne, incitant les objets populaires à se réinventer constamment, en prenant de nouvelles formes comme en choisissant de nouveaux canaux de communication et de diffusion, ce pour rester toujours au top des tendances et stimuler l’intérêt d’un public qui consomme les contenus médiatiques comme jamais. À cet égard, j’étudierai les « memes [5] » numériques en tant que mutations du populaire, dans la mesure où ces “piece[s] of culture, typically a joke, which gains influence through online transmission [6]” m’apparaissent comme la meilleure illustration de la dynamique participative d’Internet. Ces éléments culturels (tant des images, que des musiques, des citations, ou des vidéos) n’existent effectivement que par l’interaction entre des contenus populaires et des internautes. Plus précisément, je me focaliserai sur les memes féministes, qui, à l’instar de nombreux autres memes prenant pour thème les luttes identitaires et sociopolitiques, sont créateurs de réseaux, voire de communautés web qui se rassemblent ici sous l’étendard de la lutte, humoristique ou plus sérieuse, contre le sexisme, la misogynie, le patriarcat etc. À la suite de Carrie A. Rentschler et Samantha C. Thrift, j’argumenterai que les capacités de réseautage et de distribution de certaines plateformes en ligne, “cultivate new modes of feminist cultural critique and models of political agency for practicing feminism through meme production and propagation [7]”. Après avoir établi un bref historique des origines du meme numérique, je le relierai à plusieurs mouvements sociaux qui l’utilisent comme arme critique de la société et de ses biais rétrogrades (sexistes, racistes, homophobes, entre autres). Enfin, j’analyserai plus en détails quelques exemples de memes féministes, ce pour mettre en évidence leur potentiel politique et rassembleur.
La première occurrence du terme « meme » (qui se prononce « mème » en français et se distingue du terme « même ») apparaît dans les théories évolutionnistes du biologiste Richard Dawkins. Ce dernier, analysant les modalités de transmission du matériel génétique, en vient à affirmer que le matériel culturel se propage de manière similaire, suivant une logique d’imitation du comportement d’une personne par rapport à une autre. Dans ce contexte, les memes renvoient alors à de “small cultural units of transmission” qui, suivant le principe de propagation des gênes, “flow from person to person by copying or imitation [8]”. Il identifie par la suite trois éléments essentiels à une réplique génétique/mémétique réussie : la copy-fidelity, comprise comme la capacité à répliquer fidèlement; la fecundity, qui renvoie à la vitesse à laquelle la réplique est proposée; et la longevity, soit la stabilité du meme dans le temps [9]. Cette première entreprise de théorisation du phénomène social que représente le meme, scruté ici sous la lunette scientifique et dans un contexte pré-Internet, verra émerger dans les années 1990 la discipline « mémétique », approche qui, dans la lignée de Dawkins, cherche à penser les phénomènes socioculturels en termes évolutionnistes. Bien que la discipline soit regardée avec fort dédain par les sociologues, anthropologues et autres scientifiques, elle marque une étape dans l’étude des objets culturels que constituent les memes, puisqu’elle tente, sans franc succès il faut l’avouer, d’en faire des sujets d’études crédibles et pertinents pour de nombreuses disciplines. Propulsé dans nos interactions quotidiennes par le développement du Web accessible à tous, le meme occupe de plus en plus de place dans le champ académique et mobilise aujourd’hui les chercheurs et chercheuses de tous bords qui voient en lui un reflet de nos modes contemporains d’interactions.
Caractérisé par son fort potentiel de transmission, de diffusion, soit de « viralité », le meme tel qu’il se développe avec le numérique, consiste en la réappropriation d’un matériel visuel (images, extraits de films ou de clips) ou audio (discours, phrases de personnalités publiques etc.) par un individu, puis par une communauté qui va le faire circuler massivement. Il apparaît alors comme une forme de discours quasi-littéraire selon Jean-Michel Berthiaume qui le décrit comme « un texte, une œuvre d’art, une expression individuelle qui existe entre l’art visuel, l’art conceptuel et l’art post-internet[10] » et vise à être diffusé à un plus large public. Cette conception du meme en tant que discours littéraire nous montre bien que celui-ci constitue une sorte de mutation du populaire, en tant que reconfiguration contemporaine d’une forme ancienne sur un nouveau support. Ici, cependant, la dimension participative est essentielle, car il ne s’agit pas simplement de produire une œuvre destinée à un public particulier qui va la recevoir plus ou moins activement. Au contraire, tout l’enjeu des memes est d’inciter à la réplique, à la réappropriation infinie du gabarit originel. Pour reprendre les mots d’Alice Marwick, il importe de distinguer deux types de memes, soit les “viral videos [or images]” et les “memetic videos [or images]” : “while some memes are just trendy pictures or videos that get passed around verbatim, others encourage a type of iteration, imitation, parody, and satire that can spawn literally thousands of variants. Memes, then, can become raw material for creativity[11]”. Bien sûr, les objets devenus memes ne sont pas à l’origine destinés à cet usage, puisque tout meme est en principe « détournement » d’un objet primaire pour y apposer un sens secondaire. À l’image des situationnistes qui revendiquaient le « détournement » des objets culturels de l’élite à des fins transgressives, l’enjeu du meme contemporain est bien “the subversion of dominant meaning by ‘rerouting spectacular images, environments, ambiances, and events’ (Lasn, 1999; 103) in order to ‘[give] new meaning to the images – a meaning that carries a political message or social commentary’ (Pickerel et al., 2002; n.p. ; see also Debord, 1967)[12],” comme l’expliquent Rentschler et Thrift.
L’exemple le plus probant de cette pratique du détournement, à leur insu, d’éléments issus de la culture, pour les subvertir et en changer complètement le sens, est la réappropriation totale, par des groupuscules suprémacistes blancs, du meme « Pepe the Frog ». Cette grenouille verte, personnage principal de la série de bandes dessinées réalisée par Matt Furie, Boy’s Club, donne dans un premier temps lieu au meme « Feels Good Man », puis à son corollaire « Feels Bad Man ». Les multiples images macros[13] de Pepe se répandent comme une traînée de poudre sur le web, jusqu’à être utilisées par des célébrités comme Katy Perry et Nicki Minaj pour exprimer des sentiments allant de la frustration, à la tristesse, en passant par la colère et la suffisance. C’est d’ailleurs cette dernière expression qui voit grandir la popularité du meme de Pepe, et l’amène aux portes des mouvements de la droite alternative (alt-right) étasunienne. Le meme devient rapidement un symbole du suprémacisme blanc, du néonazisme (pensons aux memes dépeignant Pepe avec une moustache et une croix gammée sur le bras), car il sert non plus à l’expression d’émotions brutes, mais à la revendication d’idéologies racistes, islamophobes, antisémites, misogynes etc. Notons que le fait que Donald Trump, à l’époque encore en lice pour la présidentielle de 2016, tweet un meme de Pepe, grimé en lui-même aux portes de la Maison Blanche, participe à en faire un symbole politique clair que vont immédiatement s’approprier les trumpistes. Le créateur de la bande dessinée devra carrément prendre la parole publiquement pour se distancier de ces détournements de son œuvre et des discours haineux qu’ils propagent. La récupération totale de Pepe the Frog par des mouvements d’extrême droite[14], au point qu’aujourd’hui le meme reste entièrement associé aux idéologies problématiques qu’ils font circuler[15], met bien en évidence le pouvoir du détournement numérique, qui transforme malgré eux des objets culturels en les dotant de significations nouvelles et parfois radicalement éloignées de celles qu’ils exprimaient à l’origine.
Ceci nous amène à considérer le caractère éminemment politique du meme, et ce, peu importe son contenu. Comme bien d’autres penseurs et penseuses qui s’intéressent à ces phénomènes numériques, Jean-Philippe Baril Guérard souligne la fonction de divertissement, d’information, mais aussi de critique et de mobilisation des memes, dont le potentiel politique s’illustre notamment durant la campagne québécoise de 2018[16]. Le meme relaie selon lui une idéologie, et peut même à certains moments, comme on l’a vu avec l’exemple de Pepe the Frog, s’immiscer dans la vie politique et l’influencer (en renforçant une base électorale, ou encore en incitant certaines communautés à ne pas aller voter comme ce fut le cas aux États-Unis en 2016). Baril Guérard identifie d’ailleurs plusieurs autres caractéristiques des memes : ils ont toujours une cible, leur format est bref, ils incitent à la créativité des internautes, ils sont contextuels et formatés par les centres d’intérêt individuels. Ce dernier aspect nous renvoie au concept de « filter bubble[17] », développé par le militant d’Internet Eli Pariser, pour décrire la manière dont l’information sur le net est filtrée et personnalisée avant de parvenir à l’internaute, ce qui a pour effet d’isoler ce dernier ou cette dernière en l’installant dans une « bulle » unique, construite pour sa personnalité propre par les algorithmes et ses choix de navigation. Ce faisant, nous aurions tous et toutes accès à une version différent du Web, que ça soit sur les moteurs de recherche comme Google ou sur les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter ou encore Instagram. Cette sélection d’informations fait en sorte que nous accédons presque uniquement à un contenu qui reflète nos centres d’intérêts, notamment idéologiques et politiques. Le concept de « filter bubble » nous permet dès lors de comprendre la dynamique technique grâce à laquelle des communautés d’intérêt peuvent se former autour de certaines memes : le fait que des groupes sociaux se rassemblent autour de memes ne serait donc pas uniquement le fruit de leur libre-arbitre, mais dépendrait aussi du fonctionnement actuel d’Internet qui fait en sorte que les individus accèdent en priorité à l’information et aux opinions qui leur ressemblent. Ces éléments considérés, voyons maintenant comment et pourquoi des « niches de sous-cultures » se forment par et à travers les memes et les discours politiques qu’ils transportent.
Si le contenu web auquel nous accédons est filtré par des algorithmes et grâce aux données que nous offrons en masse aux sites ou plateformes médiatiques, force est de constater que cela a un impact sur nos interactions en ligne. C’est-à-dire que les bulles de filtres ont pour effet, dans le cas du meme comme pour d’autres phénomènes culturels numériques, d’orienter notre appréhension et notre compréhension de ces objets. Les internautes vont alors s’exposer à un contenu mémétique qui correspond à leur cercle idéologique, et une fois sortis de ce cercle, auront sûrement plus de mal à saisir d’autres types de memes, ou du moins, ne les apprécierons pas de la même manière[18]. Si, par exemple, je suis habituée quotidiennement à du contenu antiraciste et féministe diffusé par des comptes que je suis sur Instagram, une virée sur 4Chan risque de m’ébranler, car le forum est réputé pour ses contenus antiféministes et son utilisation à outrance de « l’humour noir ». Pour illustrer ce phénomène avec des exemples moins radicaux, j’ai recensé quantités de pages (Facebook et Instagram, principalement) qui ont pour visée la création de contenus destinés à des initiés, soit à des internautes friands d’un type de memes particulier. C’est d’ailleurs le sens de la distinction opérée par Jean-François Provencal entre d’une part les gabarits dits « normies », gabarits usés et mainstream qui vont toucher un grand public; et d’autre part, les « memes de sous-cultures nichées[19] ». À l’image de certains films ou œuvres musicales indépendantes qui, au siècle dernier, attiraient exclusivement un public initié, s’opposant par là aux blockbusters et à la musique populaire, les memes numériques se segmentarisent, se spécialisent, et cherchent tantôt à attirer le plus large public possible à l’aide d’une diffusion massive de gabarits souvent postdatés, tantôt à rejoindre des groupes spécifiques et plus critiques de cette pratique.
C’est le cas notamment de groupes Facebook qui publient exclusivement des « antimemes » ou des « metamemes » et réfléchissent de l’intérieur la pratique et le discours mémétiques : à titre d’exemple, le groupe Facebook privé Neurchis d’antimemes, créé en réaction au groupe Neurchis de memes, rassemble près de 68 000 membres. Il se définit comme « LE groupe antimemique joyeux et non-oppressif », et incite les internautes à publier du contenu « anti », « meta », « crossover », ou « tout autre meme inclassable, inhabituel, expérimental ou hasardeux ». Plus encore, le groupe affiche clairement sa position de subculture, puisque la description mentionne que « l’antimeme est un marché de niche, il court moins les internets que son grand frère le meme, alors soyez créatifs ! Ne pas faire beaucoup de likes ne veut pas forcément dire que c’est si nul que ça, c’est peut-être même le contraire : ici mieux vaut peu de likes, mais les bons[20]. » Tout l’enjeu est là : il ne s’agit pas de publier un contenu facilement likable et creux, mais plutôt des pièces de qualité qui subvertissent le genre du meme soit en lui enlevant sa chute humoristique (« antimeme pur »), en détournant des templates pour proposer une chute différente de celle attendue (« reverse meme »), en décrivant littéralement ce qui figure sur le template (« littéral »), en transcrivant littéralement une expression métaphorique connue avec une image (« littébadpun »), en renversant les codes traditionnels du « meme game » pour faire rire (« meme absurde »), en allant à contresens de la réalité (« anti-reel »), et en jouant sur la forme et non sur le fond comme c’est le cas des memes classiques (« meta et crossovers »)[21]. La pratique mémétique prend ici une autre tournure, bien loin de l’aspiration à la viralité qui a pu la caractériser dans ses débuts, et, à l’instar de la littérature, devient métadiscursive et auto-réflexive.
Neurchi d’Antimemes s’inscrit dans la lignée de bien d’autres pages Facebook ou Instagram qui se chargent de publier du contenu spécialisé et original sous le mode du « neurchi de » (les groupes privés Neurchi de memes d’Actualités, Neurchis de memes sur template inadaptés, Neurchi de How I Met Your Mother) ou du « memes pour[22] ». Cette deuxième catégorie de pages est celle qui m’intéresse le plus, dans la mesure où elle présente non seulement du contenu mémétique destiné à un public précis, mais participe aussi à l’affirmation d’identités marginalisées qui se rassemblent au sein d’une communauté en ligne. Pour le dire autrement,
[n]ew participatory digital technologies have facilitated a dramatic shift in minorities’ accessibility to public discourse. In recent decades, virtual public spaces have become significant sites for collective identity formation (void, 2008; Jenkins, 2006); even more so regarding LGBTQ identities (Gross, 1998, 2001). Digital media enable such groups to gather in alternative public spheres, creating narratives that deviate from the dominant-hegemonic line (Goltz, 2013; Gray, 2009a). Participatory media – relatively accessible, mutual, less mediated, and less supervised – has raised the expectation for diversified representation of identities (Jenkins, 2006; Phillips, 2013; Rybas and Gajjala, 2007.)[23]
Selon Shifman et al., le meme numérique devient donc un outil discursif permettant notamment la narration de soi, et c’est pourquoi il apparaît d’autant plus essentiel pour des communautés minorisées, exclues des privilèges de la culture dominante et qui n’ont généralement pas droit à une voix politique publique. Prenant le cas de la communauté LGBTQIA2S+, Shifman et al. analysent le meme « It Gets Better » en tant qu’il constitue un safe place pour les internautes appartenant à cette communauté, leur permettant de témoigner de leur vécu du harcèlement, des violences physiques et sociales, ainsi que de leur vie après ces violences. Plus encore, la reprise mémétique de la vidéo originale « It Gets Better » par des centaines de personnes, illustre le fait qu’un meme part toujours d’un modèle de base, le template, qui va être soit imité (complaisance face à la norme) soit détourné (subversion). Le meme apparaît ici comme un acte performatif qui permet aux personnes qui s’y reconnaissent de déplier leur identité, sans tout le backlash qu’elles subiraient certainement en publiant ce contenu sur un autre support (un réseau social, par exemple).
Le cas des répliques mémétiques de la vidéo « It Gets Better » nous renseigne une fois de plus sur la nécessité pour certains groupes de créer des espaces « autres », « alternatifs », au sein desquels les membres peuvent exprimer leurs identités, mais aussi déployer leurs critiques idéologiques, sociales et politiques. Une simple recherche Instagram m’a permis de recenser plusieurs comptes dits « de niches », mais qui cette fois publient du contenu éminemment politique, pas juste humoristique. Les pages de type « memes pour » se divisent donc grossièrement en deux catégories : d’un côté, celles qui ne sont là que pour relayer des blagues portant sur certaines thématiques; de l’autre, celles qui vont axer leur contenu sur la critique sociopolitique, non sans humour et ironie, mais avec une visée plus sérieuse et iconoclaste. Bien sûr, des pages Instagram comme @best_of_grindr ou @desmemesgais font de l’humour leur pierre angulaire. Mais la démarche même de créer une page destinée avant tout aux membres de la communauté LGBTQIA2S+, dont les référents culturels sont issus et que le contenu macro cible directement, a quelque chose de politique, puisque cela témoigne d’une volonté de créer un espace à soi, où les internautes vont se comprendre entre eux et limiter les micro-agressions et le harcèlement qui viendraient avec une publication plus mainstream de ces contenus. Pareillement, j’ai dénombré plusieurs pages qui se revendiquent cette fois directement d’une obédience politique de gauche et militent pour la justice social, telles que @memes.socialistes.gourmands, @seize_the_memes, @sassysocialistmemes, @memesforequality, ou encore @intersectionalmemes et @antiracism_memes. Cela aura des conséquences sur la forme même des contenus : au lieu des images macros caractéristiques du détournement mémétique, on retrouve davantage, sur certains de ces comptes, de captures d’écran de tweets, ou de reposts d’autres pages Instagram qui n’ont pas toujours des allures de memes classiques, mais empruntent toutefois à ceux-ci leur logique de détournement, de réappropriation et de subversion.
Outre les noms, qui renvoient explicitement au socialisme ou à l’antiracisme, le contenu même se caractérise par son approche critique de tous les biais sexistes, homophobes, racistes, xénophobes et autres des politiques de droite et de la société capitaliste. La critique du capitalisme est d’ailleurs, et sans surprise, particulièrement forte au sein des pages énoncées plus hauts, où les références au communisme et à la figure de Marx fusent, proclamant la fin à venir de ce régime mortifère. D’un meme de Mariah Carey en tenue de Noël, où sa célèbre chanson « All I Want for Christmas Is You » devient « All I Want for Christmas Is La chute du capitalisme »; on passe à des images macros plus radicales qui mettent en scène le visage de Staline avec pour légende « Jesus Christ in the 20th century »; ou encore la figure de Karl Marx en opérateur téléphonique qui explique à la personne à l’autre bout du fil que « Your problem is due to capitalism. Any other questions that I can help with? ». Sur d’autres pages, l’enjeu n’est pas tant l’affiliation à un parti ou à des idéologies politiques, que la revendication de pratiques militantes intersectionnelles et du respect de toutes les identités (de genre, de race, de classe etc.). Par exemple, la page @memesforequality milite pour les droits de l’ensemble de la communauté LGBTQIA2S+, publiant beaucoup de contenu sur les enjeux trans, souvent oubliés des luttes mainstreams. Au moment des grosses manifestations Black Lives Matter l’été dernier, la page relayait également des memes ciblant les personnes noires trans, soulignant fortement l’apport de ces populations aux luttes LGBTQIA2S+ en général, laissé de côté par les mouvements plus blancs et cisgenres.
Cet aperçu global et sommaire des diverses niches numériques, qui se créent autour non seulement de centres d’intérêts, mais aussi d’identités marginalisées, doit maintenant m’amener à une analyse plus poussée d’un cas précis, qui illustre beaucoup des enjeux énoncés jusqu’ici : celui des memes féministes, et de leurs lieux d’émergence et de prolifération. Maintenant que j’ai démontré cet aspect dynamique, participatif, identitaire et politique du meme, je serai plus en mesure de cerner les retombées sociopolitiques de certains memes féministes connus (et qui ont pour la plupart déjà été consacrés et analysés) et moins connus (plus récents et moins viraux), ce qui me permettra de mettre à jour le processus par lequel ces contenus ciblés permettent la mise en place de communauté, à l’aide d’outils numériques qui ne sont que les formes contemporaines d’objets et de mécanismes de la culture populaire.
Comme cela a été le cas pour les autres pages mentionnées plus haut, j’ai recensé plusieurs comptes spécialisés dans la publication de contenu féministe, avec parfois une lunette antiraciste et gauchiste témoignant d’une volonté d’être le plus intersectionnel possible dans le matériel publié. Sur Instagram, j’ai entre autres dénombré : @memespourcoolkidsfeministes, @angryasianfeminist, @lobbygouine et @feministmemees. Pour ce qui est de Facebook, il y a plusieurs groupes et pages comme Feminist Memes, Feminist Memes for Radical Women, Feminist Memes Reloaded, Leftist Memes For The Intersectional Feminist ou encore Anarcha-feminist Memes for Leftist Sunbeams. Dans la majorité des cas, ces pages relaient des images macros, des captures d’écran de tweets ou autres publications engagées, et l’humour n’y est pas le procédé de détournement central. Cela étant, ces pratiques actuelles et quotidiennes des memes féministes n’ont pas le potentiel viral, au sens où ils n’incitent pas autant à la réplique, que certains memes plus anciens, aujourd’hui rentrés dans les annales d’Internet et que nous allons observer dès maintenant. Une recherche sur la base de données Know Your Meme, à l’aide des termes « feminist » et « feminism », nous renvoie à pas moins de 245 résultats, au sein desquels j’ai sélectionné quelques exemples.
Parmi les plus connus des memes féministes, il faut mentionner la série d’images macros « Feminist Ryan Gosling », probablement “the ultimate male feminist meme construct[24]. Originaire de Tumblr, comme beaucoup des memes de l’époque, cette série d’images macro fait de l’acteur Ryan Gosling l’archétype du « good guy », soit de cet homme cultivé et conscientisé qui veut toujours s’attirer les faveurs des femmes et se présente pour cela comme un vrai féministe, usant à outrance des référents théoriques qui y sont associés. Autre exemple de meme aujourd’hui classique, le « Privilege Denying Dude », ce cliché de l’homme blanc hétérosexuel ayant un avis sur tout et qui « mansplain » (d’ailleurs un meme en soi) à outrance des personnes mieux placées que lui pour savoir de quoi elles parlent car elles vivent ces oppressions. Au centre de l’image macro, un jeune homme qui se tient les bras croisés et regarde avec suffisance devant lui, l’air de quelqu’un qui vient toujours mettre son grain de sel, archétype avant l’heure de cet homme qui, dès que la question des violences envers les femmes est évoquée, va commenter pour dire que #NotAllMen. Du « Privilege Denying Dude » on passe à la série de memes « Male Tears » qui représente des hommes en train de pleurer, et donne lieu au mouvement « I Sip On Male Tears », où des femmes se prennent en photos en train de boire dans une tasse sur laquelle est inscrite l’expression, avec des légendes conçues pour troller les hommes potentiellement (et très certainement) piqués par les clichés. « Male Tears » est une manière, pour les féministes, de se moquer collectivement des hommes (antiféministes en particulier), en tournant en dérision leur propension à tout ramener à eux et le backlash systématique qu’ils opèrent en ce qui a trait aux luttes et publications féministes. À ce propos, Shifman affirme que :
[…] in some cases memes are used in subversive ways, creating a “polyvocal” discourse in which various ideological standpoints are expressed. As elaborated below, we suggest that one way to measure the extent to which a specific meme has indeed created such a polyvocal discourse is variability: when the multiple versions created by numerous users significantly differ from each other, the potential for polyvocal discourse increases.[25]
Ici, en effet, c’est la plurivocalité qui donne au meme son potentiel subversif, le fait que l’image ou le concept de base soit repris des centaines de fois sous des formes diverses qui ne cessent d’en réactualiser le sens. « Male Tears » et « I Sip On Male Tears » n’ont d’effet sur le public qui les reçoit que parce qu’ils donnent lieu à un phénomène, un véritable événement lors duquel, de réplique en réplique, de réappropriation en réappropriation, le meme quitte la bulle féministe et arrive dans les sphères masculines et masculinistes. Puisque c’est l’union qui, ici, fait la force, les femmes et féministes qui participent au mouvement se protègent à l’avance, collectivement, du backlash qu’elles recevront très probablement pour avoir osé critiquer et se moquer des hommes, en les mettant tous dans le même panier. La plurivocalité est d’autant plus essentielle dans le cas de memes comme « Who Needs Feminism? » qui a pour objet premier de faire entendre une pluralité de voix de personnes qui s’expriment publiquement sur les raisons pour lesquelles elles, individuellement, ont choisi d’être féministes. Tenant des pancartes maisons entre leurs mains, sur lesquelles sont écrits des messages variés et éminemment personnels, elles déclarent, panneau après panneau, meme après meme, ce pourquoi elles ont besoin du féminisme. Contrairement à une image macro qui userait du principe de détournement pour tourner en dérision ou critiquer les hommes et le patriarcat, ce genre de meme fait du personnel le politique puisque c’est le vécu individuel qui donne matière à la prise de position publique et collective. Chaque personne qui participe à « Who Needs Feminism? » inscrit sa personnalité au sein du mouvement (qui est par la suite internationalement repris et encadré par des institutions), en écrivant de ses mains sur une feuille de papier et en dévoilant son visage à tout le monde. Le meme n’a donc plus rien d’anonyme mais, au contraire, il fait des singularités des arguments venant nourrir le collectif et appuyer un discours politique fort et partagé par celles et ceux qui s’identifient au féminisme.
Dans leur étude « Doing feminism in the network: Networked laughter and the ‘Binders Full of Women’ meme », Carrie A. Rentschler et Samantha C. Thrift s’intéressent à la manière dont “feminist memes create online spaces of consciousness raising and community building[26]” en mobilisant la capacité à la réplique comme engagement des subjectivités féministes. Selon ces chercheuses, le meme « Binders Full of Women », très connu aujourd’hui, utilise l’humour comme une arme culturelle critique en diffusant massivement un mode de réponse féministe aux élections de 2012 et aux discours publics misogynes environnants, ce qui a pour effet de créer un public féministe dans des espaces incongrus ou inhabituels. Dérivant d’une prise de position très maladroite du candidat républicain à la présidentielle de 2012, Mitt Romney, « Binder Full of Women » devient très rapidement un meme grâce à Facebook, Tumblr et même Amazon.com, dont les sections « commentaires » seront investis par les féministes pour rire des hommes qui, comme Romney, objectivent les femmes au point d’en parler comme des feuilles pouvant être simplement compilées dans des classeurs. Les réponses immédiates proposées par les féministes sur ces différents réseaux sociaux vont des images macros superposant des textes ironiques sur la tête de Romney, à d’autres plus techniques prenant pour objet de dérision le classeur (« binders ») supposément plein de femmes (« full of women »), en passant par des commentaires clients Amazon qui viennent pasticher le discours d’hommes se réjouissant du fait que “the binder has created order from chaos. In many ways, it helps to restore what I think we all feel deep in our hearts to be the natural order[27].” L’humour ne manque pas dans ces répliques cinglantes qui subvertissent tant le discours misogyne que ses lieux de diffusion (les réseaux sociaux), ce qui témoigne d’une forme d’« ironic activism » au cœur duquel la satire et la contestation viennent détourner des objets sexistes de manière féministe. Pour Rentschler et Thrift, l’exemple de ce meme qui fait un tollé en 2012, montre que les “Internet meme […] can transform the terms of debate about feminism, sexism and misogyny, drawing broader media attention through their mobilization of the derisive laughter that energizes current feminisms […][28]”, puisqu’ils constituent des outils venus perturber les narrations politiques et culturelles dominantes en usant de créativité et d’espièglerie pour transformer la culture populaire en un outil de changement social.
Ce dernier point m’amène à considérer des exemples plus récents de memes féministes, dont le potentiel subversif peut être plus facilement démontré même s’ils ne se caractérisent pas par la même viralité et diffusion. La page @memespourcoolkidfeministes axe son contenu sur la publication de memes qui détournent bien souvent des images issues de films, de vidéos virales ou de discours politiques, pour réagir notamment à l’actualité française et européenne. Ici aussi l’ironie permet la dénonciation et la critique du sexisme sociétal. Dans les deux exemples que je prendrai ici, les cibles principales des critiques sont les hommes. Sur la première image, on peut voir une capture d’écran d’une entrevue du rappeur Vald qui explique « On est moches, on n’est pas drôle, on n’a pas d’argent, on n’intéresse personne ». Au-dessus de l’image, la légende « Les mecs qui pensent qu’être misogynes est un trait de personnalité be like » offre un complément cinglant à cette citation du jeune homme. Elle affirme, à la fois, le fait que les hommes misogynes sont des « bons à rien », et l’ironie d’observer que certains hommes s’y complaisent alors même que cela les rend laids, « pas drôles », pauvres, et inintéressants. Sur le deuxième cliché récupéré sur cette page, on voit une capture d’écran du film Bird Box, sorti en 2018 et immédiatement devenu viral de par son caractère intriguant et les potentialités de détournement qu’offraient sa thématique. Sur cette image, c’est la figure de Mallory avec les yeux bandés qui est reprise, comme c’est le cas de la majorité des memes circulant sur ce film. L’air paniqué, elle tente d’avancer à l’aveuglette avec sa fille sur le dos, et la légende « Hommes féministes quand c’est au tour de leurs potes d’être accusés d’agressions » parle d’elle-même : il s’agit de dénoncer l’hypocrisie des hommes qui se revendiquent féministes mais font tout de même passer le bien de leurs homologues masculins, le « bro code », avant celui de la gente féminine et des victimes d’agressions en général. Comme pour le premier meme de @memespourcoolkidfeministes, la critique du sexisme sociétal passe par la personnification : le détournement des objets culturels vient donner un visage à la misogynie et décrie les phénomènes de complaisance face à la culture du viol, au patriarcat, par les hommes qui préfèrent se mettre des œillères que reconnaître qu’ils y participent à un niveau individuel. Ce faisant, les quelques centaines de milliers d’individus qui suivent la page peuvent reconnaître dans ces memes des personnes de leur entourage ou des phénomènes qu’elles expérimentent au quotidien, ce qui va créer de l’engagement, inciter à commenter, à identifier d’autres personnes ou à partager pour faire circuler le meme à l’intérieur d’un réseau féministe, mais aussi, à l’extérieur, dans un cercle social plus ou moins étendu. Bien que les deux memes analysés ci-dessus n’incitent pas, comme leurs prédécesseurs consacrés, à la réplique et à la diffusion de masse, ils participent tout de même de cette logique de reprise et de détournement de templates connu, à des fins de critique sociopolitique.
En guise de conclusion à cette analyse, j’aimerais donner un dernier exemple de détournement féministe, en analysant brièvement la réappropriation par des féministes d’un meme qui a hautement circulé sur le web. Il s’agit d’un extrait de cartoon associé au fantasme de « debimboification », mais qui est devenu viral avant que l’on connaisse sa provenance, de par le caractère sexiste de la représentation qu’il proposait (qui a tantôt contenté bon nombre d’homme qui l’ont relayé en tant qu’il représentait ce qu’ils recherchaient chez une femme; tantôt piqué au vif les femmes et les féministes qui ont dénoncé la misogynie qui en émanait, avant de se le réapproprier). On y voit une femme blonde qui marche, vêtue d’une robe très courte et de hauts talons, extrêmement maquillée et bronzée, dont l’allure change à mesure qu’elle apprend à lire et se cultive, ce qui est visuellement représenté par plusieurs icônes de la même femme qui ramasse un livre, l’ouvre, le lit, et repart en le prenant sous son bras. Plus l’on progresse dans l’image, plus le corps de la femme se couvre, se blanchit, s’amincit et se dévulgarise. Quelques jours après avoir été posté par l’artiste Sortimid sur DeviantArt, le cliché commence à circuler sur Twitter et se répand telle une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, sans se limiter proprement à un cercle idéologique ou à un autre. C’est-à-dire que quiconque, peu importe les pages et les tendances qu’il ou elle suit, les communautés auxquelles il ou elle appartient, a pu être exposé à cette image, qui donnera même lieu à un article sur le quotidien d’informations BuzzFeed[29]. L’article révèle que l’image proviendrait d’une « niche érotique » qui affectionne particulièrement les « bimbo transformation », soit la représentation de personnages banals qui se transforment peu à peu en êtres hypersexualisés et hyperféminisés. Ici, la transformation s’opère à l’envers et par le biais de l’accès au savoir. Bien que l’artiste justifie cette représentation par le fait qu’elle ait été commandée par un particulier pour satisfaire son fantasme personnel, il n’en reste pas moins qu’elle présente de nombreux aspects (si ce n’est tous) problématiques, ce que ne manquent pas de souligner les critiques qui se saisissent immédiatement de l’image. En effet, la représentation est à la fois sexiste et raciste, puisque la femme ne se contente pas de se « débimboifier », mais elle blanchit également, perd les formes voluptueuses, le teint hâlé et les cheveux longs qu’elle avait avant de trouver le livre. La corrélation entre savoir, culture et blanchité est ici évidente, et ne fait que reconduire des stéréotypes millénaires ayant soutenu l’oppression des femmes et des personnes racisées par les institutions et le discours social.
C’est donc une véritable communauté de féministes, autoproclamées ou non, qui se rassemble autour de ce meme pour le critiquer ardemment, ce qui donne notamment lieu à un détournement publié sur la page Facebook Feminist Memes, qui reprend non seulement le cliché pour le modifier, redonnant à toutes les étapes à la femme l’apparence qu’elle avait au début, mais y ajoute aussi une légende sur le mode de l’image macro, qui affirme que : « There is no correlation between physical appearance and literacy; hair color and knowledge; education and breast size. This cartoon depicts harmful stereotypes and is neither informative nor constructive. A woman has full agency over her clothing, haircolor, and choice of leisure activity ». En plus de dénoncer le sexisme de la bande-dessinée, cette publication réaffirme certains principes clefs du féminisme, à savoir que chaque femme dispose de son corps comme bon lui semble, peut s’habiller et s’apprêter comme elle veut, ce qui n’a aucune incidence sur sa manière de se présenter et d’exister en société. Le premier commentaire sous la publication (« I have a fetish too. Banning anti-feminists. J ») fait d’ailleurs directement référence à cette pratique fétichiste de la « bimboification » qui constitue, dans l’histoire, le plus gros problème, car elle établit une corrélation entre certains attributs physiques et l’intellectualisme féminin. Le fait de fantasmer sur une « nerd » qui se transforme en bimbo siliconée une fois qu’elle laisse de côté son livre, ou l’inverse, témoigne de ce que, dans le discours masculiniste, masculin, et public en général, une femme coquette, plantureuse, racisée, et qui se préoccupe de son apparence, ne peut pas être intelligente et curieuse d’apprendre. Les réappropriations, par des communautés féministes, de ce meme, que cela soit purement dans le but de le critiquer ou pour rectifier le tir en le corrigeant (ce qui est doublement le cas dans l’exemple analysé), permettent une fois de plus aux femmes de s’exprimer collectivement sur ces tendances sexistes, racistes et misogynes qui polluent l’Internet et le quotidien. Ici, l’affirmation explicite de valeurs politiques prend le pas sur l’ironie et la satire, car il devient urgent de répondre pour corriger une situation d’injustice flagrante. Et cette réponse s’exerce une fois de plus au niveau individuel, mais surtout communautaire, car c’est le soutien des autres membres du collectif qui en permet la diffusion massive et critique, garante de la subversion que l’on veut opérer face à ce discours hégémonique.
Cette exploration relativement exhaustive de l’univers des memes de sous-cultures m’a conduit à interroger le caractère politique que peuvent revêtir ces objets culturels numériques dans les mains de certaines communautés. Qu’il s’agisse d’une appropriation d’extraits de bande-dessinée par des groupuscules d’extrême droite étasunien, exemple le plus radical de la politisation et de la diffusion hors des frontières de genres de ces contenus culturels; de la réplique mimétique (et mémétique) de vidéos devenues virales; du partage de contenus ciblés sur des pages ou groupes dédiées à des thématiques et des publics particuliers; ou de la réappropriation d’images, de citations et autres en vue de les détourner pour leur donner un sens critique opposé à leur signification initiales; l’enjeu de ces formes contemporaines du détournement situationniste reste toujours, à une échelle primaire, le même. Il s’agit de susciter une émotion auprès d’un public, que ce soit de la tristesse, de la colère, de l’indignation ou des rires, voire d’enclencher un processus d’identification qui fera en sorte que la personne va se reconnaître dans le contenu publié, soit parce qu’il la représente d’une manière ou d’une autre, soit parce qu’il vient la chercher dans ses convictions idéologiques, sociales, politiques. Ce faisant, autour des memes numériques, se forment des communautés, réunies sous l’étendard de leurs identités marginales (de genre, de race, de classe etc.), de leurs convictions politiques (socialisme, féminismes, antiracisme), ou tout simplement de leurs intérêts pour certains types d’humour (métahumour, littéraire, underground, urbain). Cette segmentarisation du phénomène du meme ne nuit pourtant pas à sa viralité, puisque dans bien des cas les templates utilisés préexistent à leur utilisation par ces niches et que la configuration actuelle d’Internet en permet le partage facile et la diffusion massive. Cela étant, comme je l’ai démontré avec le phénomène des bulles de filtres, les internautes se trouvent de plus en plus isolés par leurs centres d’intérêts qui vont influencer le contenu qui leur est présenté quotidiennement. Ceci a certainement pour effet de renforcer ce sentiment d’appartenance à certaines communautés, qui en viennent à constituer de véritables « safe spaces » pour les personnes appartenant à des groupes sociaux minoritaires. Subissant la violence réelle au jour le jour, ces dernières cherchent à se l’épargner en ligne, en se retrouvant auprès de gens qui vivent les mêmes problématiques et le reflètent dans le contenu qu’ils publient. En définitive, l’étude des memes comme créateurs de communautés nous permet d’affirmer, aux côtés d’Edgar Morin, que les industries culturelles comme Hollywood, Netflix, et autres créateurs modernes de contenus télévisuel et audiovisuel, bien loin de répondre à une logique d’uniformisation et d’abrutissement absolu des masses, laissent place à la créativité du public, dans une logique qui est plus de l’ordre de la production-création[30]. Ainsi, les memes, dans leur fonctionnement interne comme externe, reflètent la dimension participative du Web 2.0 voire 3.0, dynamique qui oriente nos interactions quotidiennes et notre rapport aux objets culturels et aux mutations du populaire qu’ils constituent aujourd’hui.
[1] Pascal Ory, « “Culture populaire”, “culture de masse” : une définition préalable », dans Évelyne Cohen, pascale Goetschel, Laurent Martin, et al., Dix ans d’histoire culturelle, Villeurbanne, Presses de l’enssib, 2011, p.289, en ligne, <http://books.openedition.org/pressesenssib/983>, consulté le 13 décembre 2020.
[2] Umberto Éco distingue en effet deux tendances opposées en ce qui a trait au regard porté sur la culture de masse au XXe siècle : il y aurait, d’un côté, les « apocalyptiques », ceux pour qui cette culture massifiée est une tragédie sans nom pour le domaine artistique et politique; et de l’autre, les « intégrés », hautement favorables à celle-ci au point de n’en plus voir aucun effet négatif (Umberto Éco, Apocalittici e integrati: comunicazioni di massa e teorie della cultura di massa, Milano, Bompiani, 1964, 416 p.)
[3] Alice Marwick, “Memes”, Contexts, vol. 12, no. 4, 15 novembre 2013, en ligne, https://doi.org/10.1177/1536504213511210, consulté le 13 décembre 2020.
[4] Umesha Naik et D. Shivalingaiah, “Comparative Study of Web 1.0, Web 2.0 and Web 3.0”, International CALIBER, 2008, p. 499-507.
[5] Dans ce travail, je privilégierai à l’usage français du terme « mème », le mot « meme », en langue originale, ce pour être en accord avec la majorité des sources critiques utilisées qui sont anglophones.
[6] Patrick Davidson, “The Language of Internet Memes” dans The Social Media Reader, Ed. Michael Mandiberg, 2009, p. 122.
[7] Carrie A. Rentschler, Samantha C. Thrift, “Doing feminism in the network: Networked laughter and the ‘Binders Full of Women’ meme”, Feminist Theory, vol. 16, no. 3, p.329.
[8] Limor Shifman, “Memes in a Digital World: Reconciling with a Conceptual Troublemaker”, journal of Computer-Mediated Communication, vol. 18, no. 3, avril 2013, p. 363.
[9] Richard Dawkins, The Selfish Gene, Oxford, Oxford University Presse, 1989, [1976], p.194.
[10] Jean-Michel Berthiaume, « Les mèmes devraient être enseignés dans les cours de littérature », Urbania, 05 avril 2019, en ligne, https://urbania.ca/article/les-memes-devraient-etre-enseignes-dans-les-cours-de-litterature>, consulté le 13 décembre 2020.
[11] Alice Marwick, op. cit., je souligne.
[12] Carrie A. Rentschler et Samantha C. Thrift, op. cit., p.332, je souligne.
[13] Une image macro est une des formes les plus populaires du meme. Elle est définie comme suit par l’encyclopédie Know Your Meme : “captioned images that typically consist of a picture and a witty message or a catchphrase. On discussion forums and imageboards, image macros can be also used to convey feelings or reactions towards another member of the community, similar to its predecessor emoticons. It is one of the most prevalent forms of internet memes”, Know Your Meme, « Image Macros », 2012, en ligne, https://knowyourmeme.com/memes/image-macros, consulté le 15 décembre 2020, je souligne. C’est alors le discours accolé à l’image qui construit le sens, et donc, le meme.
[14] Voir à ce propos Arthur Jones (réalis.), Giorgio Angelini, Aaron Wickenden et Caryn Capotosto (prod.), Feels Good Man, United States of America, Ready Fictions, Wavelength Productions, 2020, en ligne, <https://linktr.ee/feelsgoodmanfilm>, consulté le 13 décembre 2020.
[15] Ce meme figure d’ailleurs dans la liste des symboles haineux de l’Anti-Defamation League, accessible ici : https://www.adl.org/hate-symbols?keys=pepe.
[16] Jean-Philippe Baril Guérard, « Ne sous-estimez pas le pouvoir des mèmes », L’actualité, 10 juillet 2019, en ligne, <https://lactualite.com/societe/ne-sous-estimez-pas-le-pouvoir-des-memes/>, consulté le 13 décembre 2020.
[17] Eli Pariser, The Filter Bubble: What the Internet Is Hiding from You, New York, Penguin Press, 2011, 304 p.
[18] Jean-Philippe Baril Guérard, op. cit.
[19] Jean-François Provencal dans ibid.
[20] Facebook, « Neurchi d’Antimemes. À propos », Facebook, 20 novembre 2016, en ligne, https://www.facebook.com/groups/1835017396744248, consulté le 09 décembre 2020, je souligne.
[21] Wenqi Shu-Quartier, « Message modération », « Neurchi d’Antimemes », Facebook, 15 novembre 2020, en ligne. Considérant que le groupe est privé, il m’est malheureusement impossible de fournir un lien direct du post. Le fait que ce groupe, comme les autres mentionnés ci-haut, soit privé, n’est d’ailleurs pas anodin et assoit cette logique de sous-culture nichée, destinée aux spécialistes, à celles et ceux qui vont activement rechercher ce type de contenu, et non au grand public. L’entrée dans ce type de groupe se fait presque sur le mode de l’initiation : n’entre pas celui ou celle qui ne parvient pas à définir la nature du contenu publié ou qui désire identifier ses connaissances externes au groupe sur les publications. Il faut, au préalable, déjà appartenir à cette sous-culture pour être accepté dans ses lieux clefs.
[22] J’emplois cette expression pour désigner ces pages ou comptes qui publient du contenu spécialisé par thématiques, et ciblent un public avec des centres d’intérêts assez variés, allant de l’astrologie, à la santé mentale, en passant par la culture québécoise ou antillaise, la littérature et l’art, le sexe ou encore la ville de Montréal.
[23] Noam Gal, Limor Shifman et Zohar Kampf, « “It Gets Better”: Internet memes and the construction of collective identity », New Media & Society, vol. 18, no. 8, 2016, p.1700, en ligne, https://doi.org/10.1177/1461444814568784, consulté le 08 décembre 2020, je souligne.
[24] Carrie A. Rentschler et Samantha C. Thrift, op. cit., p.346.
[25] Noam Gal, Limor Shifman et Zohar Kampf, op. cit., p.1701.
[26] Carrie A. Rentschler et Samantha C. Thrift, op. cit., p. 329.
[27] Geoff Read, « A male perspective », Amazon.com, 18 octobre 2012, cite dans Carrie A. Rentschler et Samantha C. Thrift, op. cit., je souligne.
[28] Ibid., p.336.
[29] Rachael Krishna, « This Sexist Cartoon Everyone Is Freaking About Is Actually Fetish Porn », BuzzFeed, 15 février 2017, en ligne, https://www.buzzfeednews.com/article/krishrach/this-sexist-cartoon-everyone-is-freaking-out-about-is-actual, consulté le 16 décembre 2020.
[30] Édgar Morin, « L’industrie culturelle », Communications, no. 1, 1961, p.39.
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