La saga Angélique d’Anne et Serge Golon est un parfait exemple du genre populaire de la romance historique sentimentale. Bien qu’Anne Golon (de son vrai nom, Simone Changeux) et son mari Serge Golon (Vsevolod Sergeïvich Goloubinoff) apparaissent en tant que co-auteurs dans les éditions originales, en fait Anne était l’écrivain, tandis que Serge était essentiellement chargé de la recherche (Goloubinoff). En son temps, la saga, composée de 13 tomes et publiée entre 1957 et 1985, a été un grand succès commercial, traduit en 30 langues différentes et vendu à plus de 100 millions d’exemplaires dans le monde. La première moitié de la saga a été adaptée à l’écran par Bernard Borderie dans une série de cinq films de 1964 à 1968, avec Michèle Mercier et Robert Hossein. Ce volet suit les aventures de l’héroïne en France puis en Méditerranée, au début du règne de Louis XIV, dans ses efforts pour retrouver son époux bien-aimé, Joffrey de Peyrac. La deuxième partie de la saga, celle qui nous intéresse ici, est moins connue. Elle se compose des volumes 6 à 13 et se situe en Amérique du nord dans les années 1670. Angélique et Joffrey ont été réunis et se sont installés dans ce qui est aujourd’hui l’État du Maine, où ils sont en contact à la fois avec les Acadiens de Nouvelle-France et les Puritains de la Nouvelle-Angleterre.
Comme le sont souvent les produits de la culture populaire, la saga Angélique a été ignorée ou méprisée par la culture savante, comme en témoignent les deux apparitions de son auteure, Anne Golon, sur le plateau de l’émission Apostrophes (1977, 1981). Elle reste pourtant encore suffisamment populaire pour qu’une édition revue et augmentée ait été publiée entre 2009 et 2010 aux Éditions de l’Archipel, suivie d’une nouvelle adaptation cinématographique par Ariel Zeitoun en 2013.
La saga Angélique reprend les caractéristiques propres au genre de la romance historique sentimentale, qui tend à conforter les normes sociales patriarcales, et fonde l’intrigue sur l’amour universel généré par l’extraordinaire beauté de l’héroïne. Néanmoins, s’appuyant sur les études contemporaines sur la romance historique sentimentale, ce travail va montrer comment la saga Angélique fait figure de précurseur d’une écriture féministe de l’histoire de l’Amérique du nord à la fin du XVIIe siècle par ses multiples représentations de l’agentivité des femmes. Tout d’abord, via l’héroïne Angélique elle-même, qui joue un rôle central dans le conflit géopolitique qui forme la trame de fond de la saga. D’autre part, par la myriade d’héroïnes ordinaires, qui sont représentées comme jouant un rôle crucial en Acadie et dans la vallée du Saint Laurent, mais aussi en Nouvelle-Angleterre et au sein des nations autochtones.
Pour définir ce qu’est la romance historique sentimentale, nous partons d’analyses portant sur des productions américaine ou britannique, mais qui s’appliquent bien à la saga française Angélique.
La saga Angélique, bien que n’étant pas produite par une maison d’édition de masse comme Harlequin, correspond tout de même assez bien à ces caractéristiques. C’est une production populaire qui atteint un marché de masse; elle est produite en série [2]; elle est écrite par une femme et lue surtout par des femmes; l’intrigue est centrée sur la relation amoureuse; et comme la production d’Harlequin ou de Cartland, elle est dédaignée par les élites culturelles (Apostrophes 1977 et 1981). Golon considérait que ce mépris venait du fait que «des livres d’une pareille ambition et d’un tel souci de rigueur dans la reconstitution historique aient été écrits par une femme» et explique que son éditeur français avait exigé que son mari Serge Golon apparaisse comme co-auteur, parce que cela faisait «plus sérieux» (Steta: 216).
Ces éléments étant posés, on peut se demander dans quelle mesure la romance historique sentimentale est compatible avec une réécriture féministe du passé. La «première vague» du féminisme fait généralement référence à la période d’activisme politique centrée sur le droit de vote des femmes, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. La «deuxième vague» du féminisme est associée aux préoccupations des mouvements des années 1960 et 1970, qui se sont concentrés sur la liberté sexuelle, l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes dans la sphère publique. On a parlé ensuite de post-féminisme, caractérisé par un abandon de l’activisme collectif au profit de toutes les femmes, qui aurait été remplacé par la recherche dépolitisée et individualiste d’un gain personnel. Enfin, apparait aujourd’hui le féminisme de 3e ou 4e génération (selon les auteurs) avec plusieurs caractéristiques: l’abandon d’une approche universaliste, souvent associé à la catégorie de la femme blanche de la classe moyenne, pour prendre en compte les spécificités de classe, race, sexualité et mode de vie. D’autre part, un intérêt marqué pour la culture populaire, qui au XXIe siècle est un domaine politique important dans lequel se jouent les questions de genre, d’égalité et d’autonomisation (Barlow: 16-26). C’est dans ce contexte d’intérêt grandissant pour la culture populaire (Radway: 2-3) que s’inscrit la critique féministe contemporaine de la romance historique sentimentale, genre populaire par excellence, qui transmet un discours omniprésent sur la formation de l’identité de genre.
Le rapprochement entre féminisme et romance historique sentimentale semble pourtant a priori assez contradictoire, puisque celle-ci est plus souvent conservatrice. Elle renforce les modèles sociaux dominants: famille, relations hétéronormatives et rôles genrés strictement définis (De Groot: 52; Barlow: 47). L’intrigue est souvent centrée sur une femme au tempérament rebelle et indépendant, qui finit par se soumettre au système patriarcal parce qu’il lui offre la possibilité de l’amour et du mariage. Cela apparait typiquement dans les romans de Barbara Cartland (Hughes: 116).
La saga Angélique se conforme sur ce point au canon de la romance historique sentimentale. La jeune Angélique subit un mariage arrangé avec Jeoffrey de Peyrac, plus âgé qu’elle, balafré et boiteux, et se promet de ne pas succomber à ses avances, mais finit bien sûr par tomber amoureuse. Ce processus de domestication de l’héroïne se reproduit lorsqu’elle retrouve Jeoffrey après des années de séparation, retrouvailles qui marquent le début de la deuxième partie de la saga, en Amérique du nord.
La romance historique sentimentale se caractérise également par la grande beauté physique de l’héroïne, qui est l’élément sur lequel se fonde son rôle central dans l’intrigue. Plusieurs critiques ont montré que le genre s’est développé à partir du roman gothique plutôt que de l’approche réaliste de Scott (Wallace: 3). Or l’une des caractéristiques du roman gothique est la présence centrale dans l’intrigue d’une ravissante héroïne, innocente et pure. Dans Northanger Abbey, Jane Austen joue avec le canon du gothique et choisit au contraire de créer une héroïne banale, sans grande beauté ni intelligence:
No one who had ever seen Catherine Morland in her infancy would have supposed her born to be an heroine. (…) Catherine, for many years of her life, [was] as plain as any (…) and not less unpropitious for heroism seemed her mind. (Austen: 3)
Angélique est aux antipodes de l’anti-héroïne Catherine Morland. A 15 ans, elle est ravissante, à 25 ans elle conquiert le cœur de Louis XIV, éclipsant même la marquise de Montespan, qui désespère de pouvoir égaler l’extraordinaire beauté de l’héroïque, ni cette intelligence politique qui captive le roi.
La romance historique semble donc être, a priori, un genre où la femme n’a de valeur que par sa beauté physique, et qui, partant d’une volonté de rébellion, finit par se conformer aux attentes du modèle patriarcal. Il semble donc difficile d’y trouver une dimension féministe. C’est pourtant l’objet de plusieurs études développées dans l’aire anglophone dans les trente dernières années. Le premier argument est simplement celui de la représentativité des femmes dans l’histoire. Selon l’historienne féministe Alison Light, à une époque où l’histoire savante s’intéressait peu aux femmes, dans la fiction historique écrite par des femmes pour des femmes, elles pouvaient jouer un rôle central dans le roman national, et acquérir ainsi une importance rarement ressentie par cette catégorie normalement laissée hors de l’histoire (Light: 59-60). Ainsi, même si les héroïnes ne sont pas consciemment créées par leurs auteurs comme des féministes, leur place centrale dans le récit historique favorise une conscience féministe. Ce n’est pas une coïncidence si le genre de la romance historique a été adopté par les écrivaines et lectrices au début du XXe siècle, moment crucial pour le développement du féminisme occidental, où les femmes entrent pour la première fois dans l’histoire comme citoyennes (Wallace: 27).
La romance historique offre aux femmes non seulement une représentation dans l’histoire, mais aussi la possibilité d’une agentivité. Cette évolution apparait plutôt dans la 2e moitié du XXe siècle et correspond à l’émergence du 2e féminisme. La fiction historique écrite par les femmes ne se contente pas de mettre en scène les femmes qui subissent les «silences de l’histoire» (Perrot), mais privilégie leur intériorité et leur perspective, en faisant d’elles les sujets et agents de l’histoire, plutôt que des occupantes passives. Cette approche reflète la nouvelle importance accordée au domaine privé des femmes dans la sphère traditionnellement publique de l’histoire (Barlow: 43-46). Cela correspond au succès grandissant de la romance de poche dans les années 1970. Le format préétabli dicté par la production de masse s’adapte pour représenter des héroïnes indépendantes, et le simple fait de les lire est déjà, en soi, une «déclaration d’indépendance» (Radway: 7) et un moyen de compenser le coût personnel lié aux exigences du rôle social d’épouse et de mère (Radway: 11). Ainsi la mise en valeur de l’agentivité des femmes dans la romance historique passe aussi par la lecture comme comportement social (Radway: 7).
C’est également via l’affirmation d’une agentivité sexuelle que ces romances de poche contribuent à construire une identité féminine indépendante et autonome (Thurston: 141). Cette dimension sexuelle est néanmoins assez dangereuse. Angélique correspond tout à fait à ces héroïnes qui savourent leur sexualité, et ont des relations sexuelles avec plusieurs hommes au cours du récit (Thurston: 72). Cela peut permettre de la considérer comme une héroïne féministe; alternativement, cela peut mener à une catégorisation sexiste et méprisante. Anne Golon regrettait la façon dont le film de Robert Borderie avait fait de son héroïne une aventurière ultra sensuelle et niaise, que le dialoguiste Daniel Boulanger qualifie ainsi: «Je vais vous dire qui est votre Angélique: une petite putain qui veut se farcir tous les hommes» (Steta: 128-129). Golon y voit une transformation antiféministe de son personnage: « Il trouvait normal de m’insulter et d’insulter mon héroïne. Il haïssait l’idée d’une femme libre et intelligente, et simplement normale» (Steta:128-129).
Dans le même entretien avec la Revue des Deux mondes, Anne Golon souligne sa volonté de créer une héroïne libre et féministe, et le rejet que cette entreprise avait provoqué à l’époque:
Je crois que le personnage d’Angélique inspirait une forme de crainte: il était trop fort pour l’idée que l’on se faisait alors de la femme. Songez qu’à l’époque les femmes n’avaient pas le droit d’exercer une activité professionnelle sans le consentement de leur mari! Or Angélique mettait en scène une femme qui n’hésitait pas à se révolter contre le roi de France et à devenir chef de guerre! (Steta: 128).
Cette démarche de l’auteure explique la façon dont la saga Angélique met en lumière de multiples façons l’agentivité des femmes dans l’histoire de l’Amérique du nord à la fin du XVIIe siècle.
La deuxième partie de la saga Angélique (volumes 6 à 13, publiés entre 1961 et 1985) nous amène en Amérique du Nord à la fin du XVIIe siècle. La Nouvelle-France est devenue colonie royale en 1663, après l’échec de la gestion de la Compagnie des Cent-Associés, et l’action se situe pendant le premier gouvernement de Louis de Buade, comte de Frontenac (1672-1682). La Nouvelle-France compose alors de l’Acadie, sur la côte atlantique, et de la vallée du Saint Laurent, jusqu’aux grands lacs. Elle compte autour de 6000 colons. Face à la Nouvelle-France se trouvent douze colonies anglaises, du Massachussetts à la Caroline, qui comptent dans les 200 000 colons.
Angélique est l’agent central de l’intrigue de cette deuxième partie de la saga, construite sur la lutte entre les Peyrac et le Jésuite Sébastien d’Orgeval. Celui-ci représente une vision assez caricaturale d’une Nouvelle-France obscurantiste et missionnaire, probablement basée sur les écrits du grand historien américain du XIXe siècle, Francis Parkman. Angélique, aux côtés de son mari Jeoffrey de Peyrac, incarne la liberté et la tolérance entre ces deux mondes fanatiques que sont la Nouvelle-Angleterre puritaine et la Nouvelle-France de la Contre-Réforme.
Angélique arrive dans le Maine vers 1674-1675, son époux Jeoffrey, comte de Peyrac, s’y étant installé quelques années auparavant. Il s’agit d’un territoire aux marches à la fois de la Nouvelle-Angleterre et de la Nouvelle-France, aujourd’hui appelé Downeast, terme explicité par Peyrac (A 6-2: 2099-2100) [3], bien que son usage ne date que des années 1810 [4]. Il y fonde le port de Gouldsboro [5] (A 6-2: 1930-1946). Plus tard, les Peyrac remontent vers l’intérieur le long du Kennebec, jusqu’au poste de traite de Karatunk. Lorsque celui brûle, ils se réfugient à la mine de Wapassou, près de l’actuel Lac Moosehead, où ils passent leur premier hivernage.
En théorie, la frontière entre la Nouvelle-France et la Nouvelle-Angleterre a été établie par le traité de Bréda de 1667, qui met fin à la Deuxième Guerre anglo-néerlandaise (1665-1667), reconnait la conquête anglaise de la Nouvelle-Amsterdam et rend l’Acadie à la France. Dans la réalité, les tracés ne sont pas très clairs dans ces territoires très peu colonisés. Peyrac mentionne plusieurs fois le traité de Bréda et souligne que la région est un no man’s land, sans allégeance claire, ce que permet aux colonisateurs entreprenants comme lui de s’y tailler un fief (A 7-1: 1061-1071).
Néanmoins, en s’installant dans le Maine, Peyrac se trouve pris dans le conflit géopolitique entre la France et l’Angleterre, qui, dans ce territoire frontalier où les deux nations colonisatrices rivales comptent peu de représentants, se joue essentiellement à travers les alliances avec les peuples autochtones. Coincés entre les Français et Anglais et leurs alliés, Peyrac doit lui aussi nouer des alliances pour préserver son autonomie. Il a établi une alliance avec les Mohicans et une partie des Abénakis avant l’arrivée d’Angélique (A 6-2: 2523-2527 et 2834-2839), et celle-ci l’aide ensuite à en nouer une autre avec les Iroquois (A 7-1: 2588-2596).
Dans ce no man’s land aux frontières mal établies, Peyrac s’imagine en seigneur autonome. Il est présenté au début de la saga comme le descendant des contes de Toulouse, ce qui lui vaut d’être éliminé par le jeune Louis XIV, échaudé par la Fronde et qui se défie des grands seigneurs susceptibles de se révolter contre le pouvoir royal. Il est donc assez logique que Peyrac, encore empreint de la mentalité d’un grand féodal, tente d’établir en Amérique un nouveau fief indépendant des couronnes française comme anglaise (A 8-1: 228-232). Ce territoire autonome est pensé comme un espace de liberté politique et religieuse. Ainsi, il installe dans son port de Gouldsboro des Huguenots de la Rochelle, à une époque où l’immigration des Protestants en Nouvelle-France était strictement interdite, et refuse de se mêler aux conflits religieux qui opposent les deux puissances en Amérique du nord (A 8-1: 319-324).
L’indépendance de Peyrac et son refus de participer à l’œuvre missionnaire de la Nouvelle-France lui vaut l’hostilité des Jésuites, et plus particulièrement du Révérend Père Sébastien d’Orgeval [6], convertisseur charismatique et zélé:
Son courage dans le martyre avait inspiré une telle admiration aux Iroquois qu’ils lui avaient laissé la vie sauve. Guéri de ses blessures affreuses, le père d’Orgeval s’était enfui et avait gagné au prix de mille périls la Nouvelle-Hollande d’où un navire l’avait conduit en Europe. Malgré ses mutilations, le Pape lui avait accordé l’autorisation de célébrer la Sainte Messe, et, à Versailles ainsi qu’à Notre-Dame de Paris, le grand jésuite avait prêché devant une assemblée en larmes, et dix femmes s’étaient évanouies. (A 7-1: 2866-2869).
Envoyé ensuite en Acadie et dans le Maine, il y est chargé par le pape et le roi de France d’une double mission politique et religieuse: évangéliser les Autochtones et les utiliser pour freiner l’expansion des Protestants anglais.
– C’est un saint qui combat pour son Dieu. Il y a longtemps que je suis renseigné sur son compte. C’est le pape et le roi de France qui l’ont nommé en Acadie, et son seul but doit être de pousser les Abénakis à la Guerre Sainte contre les hérétiques anglais et tous ceux qui peuvent être considérés comme les ennemis des Catholiques et des Français. (A 7-1 4532-4535)
Identifiant Joffrey de Peyrac comme un obstacle à leur mission politique et religieuse, les Jésuites d’Acadie s’opposent à lui sans merci. Orgeval tente de l’éliminer en montant une attaque franco-indienne sur son poste de traite de Karatunk sur le Kennebec (A 7-1: 2814-2816). L’entreprise ayant échoué, Jeoffrey et Angélique conservent encore l’espoir de réussir à s’entendre avec Orgeval et les trois autres Jésuites chargés de l’évangélisation de l’Acadie et du Maine: «Une entrevue avec le père d’Orgeval s’impose encore et je la tenterai. Ensuite… Eh bien, chaque jour de gagné, c’est une victoire pour nous. (…) Après tout, si hostiles et opposés qu’ils me soient, ils ne sont que quatre jésuites pour un territoire plus vaste.» (A 8-1: 332-340)
Cependant, lorsque les Peyrac tentent de rencontrer le Père d’Orgeval dans sa mission de Noridgewock [7], près des rives du Kennebec, ils n’y trouvent que la bannière du Jésuite guerrier, «tachée du sang des Anglais, avec ses quatre cœurs rouges à chaque coin et le glaive en travers de la soie blanche, et souillée par les combats », ainsi qu’un mousquet posé sur l’autel, en guise de déclaration de guerre (A 8-1: 545-555).
Si c’est Peyrac qui attire au départ l’hostilité des Jésuites, par son projet de colonisation autonome dans le Maine, l’intrigue donne à Angélique un rôle symbolique crucial qui les transforment en ennemis irréductibles du couple. À peine arrivée en Amérique vers 1674, lors de son voyage de la côte du Maine vers le poste de traite de Karatunk sur le Kennebec, elle rencontre un parti de guerre de Canadiens français et est identifiée comme la Démone d’Acadie, dont le rôle destructeur a été annoncé par une vision venue à une Ursuline de Québec:
Tenant Wallis par la bride, Angélique, à pas de loup, s’approcha du bord du ravin. De là s’élevaient des voix d’hommes chantant un cantique. (…) Elle s’approcha plus encore et se penchant découvrit un tableau étrange, inimaginable. Au fond de la gorge, les roches étaient rouges du reflet de deux grands feux allumés au bord de la rivière. Un religieux en robe noire, levant les bras en un geste de bénédiction, se tenait debout en face d’une assemblée d’hommes agenouillés. (…) il y en avait qui étaient équipés de vêtements de daim et de fourrures, mais d’autres portaient des uniformes bleus sou tachés de dorures et Angélique remarqua deux gentilshommes à collet et manchettes de dentelle. (…) Les coureurs de bois, soldats et seigneurs, agenouillés, la tête pieusement inclinée, tandis qu’un chapelet glissait entre leurs doigts. (…) derrière les Français, les silhouettes de cuivre rouge d’Indiens à demi nus. Certains de ceux-ci priaient et chantaient également. [8] (…) [Angélique] eut un mouvement brusque, retint un cri, et Wallis broncha en faisant craquer des branches. Comprenant qu’elle allait être aperçue, Angélique bondit, à califourchon, sur le cheval. (…) Ils furent tous debout aussitôt et la virent, silhouette cavalière, femme aux longs cheveux, se détachant sur le ciel lunaire. Alors un cri terrible jaillit de leur poitrine.
– La Démone ! La Démone de l’Acadie ! (A 7-1: 980-1025)
L’hostilité des Jésuites vient donc du défi politique et religieux que leur pose l’influence politique de Peyrac, mais la lutte prend une dimension surnaturelle avec l’arrivée d’Angélique. Dans une perception assez clichée du catholicisme, sa condition de femme particulièrement belle mène facilement à l’association avec le Diable, venu empêcher à travers elle l’évangélisation des Autochtones d’Acadie et du Maine. Cela apparait dans la vision de la la Mère Madeleine de la Croix, des Ursulines de Québec:
… Tout à coup une femme d’une très grande beauté s’éleva des eaux et je sus que c’était un démon féminin. Elle resta suspendue au-dessus des eaux dans lesquelles son corps se reflétait et sa vue m’était insupportable, car c’était une femme… et je voyais en elle le symbole de ma condition de pécheresse. Tout à coup, du fond de l’horizon, un être dans lequel je crus reconnaître un démon ailé s’avança d’un galop rapide et je m’aperçus que c’était une licorne dont la longue pointe étincelait au soleil couchant comme un cristal. La démone la chevaucha et s’élança à travers l’espace. … Alors je vis l’Acadie, comme une immense plaine que j’aurais contemplée du haut des cieux. Je sus que c’était l’Acadie. Aux quatre coins des démons la tenaient comme une couverture et la secouaient violemment. La démone la parcourut d’un sabot ailé et y mit le feu… Je me désespérais car je voyais que c’était là le désastre pour le cher pays que nous avions pris sous notre protection. (A 11-1: 6060-6070)
Il est intéressant que cette représentation surnaturelle d’Angélique parte de la vision d’une religieuse et donc de la confrontation de deux visions de la femme, l’une soupçonnée d’être diabolique car elle échappe à l’emprise de l’Église, l’autre au contraire à son service.
Outre cette dimension surnaturelle que revêt Angélique dans le conflit qui oppose les Peyrac aux Jésuites, elle joue également un rôle crucial du fait de sa bonne entente avec les Autochtones, qui lui permet d’influencer des acteurs cruciaux de ce conflit géopolitique. Le plus important est Piksarett [9], chef des Patsuiketts, l’une des multiples bandes abénakies du Maine, converti fanatique et principal allié de Sébastien d’Orgeval ((A 7-1: 3225-3227).
Néanmoins, Angélique réussit à se nouer d’amitié avec lui. À Karatunk, elle lui donne «son manteau couleur d’aurore» pour en faire «un linceul digne d’envelopper les ossements de [ses] ancêtres» et le distrait ainsi assez longtemps pour qu’il n’achève pas le chef blessé des Mohawks (A 7-1: 4461-4474). Cette première rencontre marque le début de « leur insolite amitié» (A 8-1: 2816-2817).
Par la suite, alors qu’elle visite un village anglais à la frontière de la Nouvelle-Angleterre, Piksarett mène un raid commandité par le Jésuite Sébastien d’Orgeval pour la capturer, mais de nouveau, arguant du fait qu’elle est française et catholique, elle parvient à le convaincre de la ramener plutôt à son mari qui paiera sa rançon.
– Tu es ma captive, répéta-t-il d’un ton farouche.
– Je veux bien être ta captive, mais tu ne me tueras pas et tu ne me livreras pas à la Robe Noire parce que je suis française et que je t’ai donné mon manteau pour envelopper les ossements de tes ancêtres.
(…) Piksarett hésitait. Certains mots d’Angélique l’avaient rendu perplexe. «Je suis française!…» Car c’était l’Anglais qu’on lui avait enseigné à combattre. Et d’autre part il n’était pas capable d’oublier le don extraordinaire de ce manteau qu’elle lui avait fait pour ses ancêtres.
– Es-tu baptisée? demanda-t-il.
– Mais oui, je le suis, s’écria-t-elle exaspérée.
Et elle fit le signe de la croix plusieurs fois en invoquant la Vierge Marie. (…)
– (…) tu ne m’emmèneras pas à Québec… que ferais-tu de moi là-bas ? «Ils» ne voudront pas me racheter puisque je suis déjà baptisée. Emmène-moi jusqu’à Gouldsboro, et là mon mari te paiera une belle rançon selon ta demande. (A 8-1: 2020-2057)
Fasciné par cette femme qui ne connait pas la peur et par les «esprits malins, fugaces et indomptables qu’il avait vu danser en étincelles vertes dans les yeux de la femme blanche» (A 8-1: 2185), Piksarett accepte de la suivre, amenant avec elle plusieurs rescapés anglais du raid franco-indien. Le départ de Piksarett fait échouer la campagne du Jésuite Sébastien d’Orgeval et confirme son hostilité envers Angélique:
(…) le départ, la désertion plutôt de Piksarett, a dérangé tous les plans, démoralisé les troupes parties à l’assaut des colons de Nouvelle-Angleterre. La guerre indienne s’est éteinte comme un feu de tisons non alimentés. (…) Avouez, madame, que le père d’Orgeval aurait quelques raisons de vous en vouloir d’un pouvoir dont on s’explique mal la genèse ou l’ascendant. Une campagne qui tombe en quenouille, son Grand Baptisé, son fils préféré, se dérobant sans remords à son devoir de chef, de guerre sainte, et tout cela parce qu’il a rencontré la dame du lac d’Argent. (…) Comment ne verrait-il pas en vous une dangereuse ennemie, alors que l’installation de M. de Peyrac sur ces rives, déjà, semble saper les bases de toute notre œuvre en Acadie, et que votre présence à ses côtés lui a retiré comme magiquement ses meilleures alliances. (A 9-1: 5833-5857)
Non seulement l’influence d’Angélique prive les Jésuites de leur meilleur allié autochtone dans leur campagne contre les Anglais, mais elle est également l’agent essentiel qui permet à Peyrac de signer son alliance avec les Iroquois, grâce, là aussi, à la relation de confiance qu’elle noue avec le chef mohawk Outtaké. Peu après son arrivée à Karatunk, dans un passage qui évoque les vagues pouvoirs surnaturels dont elle serait dotée, Angélique rêve qu’Outtaké la tue (A 7-1: 4058-4060). Prévenue par le songe, elle échappe au sort qui l’attend et parvient à désarmer Ottaké:
L’Iroquois ne pouvait comprendre comment un guerrier aussi fort, aussi habile, aussi invulnérable que lui, se trouvait à la merci d’une femme, et encore d’une femme blanche! Il ne commença à revivre qu’au moment où l’idée qu’elle n’était pas une femme réelle, mais un être d’une essence supérieure et sans doute divine, pénétra en lui. Alors il respira. Il pouvait admettre sa défaite. Ce n’était plus un déshonneur. Sa voix s’éleva, rauque et basse:
– Femme, donne-moi ma vie! Dans l’instant d’hésitation qu’elle avait marqué à l’égorger, il eût pu essayer de lutter contre elle, mais il semblait y renoncer.
– Si je te donne ta vie, tu prendras la mienne, murmura-t-elle. Sa voix douce et musicale trembla et pénétra dans l’esprit du sauvage.
– Non, fit-il avec force. J’en fais serment par le Grand-Esprit. Ta vie est sacrée si tu es incarnée. Désormais nul ne peut y attenter.
Et elle s’aperçut qu’ils avaient échangé ces répliques en français.
– N’es-tu pas Outtaké, chef des Mohawks?
– En vérité, je le suis! (A 7-1: 3542-3558)
Quelques jours après, alors que la délégation iroquoise négocie à Karatunk l’alliance avec Peyrac, le fort est attaqué par les Français et leurs alliés abénakis. C’est alors, comme nous l’avons vu, qu’Angélique parvient à sauver Outtaké de son ennemi Piksarett (A 7-1: 4461-4474). Le chef mohawk devient ainsi l’atout crucial de Peyrac pour rétablir l’alliance menacée, «sa carte maîtresse grâce à Angélique» (A 7-1, 4843). Angélique joue donc, là encore, un rôle central dans l’établissement de cette alliance qui va renforcer la position stratégique des Peyrac entre la Nouvelle-France et la Nouvelle-Angleterre. Symboliquement, ce rôle est confirmé par le collier de wampum qu’Outtaké, devenu chef de la Confédération iroquoise, envoie personnellement à Angélique, une fois l’alliance approuvée par le Conseil des Mères et des Anciens (A 7-1: 5342-5343).
Au-delà de l’agentivité cruciale donnée à l’héroïne, la saga se caractérise également par de fréquents tableaux représentant les femmes qui peuplent l’Amérique du nord de la fin du XVIIe siècle, mettant en valeur leur rôle actif dans le passé.
En Nouvelle-France, on trouve le personnage de la seigneuresse, équivalent féminin du seigneur. Ce sont le plus souvent des veuves, qui ont hérité de leur mari défunt un domaine concédé par la couronne, que le seigneur ou la seigneuresse est chargé de mettre en valeur en faisant venir les métayers. Les seigneuresses qui apparaissent dans la saga ont en commun d’être des femmes libres, qui choisissent leurs amants ou leurs maris, et mènent leur vie et leur domaine avec compétence et dynamisme.
Marcelline Raymondeau, dite Marceline-La-Belle, seigneuresse acadienne du fond de la Baie française (aujourd’hui Bay of Fundy) élève seule ses nombreux enfants. Forte femme qui ne se laisse pas abattre par l’adversité, elle gère son domaine habilement et commerce quelque peu illégalement au fond de la Baie française, proche des colonies anglaises (A 9-2: 2278-2281 et 2020-2026)
Le roman présente également les seigneuresses de la vallée du Saint Laurent, comme «dame Éléonore de Saint-Damien, une seigneuresse qui en était à son quatrième mari» (A 11-2, 654-655) et «une seigneuresse du côté du lac Saint-Pierre, Madame de La Dauvernie», venue se chercher un mari à Québec, pour le plaisir car elle n’en a nulle besoin pour gérer sa seigneurie (A 11-2: 5860-5870).
«Guillemette de Montsarrat-Béhars, seigneuresse du fief de La Givanderie en l’île d’Orléans» (A 11-2, 2310), fume la pipe et dirige son domaine, ses attelages et son jeune amant d’une main de maître. Ce personnage, guérisseuse elle-même et redoutée à cause de sa réputation de sorcière, est la fille d’une guérisseuse qu’elle a vu bruler sur le bûcher. Cela permet l’évocation du sort de ces milliers de femmes guérisseuses mises à mort par l’Église en une chasse aux sorcières qui, selon Guillemette, est venue de la peur que les hommes ont du pouvoir des femmes:
À mots couverts, à petites phrases qu’elle avait longuement retournées dans sa tête, elle évoquait la croisade de terreur, acharnée, depuis trois cents ans, à éliminer de la société les cueilleuses de «simples», dangereuses de posséder une science qu’on ne leur avait pas enseignée et que l’Église ne les avait pas encouragées à acquérir…
– Ma mère était femme sage dans un gros bourg des marches de Lorraine, raconta-t-elle… Elle visitait aussi les campagnes… «Ils» l’ont conduite au bûcher. Et tandis que le feu craquait et la consumait, «ils» me tiraient les cheveux pour m’obliger à relever la tête et me criaient aux oreilles:
– Regarde! Regarde ta mère qui brûle, petite sorcière! (…)
– … Tu comprends, reprit-elle, «ils» ne voulaient rien nous laisser, même pas ce pouvoir-là. «Ils» ne peuvent supporter que nous soyons plus fortes qu’«eux».
– Qui ça «ils»? demanda Angélique.
– Les hommes! (…) Il faudra que tu saches le complot des hommes contre les femmes et tout ce qu’ils ont fait pour leur arracher le pouvoir qu’elles avaient reçu de Dieu: celui de guérir. (A 11-2: 2399-2457)
À côté des seigneuresses, on trouve les habitantes, qui de Tadoussac à Québec, gèrent la ferme tandis que leur homme traque la fourrure dans le Pays d’en haut. La saga montre donc le rôle essentiel des femmes dans la colonisation de la Nouvelle-France, comme par exemple le personnage de Suzanne Legagne, dont le mari, parti à la traite et blessé, «se trouvait obligé d’hiverner à Fort Frontenac, près du lac Ontario», tandis qu’elle s’occupe de la ferme avec un «couple d’engagés» (A11-1: 5156-5160). Le personnage de Suzanne illustre ainsi la complémentarité entre l’agriculture et la traite de la fourrure pour la population canadienne du XVIIe siècle, qui sera mis en avant dans l’historiographie suite à la publication en 1974 de l’ouvrage de Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIᵉ siècle.
Les femmes, par leur fertilité, jouent également un rôle crucial dans le peuplement du pays. Suzanne, «mariée à quatorze ans avec un soldat du régiment de Carignan », a déjà 4 enfants à 23 ans (A11-1: 5153-5155). Cette dimension fondamentale est rappelée via les jeunes immigrantes dotées par le roi qui ne manquent pas d’apparaître dans la saga, rappelant ces quelque 800 Filles du Roi arrivées entre 1665 et 1675 et dont descendent aujourd’hui une bonne partie des Québécois. L’importance cruciale de la dot fournie par le Roi apparait clairement dans la saga:
De tout ce qu’elles avaient enduré, c’était ce qui les chagrinait le plus: la perte de leur cassette royale. Sans dot, qui voudrait d’elles en Canada. Il leur faudrait se louer comme servante, et thésauriser pendant des années avant de trouver la possibilité, soit de s’établir décemment, soit de retourner en France. (A 10: 2306-2313)
Pour d’autres femmes, c’est la foi catholique qui les mène à jouer un rôle dans la construction de la Nouvelle-France. Les bienfaitrices participent depuis la France au financement de la colonisation de la Nouvelle-France, à son peuplement et à la conversion des Autochtones. Elles sont actives au sein des confréries religieuses, Compagnie du Saint-Sacrement en France ou Confrérie de la Sainte-Famille au Canada, qui témoignent de l’implication des dévots et dévotes dans la construction de la société catholique (A10: 3538-3540; A 11-1: 1023-1025).
Dans la saga, la bienfaitrice parisienne qui amenait les Filles du Roi s’étant noyée, c’est à Madame de Mercouville, présidente de la Confrérie de la Sainte-Famille, que l’on demande de gérer les jeunes femmes qui ont perdu leur dot (A 11-1: 1044). Mme de Marcouville illustre la centralité de la foi catholique dans la société de la Nouvelle-France, qui se conjugue à une influence politique et économique cruciale. Active et dynamique, elle joue un rôle officieux de consultante économique auprès du Conseil souverain et seconde l’intendant dans « ses essais de développements commerciaux et artisanaux de la colonie » (A 11-1: 3832-3833). Ainsi elle fait venir de France un modèle de métier à tisser, qu’elle entend faire reproduire et distribuer dans les foyers pour occuper les femmes «utilement pendant les mois d’hiver au lieu de jacasser, jeter les dés et souvent boire. Avec le chanvre et le lin dont on a entrepris la culture, l’on va fabriquer de bonnes toiles du pays.» (A 11-1: 2387-2394)
Parmi les pionnières de Nouvelle-France, on trouve également les religieuses. Le personnage de la Mère Madeleine de la Croix des Ursulines nous rappelle le rôle central des religieuses dans la mystique de la Contre-Réforme, et leur contribution majeure à l’évangélisation de la Nouvelle-France. Le personnage évoque celui de Marie de l’Incarnation, mystique «désirante», qui s’inspire de Thérèse d’Avila pour la mortification physique, paradoxalement accompagnée d’une foi sensuelle qui se réfère souvent au Cantique des Cantiques (Carron: 21-22). Marie de l’Incarnation est aussi la fondatrice des Ursulines de Québec et une actrice centrale de la construction de la Nouvelle-France et de la francisation des Autochtones (Carron: 18), y compris via l’apprentissage des langues autochtones. Cette œuvre est évoquée dans le roman, dans un passage qui évoque de façon positive ce premier pensionnat indien qu’est le Couvent des Ursulines de Québec:
on vit arriver par la Grande Allée un chef algonquin de la tribu des Montagnais et sa petite fille. Il venait remettre l’enfant aux dames ursulines afin qu’elles en fassent une chrétienne accomplie. (…) La petite Indienne avait cinq ans. Baptisée au fond des forêts par un missionnaire itinérant, elle répondait au joli nom de Jacqueline. (…) Une jeune religieuse entra, une novice qui avait droit de semi-clôture afin de pouvoir accueillir les élèves dès le seuil. Elle s’extasia de tendresse à la vue de l’enfant, lui ouvrit les bras, l’enleva sur son cœur. Elle lui parlait en langue indienne de racine huronne que la petite Montagnaise ne comprenait pas bien mais qui lui était familière. La novice couvrait de baisers et de caresses les petites joues ivoirines, ombrées de crasse, la câlinait et la berçait afin d’apaiser sa frayeur. Elle lui montra un pruneau confit, une balle rouge. La dilection brûlante qui avait poussé cette jeune fille de noble famille à traverser les mers pour le salut des pauvres sauvages rayonnait sur le visage de la jeune sœur et s’exprimait dans ses transports qui auraient pu être ceux d’une mère retrouvant son enfant. Elle assura le père de Jacqueline que la petite ferait l’objet de tous les soins des Mères, serait fort aimée d’elles, qu’on ne lui enlèverait pas son amulette qu’elle portait au cou pour la préserver des mauvais esprits, ni qu’on n’aurait garde d’oublier de l’oindre tous les jours de graisse pour la protéger du froid en hiver, des moustiques en été, pieux mensonges en ce qui concernait peut-être ces dernières assertions. (A 11-1 5924- 5967)
La rencontre d’Angélique avec Marguerite Bourgeoys à Tadoussac et Québec permet d’évoquer son rôle extraordinaire dans la colonisation de Montréal:
Marguerite Bourgeoys était venue seule, sans peur, pour l’amour de Dieu, des enfants à élever et à enseigner, et des êtres sauvages. Elle avait travaillé aux champs, fondé des écoles, soigné les blessés des combats contre les Iroquois. (A 10, 2660-2668).
La centralité de la foi de Marguerite Bourgeoys n’empêche pas sa volonté d’indépendance vis-à-vis d’une Église gouvernée par les hommes. La saga souligne l’originalité de son œuvre, qui entend créer une congrégation de femmes actives et impliquées dans la société, démarche novatrice qui l’entraine dans un dangereux conflit avec la hiérarchie de l’Église:
En mon absence, Monseigneur s’est ému d’apprendre que depuis trois ans j’avais revêtu mes postulantes du costume sans qu’il y eût de règle écrite. Mais, cette fois, il faudra bien qu’il accorde à notre congrégation l’approbation canonique. Les difficultés avec lui venaient, dit-elle, de ce qu’elle refusait la clôture monastique pour son ordre et qu’elle ne voulait, pour le costume des religieuses, «ni voile ni guimpe» qui les auraient différenciées par trop des habitantes du pays. Elle voulait les compagnes de son ordre vêtues comme de modestes bourgeoises, de la même robe noire, à collet blanc avec un fichu noir noué sur leurs bonnets de ménagères:
– Nous sommes des femmes communes, au service des autres. (A 11-1, 3529-3538)
La figure de Perrine, esclave noire de Québec, est très intéressante car elle vient propager dans ce volume de 1985, le travail de Marcel Trudel (1961) sur la présence d’esclaves en Nouvelle-France dès 1632. Le cas de Perrine correspond tout à fait à ce que dit Trudel des esclaves noirs présents en petit nombre en Nouvelle-France, qui souvent venaient des Antilles françaises et qui, en l’absence d’une économie de plantation où ils seraient utilisés aux travaux agricoles, étaient des domestiques ou des artisans. Ainsi Perrine a accompagné sa maîtresse, Mme de Marcouville, lorsque celle-ci a quitté la Martinique pour se marier à Québec, et c’est la nourrice des enfants Mercouville et l’intendante de la maison (A 11-1 2380-2381).
On rencontre aussi une femme appartenant à une catégorie plus commune d’esclaves, les Anglais enlevés lors des raids franco-indiens et devenus la propriété des alliés abénakis ou hurons, qui les utilisent comme esclaves ou les louent aux Canadiens de Montréal ou Québec. Ces captifs font l’objet d’intenses pressions pour qu’ils se convertissent au catholicisme. Jessy a vécu le traumatisme de la capture, de la longue marche de Boston à Montréal pendant laquelle son bébé a été tué, et se retrouve louée comme servante «sans gages» à Québec:
Jessy était une puritaine des environs de Boston dans le Massachusetts, ville aux abords de laquelle les Canadiens avaient mené un raid exterminateur six années plus tôt. Elle tenait fermement à sa religion hérétique et la famille montréalaise qui tout d’abord l’avait achetée aux Abénakis s’était découragée de la prêcher pour qu’elle se convertisse. Sur le point de la renvoyer aux sauvages, son maître français l’avait prise en pitié et avait eu l’idée de l’expédier à Québec chez Mlle d’Hourredanne. Il savait qu’elle n’affichait pas un prosélytisme outrancier. Elle s’accommoderait sans émotion d’une servante qui refusait de se laisser baptiser catholique et à laquelle elle n’aurait pas à donner de gages puisque c’était une captive. (A11-2: 1168-1179)
Angélique, lors de ses pérégrinations en Nouvelle-Angleterre, rencontre la famille de Jessy et tente, sans succès, de la racheter (A 12-2: 3748-3757). Le personnage de Jessy fait ainsi le lien avec une deuxième catégorie d’héroïnes ordinaires: les femmes de Nouvelle-Angleterre.
La saga nous amène également en Nouvelle-Angleterre, où apparaissent plusieurs personnages actifs de pionnières.
Le plus intéressant est celui de Mrs Williams, matriarche de la frontière, prompte à saisir son fusil pour combattre les raids franco-indiens, représentante de l’éthique puritaine mais à qui son âge et sa maturité permettent de s’en détacher pour affirmer son indépendance. Libérée des contraintes de son rôle de femme par la fin de sa jeunesse (A 8-1: 1818-1824), elle se permet de porter des coiffes de dentelle (A 8-1, 1412-1427) et de soigner les roses, même le jour du Sabbat:
– Voyez ces roses, dit Mrs William. Doivent-elles souffrir parce que c’est le jour du Seigneur? J’ai eu encore droit à la semonce de notre révérend. Mais je l’ai fait taire. (…) – Peut-être aurai-je droit au pilori, fit-elle. Et l’on écrira sur l’enseigne: « Pour avoir trop aimé les roses!» (A 8-1, 1717-1730)
En Nouvelle-Angleterre, la saga nous fait également rencontrer des quakeresses magiciennes qui préfigurent les sorcières de Salem et sauvent Angélique et ses jumeaux lors d’un accouchement difficile. Ruth Newlin et Nômie Shiperhall portent la quadruple faute d’être quakeresses, membres d’une Église qui admet l’égalité des femmes (A12-1: 1672-1700), d’être guérisseuses, de former un couple homosexuel et d’avoir recueilli une fille de Roms (A12-1, 1731-1733). Ruth sauve de la mort Nômie, accusée de sorcellerie et jetée dans l’étang pour tester son innocence (A12-1, 1721-1724). Les deux femmes vivent ensuite en couple; mises au ban, elles portent la lettre A sur leur vêtement comme des femmes adultères (A12-1, 1924-1925). Mais elles continuent néanmoins à exercer leur art de guérisseuses pour le bien de la communauté (A12-1, 1878-1881). Femmes agentes qui défient la société de leur époque, les guérisseuses en sont aussi les victimes, et la saga annonce l’exécution inévitable de Ruth et Nômie par les Puritains de Salem:
Là-bas, à Salem, dans cette Nouvelle-Angleterre à l’âme aussi glacée que ses rivages, (…) paralysée par une peur de chaque instant de l’enfer et par la crainte d’un Dieu omnipotent et sans pardon (…) elles étaient perdues. (…) L’accumulation des accusations contre elles, un jour, les amènerait au pied du gibet, ou ligotées sur une chaise dans l’eau de l’étang, où elles seraient plongées et replongées jusqu’à ce que l’eau, par leur mort, décidât qu’elles n’étaient pas coupables, ni possédées. (A12-2: 710-730)
Autres victimes parmi les Anglaises, les femmes enlevées lors de raids franco-indiens, que nous avons déjà évoquées. Victimes de la coutume autochtone de réduire en esclavage les vaincus, elles le sont aussi du fanatisme des Français qui espèrent les voir converties. Outre le personnage de Jessy l’Anglaise, servante à Québec, qui est présenté des années après sa capture, la saga nous offre un portrait saisissant du trauma de la capture elle-même et de la longue marche forcée de la Nouvelle-Angleterre jusqu’à Montréal des homme, femmes et enfants capturés, y compris une femme enceinte qui accouche dans les bois (A 7-2: 6289-6300). Un parti d’Abénakis s’arrête à Wapassou avec leurs captifs durant le premier hivernage d’Angélique, et celle-ci s’indigne non seulement des mœurs autochtones, mais aussi du manque d’empathie des Canadiens français. Ceux-ci, néanmoins, estiment que leur sort des captives n’est pas si mauvais, puisque d’une part elles ne risquent pas d’être violées, et d’autre part, leur âme sera sauvée:
Elle était indignée de l’indifférence que manifestait Perrot pour le sort de ces gens, surtout des femmes. Bien qu’il fût fort brave homme il était avant tout Canadien, et pour lui l’Anglais hérétique n’appartenait pas à une espèce qu’il soit nécessaire de ménager. Mais, voyant une déception mêlée d’horreur dans les yeux d’Angélique, il essaya de se disculper.
– N’allez pas croire, madame, que ces femmes sont tellement à plaindre. Certes, les Indiens les traiteront peut-être comme des servantes corvéables mais ne craignez pas pour leur honneur. Les Indiens ne violent jamais leurs prisonnières comme cela se fait en Europe. Ils estiment qu’une femme contrainte attire le malheur sur un wigwam. (…) Si ces Anglaises et leurs enfants se montrent dociles, elles ne seront pas malheureuses. Et si elles ont la grâce d’être rachetées par une honorable famille montréalaise elles seront en outre baptisées et ainsi leurs âmes seront sauvées. Ces Anglais ont de la chance d’être tirés de l’hérésie. (A 7-2: 6250-6266)
Ces Européennes se retrouvent ainsi intégrées de force aux nations autochtones, où elles vont faire l’expérience d’un statut de la femme différent, et qui pourrait paradoxalement leur donner plus d’agentivité.
En effet, la saga présente de façon globalement positive la place des femmes dans les cultures autochtones.
En termes d’agentivité sexuelle des femmes, la saga donne nettement l’avantage aux cultures autochtones. L’auteure, dans une de ses très rares notes, souligne l’absence de viol dans les sociétés autochtones, et comment cela a disparu sous l’influence des mœurs européennes:
Ces mœurs indiennes du respect de la femme, générales au début du XVIIe siècle, disparurent peu à peu devant l’exemple des Blancs et sous l’influence de l’eau-de-vie. (A 7-2: 6663-6664)
De façon plus positive que la simple absence du viol, la saga montre que les cultures autochtones laisse aux femmes le choix de la relation amoureuse, à travers le personnage de Jenny. Rochelaise huguenote de Gouldsboro, elle est kidnappée par une bande de Narraganssett et redoute les avances de son maître, avant de comprendre qu’«en ce domaine (…) est reine et maîtresse» (A 12-2, 2364-2368). Elle parvient à s’échapper mais, ostracisée à son retour par les Rochelais de Gouldsboro, elle décide de retourner à sa bande autochtone pour accepter la relation amoureuse. Selon Jenny, le Narraganssett Passaconaway aura pour elle plus d’égard que son mari français, brutal et égoïste:
Je revoyais Passaconaway, la constance avec laquelle il était venu, saison après saison, me présenter la calebasse de graines de courge qui exprimait la fièvre de son désir, sans pour autant se rebuter de mes refus et m’en témoigner de l’humeur. Je le comparais avec l’autre, ce «charmant» Garret que la société rochelaise m’enviait (…) mari plein d’attentions et de courtoisie le jour, la nuit le transformait en un être incivil, satisfaisant la gloutonnerie de ses désirs, sans souci de mes répugnances, ni de m’infliger parfois souffrances et incommodités. (…) Mais il y a une chose dont moi, je suis certaine. C’est que les étreintes de ce sauvage ne seront jamais aussi bestiales que celles de ce crétin de Garret! (A 12-2: 2516-2531)
Assez paradoxalement, la captivité donne ainsi aux Européennes l’accès à une société où la femme peut être agente de son destin, au moins au niveau du choix du partenaire sexuel.
Outre cette agentivité sexuelle, l’œuvre met en lumière le rôle politique majeur des femmes autochtones au sein de leur propres nations autochtones, mais aussi de la société coloniale. L’un des exemples majeurs en est l’évocation du Conseil des Mères de la Confédération iroquoise. Durant le premier hivernage, alors que le groupe des Peyrac est sur le point de mourir de faim, c’est le Conseil des Mères de la Confédération iroquoise qui décide de leur envoyer des vivres pour leur permettre de passer la fin de l’hiver. Elles décident de ce sacrifice pour sauvegarder l’appui politique et militaire que les Peyrac représentent pour la Confédération:
Se tournant ensuite vers Angélique, l’Iroquois au visage grêlé lui remit à elle aussi un collier de wampum. (…) Ce collier contient la parole des femmes de notre tribu. Le Conseil des Mères s’est réuni au moment de la lune rousse et a dit: «Voici. L’homme-qui-écoute-l’univers, l’homme-du-tonnerre est en péril avec sa tribu, car il a donné à nos chefs morts jusqu’à la dernière parcelle de ses réserves afin d’effacer la honte. (…) Nous donnerons chacune une poignée de nos réserves pour conserver la vie de Kawa, la femme blanche, qui a conservé la vie d’Outtaké, notre chef. Sans lui, nous étions orphelins. Sans elle, nous tous étions orphelins. Nos enfants crieront un peu plus souvent, dans l’hiver: «J’ai faim.» La faim est un mal qui se guérit dès que vient le printemps, mais la perte d’un ami, c’est là un mal qui ne se guérit pas. Prends-le sur tes mains, femme, ce collier contient l’offrande de nos tribus. Là! Vois-tu, sur ce dessin, ce sont les femmes assises au Conseil, et là c’est toi et là ce sont les poignées de haricots qu’elles t’envoient pour que tu puisses te rassasier, toi et tes enfants. (A 7-2: 5635-5652)
Un deuxième exemple du pouvoir politique des femmes autochtones apparait avec le personnage de la princesse micmac Mathilde, fille du chef des Mic-Macs et des Etchemin, et épouse du baron de Castine, qui tient le fort de Pentagouët et contrôle la région de la Baie française. Ce personnage historique symbolise l’alliance entre les Acadiens français et les nations autochtones locales. Au-delà du symbole, elle participe activement à la gestion de la région, d’abord aux côtés de son père puis de son mari, qu’elle remplace lorsqu’il se rend en France pour de nombreux mois.
Durant son absence il avait laissé le gouvernement de Pentagouët à sa femme Mathilde, ravissante et intelligente princesse qui s’en tirait fort bien sous l’égide de son père âgé, mais dont l’autorité de Sagamore demeurait grande et respectée. Elle était là aussi, aujourd’hui, dans sa robe de peau frangée. Elle s’habillait court avec un peu d’impertinence, montrant des genoux charmants au-dessus de bottes de peau brodée. Cela se pratiquait chez les Indiennes de haut rang, filles de chefs, ou dirigeant le conseil des femmes, ou tenant un rôle de prêtresse, toutes fonctions qui les mettaient au-dessus des autres, leur donnant parfois le jugement de décision suprême sur les hommes et sur les chefs. (A 12-2: 1507-1517).
On notera que le pouvoir politique de Mathilde ne se limite pas à la société autochtone. Grâce au mariage avec un Européen, elle fait passer dans la société coloniale des éléments culturels autochtones.
Au-delà du personnage extraordinaire de la princesse Mathilde, la saga met en lumière la contribution des femmes autochtones à la construction de la nation canadienne. La saga présente le métissage de façon positive en évoquant ces femmes autochtones ordinaires qui épousent régulièrement les immigrants français pour devenir les mères de la population acadienne:
Dans la plupart des foyers de Port-Royal, la bru révélait sous sa coiffe blanche paysanne les larges yeux noirs d’une petite sauvagesse mic-mac que le fils avait ramenée un beau jour de ses pérégrinations dans les bois. Pieuse, active, bonne ménagère, elle donnait naissance à de beaux enfants aux cheveux et aux yeux noirs, à la peau très blanche, qui grandissaient sagement entre les travaux des champs, la messe du dimanche, les potées de lard et de choux. Bien des sauvages mic-macs, oints d’huile de phoque ou de graisse d’ours qui, sortant des bois, hantaient Port-Royal du matin au soir, s’asseyaient au coin de l’âtre à titre de parents venus visiter leur famille française et admirer leurs petits-enfants. (A 12: 483-489)
Cette évocation d’une société canadienne historiquement métissée, écrite en 1984, annonce le plaidoyer de Bruce Trigger pour «a more objective understanding of the role played by native peoples in Canadian history» (1985: 5) et préfigure l’importance accordée aujourd’hui à la réconciliation de tous les Canadiens avec les Autochtones.
En écrivant l’histoire de femmes agentes dans l’Amérique de la fin du XVIIe siècle, Anne Golon, sans le savoir, avait bien choisi sa période et son lieu. Une étude récente a montré que la fin du XVIIe siècle est «un créneau temporel particulièrement favorable à l’agentivité féminine» car les guerres de religion, suivies de la Guerre de Trente ans, ont favorisé l’absence des hommes (Deslambres: 7). C’est particulièrement vrai au Québec, «où l’absentéisme masculin est omniprésent, tant en raison de la traite des fourrures, des guerres qui mobilisent les miliciens que de la mobilité intercoloniale et transatlantique» (Charpentier et Grenier: 1). La saga Angélique, bien des années avant cette étude, nous propose effectivement de nombreux portraits de femmes dont l’absence des hommes fait des agentes, et s’ancre donc dans un contexte qui «offre la possibilité de contourner, partiellement, les «silences de l’histoire» à l’égard des femmes» (Charpentier et Grenier: 2).
Peut-on donc légitimement dire que la saga Angélique est une œuvre féministe? Pour cette série de romans, comme tout autre forme de romance historique sentimentale, on se heurte au fait que le critère fondamental qui fait qu’un personnage féminin acquière le statut d’héroïne est sa beauté et sa capacité de séduction. Il s’agit là un élément qui fait partie du canon de ce genre particulier, et au-delà, de tout type de récit, et cela depuis Homère et la guerre de Troie. Traditionnellement, dans la fiction, la femme est héroïne parce qu’elle est belle et non pas parce qu’elle agit. Si la romance historique sentimentale ne peut se détacher de ce canon, on note néanmoins dans la saga Angélique une volonté de mettre en avant l’agentivité des femmes dans la construction du passé. Elle participe bien, en cela, à une écriture féministe de l’histoire.
La contribution de cette fiction populaire est d’autant plus remarquable que la date de parution des romans, entre 1961 et 1985, se situe à une époque où l’historiographie savante commençait tout juste à s’intéresser aux femmes dans l’histoire. La saga fait donc bien figure de précurseur d’une histoire féministe de l’Amérique coloniale de la fin du XVIIe siècle.
[2] 13 volumes publiés entre 1957 et 1985. De plus, le premier tome de la série (Angélique, Marquise des anges) fut d’abord publié par épisodes dans France Soir en 1957; le grand succès de l’œuvre fit augmenter les ventes du journal et permit l’obtention d’un contrat de publication (Goloubinoff).
[3] Toutes les références pour la saga Angélique sont celles de l’édition J’ai Lu, format Kindle.
[4] Partie de la côte du Maine qui part de l’Île du Mont-Désert pour aller jusqu’à la frontière du Canada. «Downeast or Down East Maine.» AcadiaMagic.com. https://acadiamagic.com/Downeast.html
[5] Il s’agit d’une municipalité composée de plusieurs villages et située sur la péninsule de Schoodic, qui date en fait en 1789. «Gouldsboro, Maine.» AcadiaMagic.com. https://acadiamagic.com/gouldsboro-maine.htm
[6] Le personnage fictif de Sébastien d’Orgeval est basé sur la figure historique du Révérent Père Sébastien Rale. Parkman lui consacre un chapitre entier dans le volume A Half-Century of Conflict (France and England in North America, tome II, p. 477-501), évoquant son entreprise de fanatisation des Abénakis du Kennebec, dont il fait le rempart de la Nouvelle-France face à la Nouvelle-Angleterre.
[7] Historiquement, la mission du RP Sébastien Rale (Parkman, tome II:478).
[8] Cette scène de messe de nuit dans les forêts, avant le combat, où gentilhommes et coureurs des bois se mêlent aux alliés autochtones, rappelle irrésistiblement l’évocation de la Nouvelle-France dans l’introduction générale de Parkman: «The French dominion is a memory of the past; and when we evoke its departed shades, they rise upon us from their graves in strange, romantic guise. Again their ghostly camp-fires seem to burn, and the fitful light is cast around on lord and vassal and black-robed priest, mingled with wild forms of savage warriors, knit in close fellowship on the same stern errand.» (Parkman, tome I: 15)
[9] Le personnage de Piksarett est probablement emprunté à Parkman, chez qui c’est un Algonquin de la nation des Outaouais. Parkman l’identifie comme un converti, ennemi fanatique des Mohawks, qui a réussi l’exploit de s’introduire secrètement dans leur vallée et d’y tuer des guerriers pendant plusieurs nuits. Cette aventure, relatée par Parkman (tome I: 594-595) est racontée par Piksarett lui-même à Angélique (A 9-2: 3361-3385).
Golon, Anne et Serge. 1957. Angélique, marquise des anges. Paris: Colbert.
Golon, Anne et Serge. 1958. Angélique: le Chemin de Versailles. Paris: Colbert.
Golon, Anne et Serge. 1959. Angélique et le Roy. Paris: Trévise.
Golon, Anne et Serge. 1960. Indomptable Angélique. Paris: Trévise.
Golon, Anne et Serge. 1961. Angélique se révolte. Paris: Trévise.
Golon, Anne et Serge. 1961. Angélique et son amour. Paris: Trévise. (J’ai Lu, 2 volumes, 1976)
Golon, Anne et Serge. 1964. Angélique et le Nouveau Monde. Paris: Trévise. (J’ai Lu, 2 volumes, 1977)
Golon, Anne et Serge. 1966. La Tentation d’Angélique. Paris: Trévise. (J’ai Lu, 2 volumes, 1977)
Golon, Anne et Serge. 1972. Angélique et la Démone. Paris: Trévise. (J’ai Lu, 2 volumes, 1977)
Golon, Anne et Serge. 1976. Angélique et le Complot des Ombres. Paris: Trévise. (J’ai Lu, 1 volume, 1977)
Golon, Anne et Serge. 1980. Angélique à Québec. Paris: Trévise/Colbert. (J’ai Lu, 3 volumes, 1980)
Golon, Anne et Serge. 1984. Angélique: la Route de l’espoir. Paris: Trévise. (J’ai Lu, 2 volumes, 1984)
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APOSTROPHES. 1977. «Parlez-moi d’amour». Antenne 2, 29 avril. https://www.ina.fr/video/CPB77059969
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