En décembre 1942, le film Cat People, du réalisateur français Jacques Tourneur, sort sur les écrans américains.
Le long-métrage, écrit par DeWitt Bodeen, met en scène la rencontre de deux personnages que tout ou presque oppose: Oliver Reed (Ken Smith) et Irena Dubrovna (Simone Simon); Oliver est un ingénieur new-yorkais, Irena une illustratrice dont l’accent et les manières trahissent les origines européennes. Oliver est raisonnable, terre-à-terre et sans véritable racine; Irena, au contraire, est pétrie de superstitions et demeure profondément attachée à son héritage serbe. Si Irina embrasse l’amour que lui témoigne Oliver, désormais son époux, celle-ci refuse, néanmoins, de consommer leur mariage, de peur de se transformer – littéralement – en bête fauve et de l’assassiner bien malgré elle. Le personnage d’Irina est en effet persuadé d’appartenir à une race ancienne: le «peuple chat» qui donne son titre au film. De simples fables pour Oliver qui préfère l’explication scientifique et non plus fabuleuse de la névrose, voire de l’hystérie.
Or, le corps d’Irina est effectivement double. Ses ancêtres serbes lui ont véritablement transmis une malédiction qui fait d’elle, un «monstre» impossible à nommer pour reprendre la terminologie de Jacques Derrida1, une tueuse qui dévorera tous ceux qui auront la témérité de l’approcher – et de la désirer physiquement.2 La transformation subie par Irina, l’ambiguïté du personnage qui semble impossible à décrire sinon à définir, s’inscrit dans une tradition que Bruce Clarke qualifie de «transformation posthumaine» qui remonte à la mythologie classique, mais se retrouve également dans le cinéma contemporain – plus particulièrement celui de science-fiction3.
Le propos de Bodeen et Tourneur est d’autant plus riche qu’il crée efficacement un lien entre, d’une part, l’aspect prodigieux et extraordinaire de la fable, et, de l’autre, l’effroi du meurtre le plus inhumain, tout en développant un thème que bon nombre de films fantastiques ou d’épouvantes vont continuer à explorer dans les années qui suivent: la frontière entre le merveilleux et l’horreur est en réalité insignifiante4. Ce que les mythographes puis les contes de Charles Perrault au XVIIe siècle ou des frères Grimm au début du XIXe siècle mettaient en mots, Tourneur, lui, l’a activement mis en images comme il a montré l’ambiguïté du caractère posthumain d’Irina, elle qui affirme tout au long du film sa volonté de vivre une vie normale, apaisée, et doit, malgré tout, concilier ces deux êtres ou territoires qui coexistent en elle – ainsi le recours fréquent de Tourneur aux éléments symétriques qui indiquent au spectateur qu’ici tout est affaire d’alter ego, de doubles et d’images en miroir.
Les créatures bâtardes ou thérianthropes, à la fois homme et animal comme Irina et plus tard le Brundlefly de David Cronenberg5, autant de créatures qui se gardent de ne jamais choir dans l’une ou l’autre catégorie, témoignent d’une volonté forte: celle de catégoriser le monde en prenant la nature, puis l’homme, l’être humain, comme mesure ou maître étalon. Le monde tel que le distinguent les savants, les philosophes antiques et les encyclopédistes, se comprend ainsi par le fait d’ajouter, ou de retrancher, à des sujets estimés, à tort ou à raison, comme connus et suffisamment documentés. La nature se développe ou se réduit dès lors en «préternaturel» («au-delà de…»), en «surnaturel» («au-dessus de…») ou en «subnaturel» («en dessous de…»).
La notion de «posthumain» apparaît, quant à elle, dans les années 1980 par le biais d’auteurs comme Donna Haraway (Haraway, 1983) ou Steve Nichols (Nichols, 1988). Cette notion est d’autant plus précieuse que la critique ne s’accorde pas toujours sur sa définition stricte. Patricia MacCormack, professeure de philosophie à la Monash University de Melbourne, propose une définition relativement ouverte du «posthumain» qui renvoie aussi bien au cyborg qu’à la créature protéenne, à toute forme qui se déploie dans un territoire qui n’est pas, à l’origine, le sien. C’est le cas de l’hybride homme-animal qu’on retrouve communément dans la mythologie gréco-latine, également du monstre, sujet d’étude de la tératologie, qui dévie sensiblement d’un modèle initial et bouscule la doxa6. C’est également le cas de l’homme-machine dont l’idée interroge la science aussi bien que la philosophie depuis que le médecin philosophe français du XVIIIe siècle Julien Offray de La Mettrie fait de l’homme une mécanique, ni plus ni moins, en revenant aux conclusions des atomistes grecs, comme Leucippe et Démocrite, qui attribuaient les mouvements invisibles de la nature aux «atomes», et non plus à une quelconque intervention divine.
MacCormack considère le «posthumain» au sens où il renvoie à «après», à «au-delà» de l’«humain». A contrario, N. Katherine Hayles, professeur de littérature américaine à la Duke University, n’envisage le «posthumain» qu’en rapport avec la technologie, et avec les transformations successives promises à l’humanité par des progrès scientifiques qui bousculent la notion d’espace intime, et finissent de brouiller la frontière entre modèles organiques, mécaniques et numériques:
First, the posthuman view privileges informational pattern over material instantiation, so that embodiment in a biological substrate is seen as an accident of history rather than an invitablity of life. Second, the posthuman view considers consciousness, regarded as the seat of human identity in the Western tradition long before Descartes thought he was a mind thinking, as an epiphenomenon, as an evolutionary upstart trying to claim that it is the whole show when in actuality it is only a minor sideshow. Third, the posthuman view thinks of the body as the original prosthesis we all learn to manipulate, so that extending or replacing the body with other prostheses becomes a continuation of a process that began before we were born. Fouth, and more important, by these and other means, the posthuman view configures human being so that it can be seamlessly articulated with intelligent machines. In the posthuman, there are no essential differences or absolute demarcations between bodily existence and computer simulation, cybernetic mechanism and biological organism, robot teleology and human goals.7
Avant de parcourir les romans de science-fiction, et de sonner à la fois comme une promesse du surhomme et un avertissement face aux délires scientistes (les hommes-bêtes décrits par H. G. Wells8, plus récemment les individus modifiés imaginés par William Gibson ou China Miéville), ces anomalies sont largement représentées dans les mythologies grecques et latines qui font des sirènes, des centaures, des sphinx et des satyres, autant de serviteurs ou d’interlocuteurs des dieux aux talents surhumains; «manifestations de l’horrible», confirme Umberto Eco, «affreux parce que hybrides», «qui violent les lois des formes naturelles», c’est bien leur divorce de la kalogathia9 qui a poussé «le monde chrétien (…) a tir[er] prétextes des monstruosités décrites par l’antiquité pour démontrer la fausseté de la mythologie païenne» (Eco, 2007:34); des créatures également présentes dans le panthéon égyptien avec ses divinités à têtes d’animaux et dans les religions du Livre.
Ces créatures hybrides sont courantes dans une longue tradition mythologique, artistique et littéraire, et celles-ci sont largement reconnues du grand public. Il est donc peu étonnant que William Gibson, jeune écrivain inexpérimenté désireux de se faire publier, les emploie dans ses premiers textes afin de ne pas déconcerter son lecteur et de lui donner à lire, du moins en apparence, un contexte familier10.
Gibson est l’auteur de Neuromancer publié en 1984, archétype du roman dit «cyberpunk», un terme utilisé en 1984 par le critique Gardner Dozois pour baptiser une nouvelle génération d’écrivains dont William Gibson, Bruce Sterling, Rudy Rucker, John Shirley ou Lewis Shiner, qui situent tous l’action de leurs romans dans un futur proche exclusivement urbain, crasseux et désespéré, peuplé de junkies, de prostituées, d’assassins et d’hommes corrompus; un univers noir visité par des créatures hybrides qui est rapidement qualifié de «posthumain» comme le rappelle Gardner Dozois11, un univers vidé de toute émotion spirituelle ou métaphysique.
Gibson distingue nettement deux formes d’hybrides. La première:des jeunes gens à l’allure animale, prêts à n’importe quel sacrilège pour affirmer leur opposition à toute espèce d’ordre ou de règles, créatures résolument «posthumaines» selon la définition de Patricia MacCormack d’un «au-delà» de l’«humain». Ils apparaissent pour la première fois dans la nouvelle «Johnny Mnemonic» publiée en 1981: il s’agit du groupe baptisé «Lo Tek» qui naissent d’une filiation mythologique évidente depuis les thérianthropes des grottes préhistoriques jusqu’aux représentations d’un Saint Christophe cynocéphale, mais également des «garçons sauvages» ou «wild boys» imaginés par William S. Burroughs12.
Comme leur nom l’indique, les «Lo Teks», pour «Low technique, low technology» (Gibson, 1986:28), refusent d’utiliser les technologies de pointe qui, pourtant, pullulent dans le monde décrit par Gibson. Ce sont des exceptions. Ils ne sont pas tournés vers le futur, vers des ordinateurs ou des consoles sophistiquées, mais, bien au contraire, vers un monde primitif, tribal. Ce refus de la «civilisation» comme du consumérisme à outrance se lit en creux dans le vocabulaire de la nouvelle puisque, chose exceptionnelle pour un texte de Gibson, aucune marque n’y est citée.
Les «Lo Teks» marquent leur territoire à l’aide de graffitis dessinés sur les murs. Ces graffitis servent à délimiter leur territoire que le gouvernement semble avoir déserté et où il ne lève plus l’impôt («Nighttown pays no taxes, no utilities» (27)), mais aussi à mettre en garde contre toute espèce d’intrusion de la part d’étrangers («The graffiti followed us up, gradually thinning until a single name was repeated at intervals. LO TEK. In dripping black capitals.»(28)).
Comme le sauvage stéréotypé, les Lo Teks, à demi nus, arborent des «cicatrices» et des «tatouages» comme autant de signes de reconnaissance («A girl with teeth like Dog’s hit the Floor on all fours. Her breasts were tattooed with indigo spirals.” (32); «Lo Tek fashion ran to scars and tattoos» (32)). Et si le mythe se construit sur une histoire minutieuse, certes changeante d’un texte, d’un mythographe à l’autre, sur une généalogie, une parenté, Gibson s’échine à décrire des personnages sans passé, dont les corps cabossés, marqués ou peints, n’offrent aucune lecture exclusive.
Les «Lo Teks» sont en réalité des parasites:ils vivent des restes de la ville, de tout ce dont ses habitants ne veulent pas («So I followed Dog and Molly through Lo Tek heaven, jury-rigged and jerry-built from scraps that even Nighttown didn’t want» (31)) et volent l’électricité de la ville («The electricity they were tapping»(32)). Ils sont décrits par l’auteur comme autant de brigands assis au milieu d’un tas d’ordures.
C’est leur physique bien particulier, comme leurs traits d’animaux, qui permet de distinguer à coup sûr les «Lo Teks». Le personnage du nom de «Dog» est le premier «Lo Tek» que rencontrent Molly et Johnny, les personnages principaux de la nouvelle; son apparence est caractéristique de ses congénères:
An hour later I dragged myself up through another hole, this one sawed crookedly in a sagging sheet of plywood, and met my first Lo Tek. ‘S okay,’ Molly said, her hand brushing my shoulder. ‘It’s just Dog. Hey, Dog.’ In the narrow beam of her taped flash, he regarded us with his one eye and slowly extruded a thick lenght of grayish tongue, licking huge canines.(28)
Les «Lo Teks» se font greffer des organes ou des appendices animaux, canins, spécifiquement. Ils s’éloignent ainsi un peu plus de l’humanité, du moins en apparence. Gibson va plus loin encore en indiquant que leur comportement emprunte également à l’animal, ou au monstre, ce que le lecteur constate dans le choix des mots, verbes, adjectifs, substantifs employés par le narrateur pour les décrire. On trouve les «Lo Teks» «accroupis dans l’ombre comme des gargouilles» («the Lo Teks crouch in the dark like gargoyles, black-market cigarettes dangling from their lips.»(22)) ou «à quatre pattes» («A girl with teeth like Dog’s hit the Floor on all fours.» (32)), humant l’air pour y repérer des odeurs («How was he tracking us? ’Good,’ said Molly. ’he smells up.’»(29)) et leur expression se résume à un «rugissement» («The Lo Teks roared»(34)) ou à un «hurlement de contentement» («the Lo Teks were screaming their excitement» (34)) d’autant moins comparable à la parole humaine que des implants dentaires les empêchent de se faire comprendre de tous ceux qui ne font pas partie de leur clan («Dental augmentation impeded his speech. A string of saliva dangled from the twisted lower lip»(28)).
Le narrateur de «Johnny Mnemonic» décrit les «Lo Teks» comme vivant entre eux, appréciant leur marginalité à la manière de Dog («It had taken time and a certain kind of creavity to assemble that face, and his posture told me he enjoyed living behind it.»(28)), mais ne se réfère jamais à une volonté de s’opposer à qui ou quoi que ce soit. Ils ne profèrent aucun discours, aucun réquisitoire; ce sont des personnages chez qui le refus de la société se résume à une pose, et le narrateur confirme que cette animalité érigée en emblème de marginalité tient du simple «masque» («He might have been fifteen, but the fangs and the bright mosaic of scars compined with the gaping socket to present a mask of total bestiality»(28)), de la surface, et que leur mode de vie parallèle est davantage un arrangement qu’une rupture, comme en atteste le fait, mis en exergue par le narrateur, que leur refus de toute modernité devrait, en bonne logique, exclure leur recours systématique à la chirurgie («I wondered how they wrote off tooth-bud transplants from Dopermans as low technology. Immunosuppressives don’t exactly grow on trees» (28)). Sans autres interlocuteurs qu’eux-mêmes, leur quasi-anonymat signalé par le surnom «Dog» finit de marquer la différence entre ces créatures censément surhumaines, héritières de la mythologie classique, et une simple bande que Gibson oubliera volontairement dans le restant de ses textes. Une meute qui, de par sa faculté à ne jamais se confronter au monde, semble incapable d’exploits. Et si, pour reprendre la définition qu’en donne Karl Marx, «toute mythologie dompte, domine» et «façonne les forces de la nature» avant de disparaître «au moment où ses forces sont dominées réellement»(28), la nature mythologique de ces thérianthropes modernes est davantage le signe d’un effacement du mythe que de sa prorogation ou de son approfondissement.
L’hybride, surhumain dans ses capacités nouvelles tirées du monde animal, n’est en aucune manière un dépassement, mais une illusion simple, et tout ce qui, en apparence seulement, paraît faire de ces créatures des exceptions, des créatures différentes, supérieures, les ramène, comme sous le coup de l’attraction terrestre, à la terrible réalité humaine, à sa vie routinière comme à ses contingences hypocrites, à ses forfanteries – la fabulation plutôt que la fable.
La seconde forme de créatures décrites par William Gibson est modifiée par l’intermédiaire d’une science positivement humaine: il s’agit du «cyborg» que Donna Haraway désigne comme un «organisme cybernétique, hybride de machine et de vivant, créature de la réalité sociale aussi bien que de fiction»13, du posthumain» tel que défini par N. Katherine Hayles et non plus par MacCormack.
La double acception soulignée par Haraway est essentielle, puisque le cyborg renvoie effectivement au monde moderne et à notre réalité. Aujourd’hui, de nombreux travaux comme les implants cochléaires ou les rétines artificielles composées d’électrodes stimulant les cellules rétiniennes14 signalent avantageusement que l’homme peut être transformé par la science, qu’il puisse voir les faiblesses de son corps ou un quelconque handicap en partie corrigé par la technologie – sans pour autant que le terme de «cyborg» ne soit jamais employé. Cette circonspection s’explique en grande partie par un fait justement noté par A. Roberts:dans la culture populaire, le «cyborg» est un être essentiellement «menaçant» (Roberts, 2002:105), «monstrueux»(106), dont la part mécanique, qui ignore toute émotion ou empathie, menace de prendre le pas sur la personnalité; un être prêt à déposer son humanité.
Le cyborg est le prolongement de la créature mythologique «horrible»; au lieu du corps humain qui s’interrompt, puis reprend avec des attributs animaux fabuleux, celui-ci donne à voir un corps poursuivi par des tuyaux, des câbles, des manchons d’acier ou de fer.
Ce cyborg, qui va devenir un personnage récurrent dans la littérature comme au cinéma15, a pour origine la Révolution industrielle qui va obliger à réévaluer la place de l’homme et de son corps, rendu obsolète par la construction des machines, au sein de la société des années 1760 jusqu’à environ 1830. La Révolution industrielle va également poser la question de nouvelles formes d’asservissement et de l’aliénation par le travail – ainsi les luddites anglais qui choisissent, dès novembre 1811, de détruire les usines, les machines, les ateliers qui, estiment-ils, mettent en péril leur force de travail16, et surtout, sont désormais concentrés entre les mains de particuliers qui ne travaillent pas, et n’ont pas à souffrir de la rudesse d’une vie d’ouvrier, des propriétaires qui deviennent, par la force des choses, des exploitants.
Souvenons-nous que le premier emploi du terme «cyborg» dans les années 1960 renvoyait distinctement à l’idée de surhomme – ainsi le titre de l’essai séminal de D. S. Halacy Cyborg—Evolution of the Superman, 1965. Pour les neurophysiologistes Manfred E. Clynes et Nathan S. Kline, cette créature mi-homme mi-machine aurait pour objectif de survivre dans l’espace comme sur d’autres planètes, là où le corps de l’homme, trop fragile, inadapté, périrait sûrement17.
Cette notion, reprise par la NASA dès 1963, va ouvrir la voie à un questionnement quant à la définition de l’humanité, et aux limites de ce que la science peut lui faire subir. Nous retrouvons ici les jalons d’une réflexion tout autant politique que biologique, sur le sort réservé à l’être humain dans nos sociétés modernes. Ce personnage ou cyborg, «post-humain» sans l’ombre d’un doute, se trouve extrait des sursauts d’une société du doute et de la déconvenue; déconvenue de l’homme qui, modifié par la science, amélioré à première vue, devient, en définitive, un objet manipulé par d’autres, un simple «système homme-machine» ou dispositif.
Le personnage du cyborg est fondamental dans les premiers romans de William Gibson, et plus particulièrement dans Neuromancer dont l’un des éléments essentiels est la technologie, prolongement du corps humain, transformant les personnages en créatures mi-hommes mi-machines. C’est un effacement progressif du mythe que donne à voir Gibson à son lecteur. Les créatures fabuleuses, posthumaines de la mythologie, se montraient rarement au commun des mortels. Camouflées au sein de la forêt, des arbres, des cours d’eau, les napées, dryades et autres nixes ou hydriades, se glissaient dans un paysage avec lequel elles ne faisaient qu’un, sans cesse découvertes, sans cesse dissimulées, preuve, s’il en fallait, que les traces du mythe ou de l’extraordinaire ne se dévoilent pas sans effort ou sans une volonté idoine de «traverser le miroir». Les hommes modifiés par la technologie imaginés par Gibson se rencontrent, eux, à chaque coin de rue, ils sont visibles, immanquables; ils n’échappent jamais au regard bien que celui-ci, accoutumé à leur présence, n’y prête, en définitive, plus grande attention.
À la différence des surhommes que l’on peut rencontrer couramment dans les romans de science-fiction, et des personnages capables de toutes les prouesses, les cyborgs sont, chez Gibson, des outils, des accessoires seulement occupés à un nombre limité de tâches. Nous sommes dès lors d’accord avec Dani Cavallaro pour qui, dans les textes de Gibson «le corps est sans aucun doute possible changé par la technologie, mais pas transcendé» 18.
Le «cyborg» gibsonien a eu une ou plusieurs partie(s) de son corps remplacée(s) par une prothèse. Ces prothèses peuvent, d’une part, se substituer à un membre et pallier un handicap. C’est le cas de Ratz, patron de bar dont le bras est remplacé par une pince mécanique, une antiquité datant de la guerre. C’est une «prothèse militaire russe», et, précise Gibson avec son habituel recours à un jargon pseudoscientifique, «un manipulateur à sept degrés de liberté et rétroaction sensorielle» 19.
Cette «pince rose» («pink claw» (Gibson, 2003:4)) est le premier élément biomécanique décrit dans le roman. Plutôt que de donner à voir un engin futuriste, révolutionnaire, Gibson montre une prothèse usée «sous une enveloppe de plastique rose sale» 20, un appareil terriblement voyant dont Ratz se sert pour gratter son ventre proéminent (4), mais qui n’étonnera pas le lecteur qui reconnaîtra là un nouvel élément venant participer au monde sale, usé, obsolète dans lequel évoluent quotidiennement les personnages imaginés par l’auteur.
Autre exemple, le «cowboy» ou pirate informatique Automatic Jack, dont le bras détruit accidentellement par un laser a été remplacé par une prothèse en duraluminum gainée de composite en fibre de carbone («the carbon-fiber laminate that sheathes my arm» (Gisbon, 1986:2005).
Les personnages de Gibson des années 1980 se rapprochent ici sensiblement de notre réalité, des expériences pratiquées au Centre de rééducation et d’appareillage de Vallenton où «des amputés du bras réapprennent (…) à conduire, à nouer leurs lacets, à manipuler un verre ou encore à écrire en utilisant le membre électrique, certes encore inesthétique, mais parfaitement fonctionnel, qui leur a été greffé» (Esmeralda et Grugier, 2003:239) et des prothèses myoélectriques actionnées à l’aide de piles au nicad ou au lithium.
Les prothèses permettent d’améliorer le corps. Elles le rendent plus résistant, plus efficace, comme le bras de Ratz, par exemple, qui possède une force hors du commun (Gibson, 2003:22).
Les capacités exceptionnelles du bras myoélectrique d’Automatic Jack ne sont jamais véritablement décrites dans le corps du texte. Lorsqu’il frotte ses paupières endormies il emploie sa main valide, geste qu’il ne peut faire avec sa prothèse, de peur, sans doute, de se blesser («I rubbed sleep from my eyes with my left hand, one thing I can’t do with my right» (Gibson,1986:207), tandis que quand celui-ci provoque une bagarre dans un bar de la ville c’est avec son bras en dural qu’il donne les coups («I think I showed him some tricks with the arm» (216)). Et si Gibson décrit ici un homme «augmenté»21, celui-ci n’a rien d’un personnage héroïque tandis que ses attributs ne lui servent jamais qu’à le tirer de situations sans la moindre superbe, sans enjeux moraux ou philosophiques.
Gibson donne une description complète du bras, qui va de l’articulation du poignet en dural jusqu’aux joints et à la gaine dans laquelle est inséré le membre mécanique. La description de la prothèse est ainsi plus élaborée que celle du personnage lui-même dont le portrait n’est qu’esquissé.
Le bras en dural peut s’ôter à tout moment pour permettre à Jack de «brancher» un bras manipulateur sur son moignon quand il doit pratiquer des travaux de précision («I was working late in the loft one night, shaving down a chip, my arm off and the little waldo jacked straight into the stump» (206)). Il peut alors manipuler des puces informatiques, ou réparer les composants électroniques grossis sur l’écran de sa console. Ce second bras est plus petit que le précédent. Il mesure à peine plus d’un centimètre de long, et Jack le compare à un vieux tourne-disque («The waldo looks like an old audio turntable» (206)).
Malgré la technologie avancée, les prothèses de Ratz et Automatic Jack sont décrites comme des antiquités, des vieilleries. Ainsi, dans «Burning Chrome», le personnage du Finnois demande à Automatic Jack s’il souhaite «mettre au clou» son bras mécanique et s’offrir une prothèse plus récente, débarrassée de ce bruit caractéristique si exaspérant, «quelque chose de moins bruyant» (199).
Les prothèses de Ratz et de Automatic Jack se reconnaissent en effet à leur bruit. Chez Jack, un «clung» caractéristique («I let my arm clunk down on the table» (199)) ou un «gémissement» («whining like overworked mosquitoes»(199)), un gémissement que l’on retrouve également dans le bras de Ratz («he antique arm whined» (Gibson, 2003:4), ou encore un «bourdonnement» («Ratz’s plastic arm buzzed» (21)) qui marque son usure. Rien à voir, donc, avec le surhomme mythologique volontiers atemporel, et dont seule la généalogie le fixe encore puissamment dans le temps. Aussi n’est-il pas étonnant de lire Gibson non plus romancier, mais essayiste balayer d’un revers de main l’intrusion d’éléments mécaniques dans le corps comme une conception du passé, une «inélégance»22.
Ratz et Jack portent sur le corps les marques obligées d’une séparation entre l’organique et l’artificiel qui débute là où le moignon se prolonge en une prothèse dont la couleur et la texture se distinguent nettement de celles du membre d’origine. Ces prothèses ne cherchent pas à copier la physionomie du membre qu’elles remplacent, mais elles attirent l’attention sur elles, donnant à voir le handicap plus qu’elles ne le soustraient au regard. Le parallèle est dès lors séduisant entre ces prothèses et certains collages qui gomment la frontière des fragments tandis que d’autres la soulignent. Quand, parfois, elles veulent imiter la chair, comme c’est le cas de la «pince rose» de Ratz, le résultat est moins discret encore. C’est ainsi que Ratz est instantanément associé à «son bras artificiel qui tressautait sur un rythme monotone pour remplir les chopes» 23.
Avec la prothèse, c’est tout l’usage du corps qui change. Ratz et Jack embrassent dès lors un étrange devenir qui, bien loin d’être une simple imitation de la machine, est une ligne de fuite perpétuelle vers le piston ou le vérin, vers un corps à la fois plus fort et plus fragile; non pas un mouvement invincible vers l’«horrible» pour reprendre le mot d’Umberto Eco, non pas un élan vers le merveilleux, mais un point nodal où se rencontrent de nombreux courants contradictoires; une vie, finalement, terriblement humaine et tout sauf fabuleuse.
Pour reprendre l’image du collage qui, nous semble-t-il, convient parfaitement à l’écriture comme à la thématique soulevée par l’auteur, les «territoires» ou parties qui composent les personnages gibsoniens ne sont pas tous égaux; certains semblent appartenir au surhomme avec ses capacités formidables tout en menant une vie bien ordinaire, d’autres forcent à regarder un homme qui n’en est plus tout à fait un, reliquat d’un monde ancien. C’est cette absence totale d’harmonie, ce chaos d’un corps devenu emboîtement et combinaison sans ligne directrice apparente qui empêche de valider pour de bon toute idée de personnages surhumains. Le centaure est certes monstrueux, tout comme le satyre, mais leur constitution extravagante fait d’eux des passeurs, précisément, entre deux mondes, «rendant visible», encore une fois, au même titre que le sorcier ou thaumaturge; le cyborg, à l’inverse, est seul, à la fois dans le monde quotidien, terriblement routinier, mortifère, et dans le monde technologique. Il n’est enfin familier d’aucun des deux; étranger parmi les machines, mais surtout parmi les hommes.
En outre, c’est, à chaque fois, un portrait du cyborg au travail que Gibson présente à son lecteur. Un individu qui se plonge dans le labeur de manière mécanique. Malgré ses promesses de vie meilleure et de progrès fulgurants, la science que décrit l’écrivain n’a encore jamais libéré personne. Au contraire. Sans loisir ou vie privée, Ratz et Jack ne se définissent que dans le cadre de leur activité, ce que les prothèses, comme un ultime prolongement de leur fonction, indiquent au lecteur. La science n’est pas un adjuvant ici, mais le prétexte à une invasion de l’organisme humain par les corporations qui façonnent désormais l’humanité avant de tout à fait la breveter.
Autre personnage de cyborg central dans l’œuvre cyberpunk de William Gibson, Molly Millions, que l’auteur crée en s’inspirant d’une photographie de la chanteuse punk Chrissie Hynde, et qui intervient dès la nouvelle «Johnny Mnemonic» avant de réapparaître dans ses trois premiers romans.
Le personnage de Molly est d’autant plus significatif chez Gibson qu’il met en parallèle l’évolution mentale de celui-ci avec les multiples modifications physiques qu’il va subir. Ancienne prostituée24, Molly travaillait pour une «maison de poupée» où sa conscience était annihilée par une «puce de déconnexion» («cut-out chip» (Gibson, 2003:148)) qui provoquait un court-circuit neuronal. Le temps des rapports sexuels, Molly était un corps presque sans vie, plongé dans une sorte de sommeil provoqué. Renvoi ironique à la Belle endormie de Perrault («La Belle au Bois dormant», 1697) ou des Frères Grimm («Dornröschen» ou «Rose des Bois», 1812), Molly accomplissait sa tâche comme une suite de mouvements automatiques. Mais la puce électronique avait cessé de fonctionner, et Molly s’était réveillée au milieu d’un cauchemar, où un sénateur et elle-même étaient couverts du sang d’une prostituée que l’homme venait d’assassiner (148). Ici, Gibson met en lumière une dichotomie. En travaillant pour une «maison de poupées», Molly est décrite comme menant une vie entièrement schizophrène, deux existences clairement séparées dans le temps. Molly ne conserve donc aucun souvenir de son «temps de travail» («worktime» (147)) c’est-à-dire de son «temps de poupée» («puppet time» (148)), du «temps où ça se produit» («You aren’t in, when it’s all happening» (147)) jusqu’au jour où la «puce de déconnexion» se met à mal fonctionner.
À la suite de ce réveil, et de la vengeance de Molly que l’auteur évacue volontairement du récit, la jeune femme subit de nouvelles modifications.
Molly, la prostituée dont le corps était exploité par les hommes, devient très différente. Plus dure, plus agressive. Elle devient le premier exemple de la «femme forte», reprise dans bon nombre de romans cyberpunk et que Dani Cavallaro fait remonter aux personnages féminins de Raymond Chandler (Cavallaro, 2000:123). La transformation n’est pas seulement mentale, mais également physique puisque la jeune femme s’est fait implanter des griffes acérées aux bouts des doigts, une arme redoutable qui va lui permettre d’embrasser une nouvelle vie, celle d’une mercenaire, d’une «samouraï des rues» dont le quotidien a basculé dans la violence depuis que sa tête a été mise à prix suite au meurtre du sénateur.
Molly est depuis connue sous une multitude de pseudonymes qui tous annoncent le danger qu’elle est devenue. Elle est «Cat Mother» (Gibson, 2003:60), «Cateye» (109), «Steppin’ Razor» (109), «Sally Shears» (Gibson, 1995:40) ou «Misty Steele» (77)… Autant de noms qui disent que Molly tient dorénavant du félin dont elle a les attributs, et qu’elle ne sera plus jamais à la merci d’un mâle.
De la même manière, les yeux de Molly sont modifiés pour voir dans l’obscurité25 comme les bâtonnets ultra-sensibles dans l’œil des félins amplifient la moindre source de lumière. Désormais chatte, ou plutôt redoutable panthère, Molly se transforme en se faisant implanter des griffes rétractiles. Ses prothèses sont bien plus qu’un simple aménagement: une transformation radicale. Molly défait son corps autrefois vulnérable et se tourne du côté de la machine de guerre et de l’animal. Or, cet exemple est ambigu. Le lecteur sait en effet que Molly subit ces transformations après que le personnage du Sénateur a tenté de l’assassiner. Ses prothèses sont bien plus qu’un simple aménagement et la rapprochent sensiblement de l’image fantasmée qu’elle a désormais d’elle-même.
Aussi est-il logique que Molly ne soit plus en mesure de pleurer, des drains («ducts» (183)) transportant les larmes de ses yeux jusqu’à sa bouche. Molly change son corps autrefois vulnérable. Aussi, bien que le narrateur présente les transformations successives de Molly comme des choix personnels, celles-ci permettent de la définir comme un outil, un outil terriblement dangereux, certes, mais qui a constamment besoin d’un employeur, d’un patron qui lui donne des ordres et la manipule. Héroïque, Molly ne l’est pas tout à fait, bien qu’elle embrasse certains traits qui semblent issus du comic book adolescent, et que Thomas Disch souligne, à juste titre nous semble-t-il, que celle-ci répond aux attentes d’un public essentiellement masculin de romans de science-fiction immédiatement séduit par son aspect volontiers dominateur et agressivement sexuel 26. Son rôle est bien unique dans les textes de W. Gibson. Molly est, en effet, l’un des rares personnages à être décrit comme suivant une volonté propre, un libre arbitre, une liberté, en somme, facilitée, amplifiée par ses nouveaux attributs de cyborg.
Or, comme le souligne Lauraine Leblanc, ces modifications corporelles ne manquent pas d’ajouter à l’ambiguïté du personnage de Molly, à la fois augmentée et dégradée par la technologie:
These enhancements serve to make Molly somewhat more than human and certainly less than feminine; she is faster, tougher, and stronger than any of the male characters of the novel, none of whom sport cyborg augmentations to the same degree as hers.
Molly’s tough posturing and martial abilities make her the clearest candidate for female-to-male role-reversal in cyberpunk fiction. (Leblanc, 1997)
Désormais dotée d’attributs stéréotypiques masculins, Molly change progressivement de paradigme et finit de souligner l’effacement complet du mythe. La jeune femme, affranchie de toute marraine ou fée bienveillante, quitte définitivement le territoire de l’allégorie et de la fable pour se réaliser en instrument de mort, en outil qu’elle compte bien ne laisser personne d’autre manipuler. Réifiée, certes, mais cette fois-ci par elle-même.
Reprenant à son compte une longue tradition de personnages posthumains qui apparaissent aussi bien dans la mythologie que dans la littérature, William Gibson se sert des créatures hybrides afin de décrire un futur où la science, qu’il s’agisse de la médecine, de la robotique ou de la cybernétique, ne permet que très superficiellement aux êtres humains de se dépasser.
Pour l’auteur, l’hybride, anarchiste seulement en apparence, se positionne en réalité contre la figure mythologique classique glissant entre deux mondes ou «territoires» (du réel au fabuleux, de l’homme à la machine, plus largement: du même à l’autre). Le cyborg, surhumain d’après sa définition première (Clynes, Kline), suit le même schéma, surhumain en surface uniquement. Vieilli, usé, celui-ci porte sur lui les marques du passage du temps et de son caractère obsolète. Ses performances il est vrai exceptionnelles font de lui un parfait outil au service des grandes multinationales et, partant, des puissances de l’argent, et si la science l’a libéré du corps humain maladroit ou d’un handicap, il reste esclave de ceux qui l’ont modifié.
Ce renversement des valeurs, loin du surhomme désormais banal en littérature ou au cinéma, est révélateur d’un jeu de la part de Gibson qui, à partir de ses premiers textes et de la figure de l’hybride, va multiplier les stratégies d’écriture afin de contrarier les attentes de son lecteur.
Si, pour l’écrivain américain, le posthumain joue un rôle fondamental, c’est bien parce qu’il est tout autant un sous-homme, dans ses acceptions sociologiques et politiques les plus irrecevables.
Cette vision, si elle n’est pas tout à fait nouvelle dans le domaine littéraire, est néanmoins porteuse de sens en ce qu’elle permet à l’auteur, par le biais de la satire, de brosser un portrait noir de l’Amérique des années 1980, au moment où les tenants du conservatisme, de l’ordre moral et religieux, du libéralisme économique, proposent de changer en profondeur la société tout en faisant passer les questions sociales et humaines au second plan.
Remerciements à Noëlle Batt, Nathalie Montoya, Gilles Volle.
1. «Derrida states ‘a monster is a species for which we do not have a name…[However], as soon as one perceives a monster in a monster, one begins to domesticate it’», McCormack, 2012, p. 79. MacCormack lie étroitement la notion de «monstre» à celle de «posthumain» dans le chapitre 5 de son essai: «The Wonder of Teras».
2. L’aspect érotique et sexuel du personnage est souligné très largement dans le remake du film par Paul Schrader en 1982.
3. Clarke qualifie de «posthumain» tout individu transformé, poussé du côté de l’hybridation (par le hasard, par la science ou encore par la magie), la «transformation posthumaine» culminant dans «a series of narratives of posthuman metamorphosis [such as] Octavia Butler’s Xenogenesis trilogy (…) Dr. Moreau’s Beast People (…) David Cronenberg’s Brundlefly», Clarke, 2008, p. 3.
4. C’est la partition qui est difficile à représenter, comme va s’amuser à le montrer Vincente Minnelli dans The Bad and the Beautiful (1952) qui cite ouvertement Cat People. Quant aux liens entre merveilleux et horreur, nous renvoyons en priorité à Bettelheim, 1975 et à Clarke, 2008.
5. Voir The Fly de David Cronenberg, 1986, où le personnage de Seth Brundle (Jeff Goldblum) veut, par le biais de la science, ne faire qu’un avec une mouche et devenir un personnage double, inédit, évidemment monstrueux.
6. Ainsi les interrogations de Michel Foucault: «Si naît un monstre, à qui iront les biens? Doit-on considérer que l’enfant est né, ou qu’il n’est pas né? À partir du moment où naît cette espèce de mixte de vie et de mort qu’est l’enfant monstrueux, se pose au droit au droit un problème insoluble. Lorsque naît un monstre à deux corps, ou à deux têtes, est-ce qu’il faut lui donner un baptême, ou est-ce qu’il faut lui donner deux baptêmes? Faut-il considérer qu’on a eu un enfant, ou faut-il considérer qu’on a eu deux enfants?», Foucault, 1999, p. 60.
7. Hayles, 1999 (édition électronique Kindle, sans numérotation de page).
8. H. G. Wells, The Island of Doctor Moreau, 1896.
9. Ou idéal grec de la perfection.
10. En 1977, Gibson a fait ses premiers pas dans l’écriture et publié sa première nouvelle intitulée «Fragments of a Hologram Rose» avant de commencer une série de trois nouvelles se déroulant dans un même monde futuriste: «Johnny Mnemonic» (1981), «New Rose Hotel» (1981), et «Burning Chrome» (1982) parues toutes trois dans le magazine américain Omni. Elles serviront de base à la trilogie formée des romans Neuromancer (1984), Count Zero (1986) et Mona Lisa Overdrive (1988). La peur de perdre son lecteur au travers de narrations trop complexes est l’une des obsessions du jeune Gibson porté par son goût pour la littérature expérimentale, voir McCaffery, 1991, p. 268.
11. «At first, these changes were brought about by surgery or other technological methods, but, as the century progressed, and speculation about the oncoming Biological Revolution proliferated, this sort of story increasingly merged with the “genetic engineering” story (…), and, later, even began to employ nanotechnology as well as an enabling device in the creation of its superhumans:cyberpunk attitudes—brought into the field in the eighties by writers such as Bruce Sterling, William Gibson, Pat Cadigan, Rudy Rucker, and others—about the weakness of the ties between human identity and the human body itself, especially the idea of “downloading” the intelligence and personnality of a human into a computer or an artificial-body-environment of some sort, would also have a major influence on the superman story… by this time already beginning to be referred to here and there as the “Posthuman” story.», Dozois, 2002, préface, p. xi.
12. Voir Christophe Becker, L’Influence de William S. Burroughs dans l’œuvre de William Gibson et Genesis P-Orridge. Thèse de Doctorat en Langues, Littératures et Civilisations des pays anglophones, sous la direction de Noëlle Batt, Paris: université Paris VIII, 2010.
13. «a cybernetic organism, a hybrid of machine and organism, a creature of social reality as well as a creature of fiction», in Donna Haraway, Cyborg Manifesto, texte consultable à l’adresse:http://www.stanford.edu/dept/HPS/Haraway/CyborgManifesto.html
14. Pour de plus amples informations lire l’article signé Anne Marcellini, enseignant-chercheur et membre de la commission scientifique de l’UFR STAPS Montpellier, intitulé «Réparation des corps “anormaux” et des handicaps» dans Quasimodo n°7: Modifications corporelles, op. cit. p. 269-287.
15. Les exemples sont évidemment très nombreux. Voir cependant Robocop de Paul Verhoeven, 1988, et la trilogie Tetsuo (1989), Tetsuo II:Body Hammer (1992) et Tetsuo:The Bullet Man (2009) de Shin’ya Tsukamoto qui illustrent superbement l’ambiguïté du corps cyborg.
16. Personnages qu’on retrouve dans The Difference Engine, coécrit avec Bruce Sterling et publié en 1990.
17. «The term cyborg (cybernetic organism) was put forward by Manfred E. Clynes and Nathan S. Kline in 1960 to describe a self-regulating man-machine system, supposed to be more flexible than the human organism thanks to the fusion of organic and mechanical parts. Clynes and Klyne’s cyborg is fundamentally an enhanced human, ideally capable of surviving in extraterrestrial worlds:‘Altering man’s bodily functions to meet the requirements of extraterrestrial environments would be more logical than providing an earthly environment for him in space…. Artifact-organism systems which would extend man’s unconscious self-regulatory controls are one possibility’», M. E. Clynes and N. S. Kline, ‘Cyborg and space’, cité dans Dani Cavallaro, 2000, p. 45.
18. «In Gibson’s work, the body is undoubtedly altered by technology but not transcended», Cavallaro, 2000, p. 75.
19. «a Russian military prosthesis, a seven-function force-feedback manipulator», Gibson, 2003, p. 4.
20. «cased in grubby pink plastic», (Gibson, 2003:4).
21. Gibson lie régulièrement la notion de cyborg avec celle d’individus voire d’animaux «augmentés». C’est cette notion qui sera reprise par Andrew Butler pour forger sa définition du cyborg: «individuals may be augmented by computers or various equipment – cameras, recording devices, receiving devices. The various types of augmented life – where the flesh is supplemented or replaced by the mechanical – are collectively referred to as the post-human», Butler, 2000, p. 14.
22. «From the point of view of bioengineering, a silicon chip is a large and rather complex shard of glass. Inserting a silicon chip into the human brain involves a certain irreducible inelegance of scale. It’s scarcely more elegant, relatively, than inserting a steam engine into the same tissue. It may be technically possible, but why should we even want to attempt such a thing», William Gibson, «Will we have computer chips in our heads?» in Distrust that Particular Flavor, Londres, Viking, p. 214.
23. «his prosthetic arm jerking monotonously as he filled a tray of glasses with draft Kirin», Gibson, 2003, p. 3.
24. À signaler que le terme «moll» peut désigner une prostituée en anglais.
25. [Molly: ] «I can see in the dark, Case. Microchannel image-amps in my glasses», Gibson, 2003, p. 32.
26. «In the world of cyberpunk, Molly’s dominatrix gear has become as comme il faut as pajamas on Star Trek. For boys, most kinds of macho grunge will do», Disch, 2000, p. 219.
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