Colloque “Désirs et Délices”
Université de Dijon. Décembre 2012
Le colloque Désirs et délices, qui se tiendra à l’Université de Bourgogne les 13 et 14 décembre 2012, fait suite aux deux colloques organisés à Dijon, en 2004 et 2006, dont les Actes sont parus aux éditions du Murmure, respectivement en 2005 et 2008, sous les titres: Le Supplice oriental dans les arts et la littérature (dir. par Muriel Détrié et Antonio Dominguez Leiva), et Délicieux supplices: érotisme et cruauté en Occident (dir. par Sébastien Hubier et Antonio Dominguez Leiva).
Ce troisième volet, organisé par Béatrice Jongy (Université de Bourgogne), Sébastien Hubier (Université de Reims) et Antonio Dominguez Leiva (UQAM/Canada), fera également l’objet d’une publication aux éditions du Murmure.
Axe 1: L’automédialité érotique
L’automédialité désigne la construction du sujet à la fois dans l’écrit, l’image et les nouveaux médias (B. Jongy, L’Automédialité contemporaine, Revue d’Etudes culturelles n° 4, Dijon, Abell, 2008). Pour, quel terreau plus fertile pour la mise en scène, la figuration de soi comme personnage, que le fantasme sexuel? Celui-ci questionne en effet l’identité, le genre, et les métamorphoses du temps. La scène érotique, libérant l’infini des possibles, permet l’élaboration d’un moi fantasmatique et protéiforme…
On sera amené à s’interroger sur le rôle du lecteur/spectateur de cette invention de soi, comme le font Frédérique Toudoire-Surlapierre à propos de Doubrovsky («Autocritique. Hétérosexualité», in Régine Battiston et Philippe Weigel dir., Autour de Serge Doubrovsky, Horizons, 2010) ou Sébastien Hubier dans ses travaux sur l’intimité érotique.
On abordera les différents médias (littérature, peinture, photographie, film, séries télévisées, bande dessinée, vidéos, installations), sans oublier les formes autobiographiques nouvelles engendrées par l’usage d’internet (webcams, photographies numériques, blogues).
Axe 2: Érotisme et gourmandise
Les liens entre érotisme et gastronomie –ou, plus exactement, gourmandise au sens où cette dernière est le délicieux péché de qui recherche le plaisir par la bonne chère– sont aussi anciens qu’étroits. L’art culinaire fut longtemps considéré comme une manière d’échauffer les sens, d’inciter au jeu de l’amour aussi nombreux que les plaisirs de la table. Les cuisiniers italiens de la cour de Catherine de Médicis auraient, si l’ont en croit Brantôme, ceci de remarquable qu’ils savent «accoustrer et accoustumer à la friandise et lubricité». On se souvient que la Justine de Sade, affirme ne connaître «rien qui chatouille aussi voluptueusement [s]on estomac et [s]a tête que les vapeurs de ces mets savoureux, qui viennent caresser le cerveau, le préparent à recevoir les impressions de la luxure», que la Pompadour se servait de «pastilles galantes», bonbons de chocolat fourrés d’ambre et d’une cantharide pour maintenir en éveil son désir pour le roi, que Casanova voyait dans les huîtres «un aiguillon de l’esprit et de l’amour». Ainsi les plaisirs de la chair sont-ils, culturellement, liés à ceux de la chère. Ce sont précisément ces liens qu’il conviendra d’étudier, soit dans le champ littéraire, soit dans le domaine de la culture de masse, soit dans le cadre, anthropologique, de la «cuisine magique», celle des philtres et sortilèges faisant la part belle aux épices aphrodisiaques prétendument capables d’incendier les corps.
Axe 3: Érotisme et fantaisie
«Les adultes ont besoin de littérature obscène, tout comme les enfants ont besoin de contes de fées, comme soulagement à la force oppressive des conventions». Cette célèbre réflexion de Havelock Ellis fut comme l’on sait reprise par Henry Miller, Boris Vian et Robbe-Grillet avant de devenir un lieu commun de l’apologie érotomane. Au-delà de la boutade quelque peu provocatrice, on touche là à une affinité essentielle entre la «suspension de l’incroyance» féerique et la «pornotopie» définie jadis par Steven Marcus. De cette affinité témoignait déjà la tradition classique des des nymphes et des satyres mais aussi le courant populaire qui va des fées amantes du Moyen Âge à leur transsubstantiation dans les fées libertines des Lumières (La Fée Paillardine, etc.). Des diableries porno-romantiques aux fées et succubes hystériques de la Fin-de-Siècle s’affirme la réaction puritaine bourgeoise qui place la fantaisie érotique sous le sceau de l’inquiétude fantastique, la transgression et la répression. Inversement, depuis la révolution sexuelle et le triomphe de la pornoféerie dans la sexploitation cinématographique et dans les bandes dessinées pour adultes (des fumetti neri italiens aux Bondage Fairies états-uniennes), le lien entre pornotopie et fantaisie n’aura cessé de s’étaler comme libération ambigüe.