«The more successful the villain, the more successful the movie». Par ces mots, Alfred Hitchcock résumait une majeure partie de la production cinématographique mondiale et asseyait les fondements de ce qui suivrait, aussi bien au cinéma qu’à la télévision. La figure du méchant fascine et, depuis les années 2000, envahit le petit écran en ne se contentant plus des rôles périphériques: Tony Soprano, Dexter Morgan, Walter White ou encore Hannibal Lecter ne sont que des exemples parmi d’autres de protagonistes qui, non contents de semer le trouble entre le moral et l’immoral, embrassent complètement ce dernier à un moment de leur existence. Leurs actions ou occupations leur interdisent le statut de «gentil», même si la narration tend à nuancer leur position.
Ce phénomène s’inscrit dans une vague existentialiste qui réinvestit les figures mythiques de méchants pour motiver leurs actions et raconter leurs origines 1. Disney s’y évertue également et lance le mouvement avec Maleficent en 2014; en parallèle et par l’intermédiaire de la chaine américaine ABC, le studio aux grandes oreilles réécrit les histoires de nombreux personnages qui ont fait son succès, dans la série Once Upon A Time, lancée en 2011. Si le synopsis annonce d’emblée que l’intrigue se centrera sur le combat que livrent Blanche-Neige, le Prince Charmant et leur fille contre la Méchante Reine, les saisons qui suivent s’en écartent sensiblement et concentrent les enjeux autour du personnage ambigu de Rumpelstiltskin et de l’ambivalente Méchante Reine, Regina. Bien que l’imaginaire collectif ait consacré ces deux personnages comme foncièrement méchants, la série les fait évoluer pour dépasser un manichéisme qui persiste néanmoins, faisant coexister les deux rôles, heroe et villain– explicités par ailleurs, au sein de mêmes figures discursives, ce qui modifie sensiblement les dynamiques sémantico-discursives 2 que la tradition a retenues.
Face à l’irrémédiable fin heureuse de Blanche-Neige et du Prince Charmant, la Méchante Reine interrompt leur mariage et les menace de lancer la malédiction qui neutralisera les destinées de tous les personnages peuplant la Forêt Enchantée. Sur les recommandations de Rumpelstiltskin 3, Regina sacrifie ce à quoi elle tient le plus (son père) et réalise ses noirs desseins: plonger tout un chacun dans une amnésie aux relents tragiques, qui les prive de toute liberté d’action et les confine dans un monde sans magie, sans espoir, sans passé et sans avenir… notre monde. C’était sans compter sur le machiavélisme de Rumpel, qui aura pris le soin d’informer le couple royal du retour, vingt-huit ans plus tard, de leur fille à naitre (dont ils devront donc se séparer avant que la malédiction ne les frappe): Emma, la savior, le produit de l’amour véritable. Celle-ci est retrouvée par le fils qu’elle a abandonné à la naissance, Henry, également le fils adoptif de Regina, désormais maire de Storybrooke.
C’est sur ces prémices que les deux premiers épisodes de la série lancent une première saison qui, si elle semble s’écarter des schémas traditionnellement attachés aux contes4, reste néanmoins fidèle aux trajectoires les plus communes du genre.
Croire
Heroe (Emma) → Objet (Henry) ← Villain (Regina)
Ce schéma, inspiré des théories de Greimas, s’inscrit dans une tradition qui n’est plus à présenter: le villain s’oppose à la quête du heroe (Emma) en ce qu’elle possède l’objet convoité (Henry). L’heroe doit acquérir la compétence «croire» (en la magie, en son rôle de «savior», en son fils) pour accomplir une performance qui mettra fin à la malédiction (un acte d’amour véritable envers Henry). Toute la première saison s’attèle à retracer l’évolution d’Emma jusqu’à l’acceptation de son rôle de savior, en parallèle des récits des individus qui peuplent Storybrooke, exposés selon une double configuration spatiotemporelle: chaque épisode se construit autour de la confrontation entre les évènements qui précèdent, de près ou de loin, la malédiction, dans la Forêt Enchantée, et ce qui se passe à Storybrooke, depuis que l’arrivée d’Emma a permis un déploiement diégétique par l’instauration d’une temporalité. Cette configuration s’ancre dans l’ambition existentialiste de ne pas cantonner des personnages à des rôles non motivés par une (pré)existence qui dépendrait de leurs choix et de leur liberté d’action (ce à quoi Regina les a réduits) et autorise ainsi l’expansion modale et l’investissement empathique de figures qui gagnent alors en nuance, particulièrement Regina et Rumpel.
D’emblée, ce dernier se présente comme l’instigateur et de la malédiction et de sa résolution; il tire les ficelles, ne semble jamais pris au dépourvu et reste plus menaçant que Regina, aussi bien dans la Forêt Enchantée qu’à Storybrooke, où Mr. Gold (son alter ego) retrouve la mémoire aussitôt qu’il croise Emma (dans l’épisode inaugural). L’omniscience et l’omnipotence de Rumpel font l’objet de plusieurs épisodes qui retracent l’évolution d’un homme qui endosse le rôle et les attributs quasi divins du mal le plus absolu dans l’univers créé par la série, ce dans l’espoir de préserver son fils 5 … en vain, puisqu’il est emporté dans un monde sans magie 6. Rumpel décide alors de manipuler Regina de façon à ce qu’elle lance la malédiction qui lui permettra de rejoindre son fils, une fois que celle-ci sera levée et qu’il récupèrera ses pouvoirs. Il se pose donc en adjuvant, aussi bien d’Emma (dans le présent) que de Regina (dans les analepses 7), rôle actantiel qui, en plus de son machiavélisme et de sa mégalomanie, lui confèrent une ambiguïté que ne possède pas Regina au départ. En effet la principale motivation de celle-ci est la vengeance et il faut attendre l’épisode 188 pour apprendre que sa mère, Cora, a assassiné son amant à la suite d’un secret révélé par la jeune Blanche-Neige. Les raisons qui poussent Regina à se venger participent donc à l’investissement empathique du personnage, mais ne sont explicitées que trop tardivement pour, en saison 1, sortir Regina de son rôle thématique de villain.
Ce constat est d’autant plus accentué que Regina remplit également ce rôle envers Rumpel, dont la démultiplication figurative9 amplifie l’empathie ressentie pour le personnage, qui assume en plus le rôle de la Bête10, rendue monstrueuse à la suite de sa soumission au mal. Rumpel trouve la voie de la rédemption dans l’amour que lui porte Belle avant que Regina ne la fasse disparaitre. Du début à la fin de la saison, Regina reste la principale antagoniste, vaincue par Emma aussitôt la malédiction levée et la mémoire de tous rétablie. Vaincue, mais pas tout à fait, car elle reste présente et la saison se clôt sur sa satisfaction de voir la magie renaitre de la main de Rumpel, qui a retrouvé Belle et qui s’apprête désormais à chercher son fils.
Cette configuration referme ainsi une première saison qui aura suivi le schéma traditionnel des contes, en attribuant à des personnages typiques des trajectoires attendues, car ancrées dans l’imaginaire collectif. Les programmes narratifs des villains gagnent toutefois en complexité et, surtout, ne trouvent pas de conclusion, contrairement à ceux des heroes: Rumpel doit retrouver son fils et se voit offrir la possibilité de la rédemption, Regina est toujours en vie et espère bien regagner l’amour d’Henry.
Bien que l’ensemble des personnages revienne dans les saisons suivantes et que leurs histoires continuent d’être explorées, beaucoup occupent désormais une position périphérique et leur fin heureuse n’est plus que faussement contrecarrée par une série de pseudo péripéties sans conséquences. Il en va de même pour Emma, d’emblée présentée comme la protagoniste et l’héroïne (en plus de la heroe), mais dont la principale évolution réside dans son acceptation du rôle de savior, ce qu’elle accomplit en fin de première saison. Structurellement, Emma occupe donc un rôle thématique qui n’est jamais remis en question et qui la situe en clé de voute de la construction diégétique: elle reste incontournable sur le plan actantiel, paradigmatique, mais son rôle thématique l’empêche d’évoluer sur le plan de la sémantique discursive 11.
Au contraire, Regina et Rumpel cristallisent les enjeux des deux saisons à venir, ne serait-ce que du point de vue des intrigues, puisque la deuxième saison marque le retour de Cora, qui s’allie au Capitaine Crochet, amant de l’épouse de Rumpel, qui, dans un accès de colère de jalousie, assassine cette dernière et coupe la main du pirate (ce qui lui vaut le nouvel agent de Crocodile, qui sied également à sa peau écailleuse). Les deux nouveaux antagonistes renforcent l’investissement empathique des deux villains, notamment en maintenant l’exploitation des thèmes de l’amour et de la famille. En s’opposant à Regina et Rumpel, les nouveaux villains offrent aux villains d’origine la possibilité d’entamer une quête dont l’objet, de par la valeur axiologique qui lui est attribuée, teinte leur quête et modalise de ce fait la dialectique axiologique du sujet (Greimas, 24-25). Il s’agit là d’un recours propre aux modèles rocambolesques des romans-feuilletons, qui, par la démultiplication des péripéties et quêtes, repoussent inéluctablement la fin vers son inaboutissement, au profit d’une densification paradigmatique des personnages. En ce sens, la deuxième saison s’avère moins intéressante que la troisième, même si indispensable, puisqu’elle aboutit principalement à la neutralisation des deux villains: Regina doit renoncer à sa vengeance et aux velléités de pouvoir de Cora, elle doit cesser d’être une maire avide de pouvoir pour devenir une mère pour Henry. Il en va de même pour Rumpel, qui doit renoncer à se venger de Crochet pour s’attirer les grâces de Belle et de son fils retrouvé: il embrasse ses rôles d’amant, de père et de grand-père (son fils étant le père biologique d’Henry, qui persiste dans sa position d’objet de toutes les quêtes).
À ce titre, la troisième saison se montre plus intéressante et, tout en reprenant les mêmes formules 12, approfondit la réflexion et offre une conclusion (feinte) aux deux villains désormais neutres. Le travail est rendu possible par le découpage de la saison en deux arcs narratifs aux enjeux différents. Le premier emmène les personnages au Pays Imaginaire et les oppose à Peter Pan, qui a enlevé Henry. Si Regina est invitée à asseoir son rôle de mère engagée pour Henry (au même titre qu’Emma), Rumpel voit une nouvelle fois sa relation avec son fils mise à mal. Très vite, il devient évident que lui seul peut défaire Pan (qui se révèle être son père) par un acte sacrificiel qui ajoute le suicide au meurtre, pire, au parricide. L’abnégation dont fait preuve Rumpel le rachète aux yeux de ses proches et des téléspectateurs; toutefois, le présenter comme un antihéros reste plus judicieux, puisque ses actes entrainent la mort de plusieurs personnages. Précisément, sa silhouette s’efface progressivement de l’écran, aussitôt qu’il conclut une partie de son histoire par cette résignation: «But I’m a villain, and villains don’t get happy endings».
La deuxième partie de la saison met en scène l’affrontement entre Regina et Zelena, la Méchante Sorcière de l’Ouest, qui s’avère également être sa sœur cachée. Isolée du reste de l’équipe (rendue inoffensive par Zelena), Regina doit embrasser l’heroe en elle: elle doit alors croire en sa capacité à être bonne, sauver la vie de ses anciens ennemis, restaurer sa mémoire à Henry par un acte d’amour véritable pour libérer tout le monde de l’emprise de Zelena, et vaincre cette dernière au moyen de magie blanche. Regina suit ainsi exactement le même programme narratif que celui d’Emma en première saison et ne salit en rien son élévation au rang de heroe par sa victoire sur Zelena, puisque Rumpel (revenu à la vie entre-temps) se chargera de la tuer, vengeant ainsi la mort de son fils. La troisième saison s’achève alors sur la transformation de Regina, passée de villain à heroe, et sur l’inéluctable damnation de Rumpel, qui se résout au mal par défaitisme, même s’il conserve l’espoir de rester auprès de Belle.
En dépit d’une construction narrative parfois hasardeuse, les trois premières saisons reposent sur une cohérence d’ensemble qui parvient à conjoindre les nécessités du format télévisuel au déploiement diégétique de parcours figuratifs susceptible d’actualiser les heroes virtuels (en puissance) que sont Regina et Rumpel. Leur rédemption devient la condition de l’avancement de l’intrigue globale et dépend de l’addition rocambolesque de péripéties qui, à terme, subliment la comparaison éculée généralement établie entre les romans-feuilletons du XIXe siècle et les séries télévisées. Pour reprendre la terminologie de Christophe Meurée, la série se dote d’une esthétique «sagaesque» (Meurée, 2013, 355-375), en ce sens qu’elle ne cesse de complexifier l’arbre généalogique d’une famille dont les aventures frôlent le ridicule à force de résurrections, de superpositions de mondes et de ressassements (la même malédiction est lancée trois fois sur trois saisons) repoussant inexorablement la fin vers son irréalisation. Pour cette raison, nous avons circonscrit la recherche aux trois premières saisons, les suivantes ne parvenant plus à proposer de véritables évolutions, au point de gangréner rétroactivement la cohérence d’ensemble de la série. Nous retiendrons simplement que, d’une part, Regina se voit inlassablement refuser toute fin heureuse, mais résiste à chaque fois à la tentation du mal et que, d’autre part, Rumpel ne cesse de succomber à cette même tentation, là où lui est constamment offerte la possibilité de sa rédemption.
Par conséquent, nous jugeons adéquat d’envisager leur rédemption comme aussi nécessaire que paradoxale. En effet, elle procède du besoin d’assurer le fan service en impliquant toujours davantage des personnages auxquels le public est attaché et en leur proposant une évolution significative et morale, au détriment de celles des autres personnages. Toutefois, cette évolution ne peut s’achever, sous peine de perdre tout attachement envers des heroes qui ne disposeraient plus de trajectoires intéressantes. Les méchants fascinent, c’est bien connu, et pour cette raison la série rechigne à octroyer à Regina et à Rumpel une fin heureuse qui menacerait (ou pire, anéantirait) le villain en eux. De ce constat, deux conclusions complémentaires sont à tirer. La première a trait au type de villain que dépeint la série, qui, en adoptant un schéma feuilletonnant, crée un parallèle avec ce qu’avait entamé Dumas dans Les trois mousquetaires dont, selon les mots d’Umberto Eco, le vrai grand protagoniste est Richelieu:
[C]’est à lui que font pendant les mousquetaires comme expression du goût individuel de l’aventure et de la généreuse inconséquence. Et si les trois gaillards sont l’imagination picaresque à l’état pur, Dumas a eu l’intuition que, à l’âge moderne en pleine maturation, l’esprit picaresque devait se heurter à l’esprit de pouvoir. […] Le problème étant que la période ne permet plus au Pouvoir de s’incarner dans un héros charismatique (Eco, 1993, 98).
En ce sens, Regina et Rumpel inaugurent (littéralement) l’avènement d’un nouveau monde auquel se heurte un idéal fiabesque dont la pertinence s’effrite. L’optimisme et la candeur des heroes sont rapidement relégués au second plan, offrant la possibilité aux villains de se déployer. Ainsi, Regina et Rumpel sont des villains qui disent quelque chose de notre société: ils représentent les deux faces du débat moderne entre un pouvoir impérieux et impalpable qui s’exercerait sournoisement et sans rendre de compte à personne, et un pouvoir plus communautaire et démocratique, dont la proximité, le partage du savoir et la liberté d’action qu’il suppose le rachètent aux yeux de celui sur lequel il s’exerce. La présence de villains ne justifie plus le programme narratif des heroes; au contraire, les villains ont besoin de heroes (actuels ou virtuels, enfuis en eux) pour justifier le parcours qui mènera à leur rédemption.
1. On pense directement à la prélogie Star Wars, quasi-entièrement dédiée à retracer le parcours qui amena le jeune Anakin à devenir Darth Vader.
2. Pour les besoins de l’analyse, nous fonderons notre étude des personnages sur les travaux en sémiotique de Greimas.
3. Que nous appellerons, par souci d’économie et de légèreté, en suivant ce qu’applique la série, Rumpel.
4. Que ce soit en partant de la victoire des villains ou encore en situant des personnages iconiques dans les États-Unis contemporains.
5. Dans l’épisode 8, intitulé «Desperate Souls», assez tôt dans la série donc, chaque saison en comportant 22.
6. Dans l’épisode 19, intitulé «The Return».
7. Plus majoritairement, même s’il prépare également le destin de Blanche-Neige et du Prince Charmant, desquels naitra Emma.
8. Intitulé «The Stable Boy».
9. Greimas définit la notion fondamentale d’«acteur» comme suit : «Un acteur est ainsi le lieu de rencontre et de conjonction des structures narratives et des structures discursives, de la composante grammaticale et de la composante sémantique, parce qu’il est chargé à la fois d’au moins un rôle actantiel et d’au moins un rôle thématique qui précisent sa compétence et les limites de son faire et de son être. Il est en même temps le lieu d’investissement de ces rôles, mais aussi de leur transformation, puisque le faire sémiotique, opérant dans le cadre des objets narratifs, consiste essentiellement dans le jeu d’acquisitions et de déperditions, de substitutions et d’échanges de valeurs, modales ou idéologiques» (Greimas, 1983, 66). Rumpel et Regina se présentent ainsi en «acteurs» aux «agents» multiples (par exemple, Rumpel est à la fois Gold, la Bête, le Crocodile, un père et un fils), avec autant de parcours figuratifs susceptibles d’activer l’évolution de leur rôle thématique de villain.
10. Cette dimension est explorée pour la première fois dans l’épisode 12, «Skin Deep».
11. De plus, sur le plan intertextuel, à l’inverse des autres personnages, Emma a été créée pour les besoins de la série et ne provient pas de récits préexistants desquels puiser pour l’étoffer.
12. Face à l’évidence que Regina et Rumpel sont devenus les personnages les plus fascinants et riches de la série.
Eco, Umberto, De superman au surhomme, Paris, France Grasset, 1993 (Ouvrage original publié en 1976, sous le titre Il superuomo di massa. Studi sul romanzo popolare, Rome, Corporativa scrittori).
Greimas, A.J., Du sens II. Essais sémiotiques, Paris, France, Seuil, 1983.
Meurée, C., «Propositions pour une esthétique “sagaesque”», dans Quaghebeur, Marc (éd.), Les sagas dans les littératures francophones et lusophones au XXe siècle, Bruxelles, Belgique Peter Lang, 2013.
Ghekiere, Hadrien (2017). « De vilains à héros ». Pop-en-stock, URL : [https://popenstock.uqam.ca/articles/de-vilains-a-heros-le-paradoxe-de-la-necessaire-redemption-de-regina-et-rumpelstiltskin-dans-once-upon-a-time], consulté le 2024-12-22.